Les règles bancaires de « Bâle 3 » trouvent enfin un consensus en Europe

Les nombreux points de blocage de l’adaptation européenne des règles prudentielles bancaires de « Bâle 3 » ont finalement été levés lors d’une ultime réunion fin juin du trilogue (Commission européenne, Conseil européen, Parlement européen). Le texte final sera publié courant juillet pour une adoption en séance plénière du Parlement à l’automne. Ces règles, qui visent à durcir la gestion du risque des banques, doivent en principe entrer en application à partir du 1er janvier 2025.
Le Parlement européen devrait voter cet automne en séance plénière le texte sur la réforme des règles prudentielles bancaires.
Le Parlement européen devrait voter cet automne en séance plénière le texte sur la réforme des règles prudentielles bancaires. (Crédits : Reuters)

Le vote en plénière du Parlement européen de la transposition en droit européen des nouvelles règles prudentielles internationales pour les banques, dites « Bâle 3 », pourrait voir le jour cet automne, « fin septembre, début octobre », selon un proche des négociations.

Il sera temps. Le texte doit en principe entrer en application au plus tard le 1er janvier 2025, après déjà un report de deux ans sur le calendrier initial.

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Malgré tout, il est peu probable que les banques soient prêtes d'ici là tant les nouvelles procédures à mettre en place pour l'analyse du risque sont complexes, sans parler d'un « surcoût en capital de l'ordre de 20% », selon un banquier français pour qui il serait « irresponsable » de ne pas envisager un nouveau report. « Il vaut mieux un Bâle 3 aujourd'hui, qu'un Bâle 4 retardé », a cependant glissé le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, lors du Paris Finance Forum.

Un lent processus

Sur la base d'un texte de 2017 du Comité de Bâle, qui regroupe les régulateurs bancaires internationaux, la Commission européenne a sorti une première proposition de transposition en 2021, puis une deuxième est venue sous la présidence française du Conseil Européen au premier semestre 2022 et une dernière du Parlement européen. Et depuis, les travaux ont péniblement continué dans la phase de trilogue (Commission, Conseil et Parlement européen), avec de nombreux points de blocage.

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La présidence suédoise du Conseil européen a cependant donné un coup d'accélérateur avec sa forte volonté d'aboutir à un accord sous sa présidence d'ici la fin juin. Une dernière réunion, dans la nuit du 26 au 27 juin, a permis, selon un observateur, de lever les principaux obstacles politiques, laissant certains points techniques de côté. Ces travaux, dans ce que l'on appelle dans le jargon européen le document « quatre colonnes » (une colonne pour chaque proposition du trilogue et une dernière colonne, point final du texte validé par chacune des parties), devraient être publiés courant juillet, avant le vote au Parlement. « Les points majeurs sont désormais réglés », confirme un banquier français.

Modèle interne vs modèle standard

L'architecture générale du texte reste la même, avec cette volonté de durcir les règles en matière de risque. La principale nouveauté concerne, rappelons-le, l'introduction d'un « plancher en capital » (« output floor ») qui est censé limiter les bénéfices prudentiels que pourrait tirer une banque lorsqu'elle utilise ses modèles internes de calcul des risques.

En clair, il s'agit d'éviter que les grandes banques, qui ont les moyens de développer leurs propres modèles de risques, soient avantagées sur les petites et moyennes banques, qui utilisent les méthodes standards définies par les autorités de tutelle. C'est aussi une remise en cause de l'approche par « modèle interne » privilégiée en Europe au profit d'une approche « standard » du risque, favorable pour des raisons de structures de marché aux banques américaines.

Les banques européennes, surtout françaises, qui ont des bilans importants, notamment avec le crédit immobilier, ont tout fait pour tenter d'empêcher, puis de limiter la portée du « output floor ». En vain. Elles devront donc calculer leurs risques (qui déterminent ensuite leurs besoins de fonds propres) en fonction de deux modes de calcul, le modèle interne et la méthode standard. Et c'est le modèle qui exige le plus de fonds propres, par lignes de produits, qui sera finalement retenu. Bref, c'est un travail de titan qui attend les services de risques des banques.

Points de blocage

Restaient trois points de blocages importants. Tout d'abord, il s'agissait de savoir si ce fameux « output floor » devait s'appliquer de manière consolidée au niveau de la tête de groupe (option privilégiée par le Parlement) ou également niveau de chaque filiale implantée dans un pays européen autre que celui de la maison-mère (une idée défendue par le Conseil du fait de la présence des nombreux pays « host »).

Cette question, qui concerne un point stratégique, notamment celui de la réallocation ou non de fonds de propres au sein d'un groupe, a usé les patiences pendant deux ans. Un compromis a donc été trouvé. Les filiales devront déclarer un « output floor » à leurs niveaux, mais un État membre où se trouve la tête de groupe, pourra exonérer de cette obligation toutes les filiales du pays sous réserve que l'entité du groupe de tête respecte la norme. Ceci minimisera l'impact, notamment pour les banques mutualistes françaises qui auraient été pénalisées sans raison, comme l'avait d'ailleurs souligné l'Autorité européenne des banques (EBA) dans un rapport en 2019.

Second point des frictions, la possibilité de laisser les banques étrangères, notamment américaines et britanniques suite au Brexit, de traiter des clients « entreprises » en Europe. Ce sera possible, mais sous condition d'installer a minima une succursale en Europe. C'est désormais acté.

Beaucoup de travail pour rien ?

Le troisième point - qui n'était pas prévu au départ, mais rajouté par les régulateurs entre-temps - concerne l'ESG avec un Parlement qui souhaitait imposer une surcharge en capital pour les investissements les plus carbonés. L'idée n'a finalement pas été retenue après des mois de négociations. À noter enfin que la volonté de la BCE de donner son imprimatur aux nominations de dirigeants de façon ex-ante et non plus ex-post comme maintenant, n'a pas non plus eu gain de cause auprès du trilogue.

De nombreux détails restent encore en suspens mais l'essentiel est arrêté, autour de deux textes, le CRR 3 (Capital requirement regulation) et le CRD 6 (capital requirement directive). Ça tombe bien car « tout le monde en a un peu ras le bol », reconnaît un banquier. Les premières discussions remontent en effet à ... 2014.

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Entre-temps, la panique bancaire et la fuite des dépôts du printemps dernier a certes remis au goût du jour la nécessité d'une régulation forte des banques mais elle n'a rien changé aux textes.

Reste une interrogation majeure : comment le Crédit Suisse a -t-il pu tomber en faillite en quatre jours alors qu'il respectait haut la main tous ses ratios prudentiels? Cette question hante les banquiers centraux, les régulateurs et les banquiers, sans trouver, à ce jour, de réponse satisfaisante dans les normes de Bâle 3. Alors, tout ça pour ça ?

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