Zéro émission  : Easyjet mise tout sur la technologie et abandonne les compensations carbone

La course à la neutralité carbone est lancée, et Easyjet entend bien prendre de l'avance, et surtout, le faire savoir. La compagnie orange s'est lancée dans une trajectoire de réduction de son empreinte écologique jusqu'en 2050 basée sur la technologie, quitte à laisser de côté les mécanismes de compensation jugés courtermistes.
Léo Barnier
Le passage à l'A320 NEO constitue l'un des principaux leviers de décarbonation d'Easyjet.
Le passage à l'A320 NEO constitue l'un des principaux leviers de décarbonation d'Easyjet. (Crédits : PHIL NOBLE)

Easyjet affine sa trajectoire vers le zéro émission nette. La compagnie à bas coût britannique vient de présenter, le 26 septembre, sa feuille de route pour atteindre cet objectif d'ici à 2050. Celle-ci mise uniquement sur des piliers technologiques, conformément à la ligne tracée par l'initiative Science Based Targets (SBTi - Objectifs fondés sur la science), fondée par le CDP (Carbon Disclosure Projet), le Pacte mondial des Nations unies et le Fonds mondial pour la nature (WWF). Une démarche qui va conduire la compagnie à stopper son programme de compensation carbone.

Après plusieurs initiatives ces dernières années, Easyjet poursuit donc sa communication intense autour de la réduction de son empreinte environnementale. La feuille de route dévoilée par son directeur général, Johan Lundgren, s'appuie sur cinq piliers qui doivent lui permettre de réduire ses émissions de 78% par passager par kilomètre d'ici à 2050, le reste devant venir de la capture de carbone. De quoi s'affranchir des mesures de compensation, selon lui.

Les NEO en fer de lance

Le premier pilier est le renouvellement de la flotte, bien entamé avec la commande de 227 appareils de la famille A320 NEO d'Airbus, dont 59 déjà livrés, pour un montant estimé à 21 milliards de dollars, selon les prix catalogue. Avec un gain de consommation par rapport aux A320 classiques, les NEO doivent fournir la majorité de l'effort de décarbonation d'ici 2035, avec l'usage de carburants d'aviation durables (SAF).

Sur ce point, Johan Lundgren assure que sa compagnie est parée pour répondre à ses besoins et notamment aux mandats d'incorporation européens pour les cinq prochaines années, qui prévoient 2% de SAF dans le total de carburant consommé en 2025, puis 5% en 2030, grâce à son partenariat avec Q8 Aviation.

Le dirigeant assure néanmoins qu'il souhaite aller plus loin avec la nécessité de préparer les nouvelles générations comme les carburants synthétiques (e-fuel ou power-to-liquid, issus de l'utilisation d'électricité et d'hydrogène décarbonés et de captation de carbone).

Espace aérien modernisé et procédures optimisées

Les deux piliers suivants portent sur la modernisation de l'espace aérien - avec une amélioration de l'organisation au Royaume-Uni et en Europe avec le Ciel unique européen comme des outils actuellement déployés pour une réduction d'émissions de l'ordre de 10% - et sur l'amélioration de l'efficacité opérationnelle.

Sur ce dernier point, l'un des axes prioritaires est la généralisation des procédures d'optimisation du profil de descente (DPO) et d'approche en descente continue (CDA). Easyjet a ainsi annoncé un investissement de plusieurs millions de livres sterling pour un rétrofit des logiciels de l'ensemble de sa flotte afin qu'elle puisse mettre en œuvre ce type de procédures.

Selon Wouter Van Wersch, vice-président régional d'Airbus pour l'Europe, DPO et CDA doivent permettre d'économiser 98 tonnes de carburant et 311 tonnes de Co2 par avion par an, soit un potentiel de réduction de 88.600 tonnes de CO2 pour l'ensemble de la flotte A320 par an. Il estime aussi la baisse de l'empreinte sonore à 10dB sur les phases d'approche.

Easyjet croit à l'avion "vert"

Le dernier pilier est l'introduction d'avions zéro émission, principalement d'appareils capables d'utiliser de l'hydrogène soit via la combustion dans des moteurs thermiques, soit via des piles à combustibles alimentant des moteurs électriques. Easyjet est notamment associé avec Rolls-Royce pour développer un moteur alimenté directement en hydrogène.

Les deux partenaires ont ainsi présenté un premier démonstrateur basé sur un turbopropulseur AE 2100 modifié, qui doit réaliser bientôt une première campagne d'essais au sol. Grazia Vittadini, directrice de la technologie et de la stratégie de Rolls-Royce, a affiché sa confiance quant aux tests à venir et à assurer qu'il ne s'agissait que d'une première étape, l'objectif étant de voler.

Dans la vision d'Easyjet, ces futures générations d'avions doivent apporter près de la moitié des réductions d'émissions de CO2 en 2050. Un discours qui semble très optimiste avec un fort degré de confiance dans les évolutions technologiques. Fervent partisan de l'hydrogène, Guillaume Faury, président exécutif d'Airbus, reconnaissait lui-même, lors du dernier Paris Air Forum, qu'il s'agissait davantage d'une technologie pour la deuxième moitié du siècle dont « l'impact sera encore très limité » avant 2050.

Les compensations carbone mises au ban

Les ambitions d'Easyjet ne sont pas sans contreparties. Tout d'abord, Johan Lundgren a fait son effet en annonçant la suppression de son programme de compensation carbone. Celui-ci restera tout de même valide pour tous les billets achetés d'ici la fin de l'année pour des départs jusqu'en septembre 2023. Il ne sera plus disponible qu'en option pour les clients le désirant. Ce programme avait pourtant permis de compenser 8,7 millions de tonnes de CO2 depuis novembre 2019, mais il ne correspond pas avec la ligne de SBTi qui ne tient pas compte des compensations hors secteurs et des dispositifs comme le Système européen d'échange de quotas d'émission (EU ETS) ou encore le Régime de compensation et de réduction de carbone pour l'aviation internationale (CORSIA) de l'OACI.

Johan Lundgren a assuré qu'il ne s'agissait dès le départ qu'une mesure transitoire. Sans dévoiler son coût, il assure que les investissements technologiques à venir seront bien plus importants. Pour autant, il n'entend pas en supporter la charge à lui seul et appelle donc à des actions de la part des gouvernements. Easyjet demande en priorité la définition d'un cadre incitatif pour la mise en œuvre de vols décarbonés ou le développement de technologies à zéro émission, l'intégration de l'hydrogène dans l'initiative européenne RefuelEU Aviation au même titre que les SAF, le fléchage de taxes sur les passagers liées aux émissions vers l'effort de décarbonation, ou encore l'accélération du Ciel unique européen.

Mais la compagnie orange souhaite aussi des investissements dans les énergies renouvelables, notamment pour la création d'hydrogène vert pour l'aviation et le développement des infrastructures nécessaires à son exploitation dans les aéroports (approvisionnement, stockage, avitaillement), qui pèseront très lourd dans les années à venir.

Léo Barnier

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Commentaires 5
à écrit le 26/09/2022 à 19:41
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La seule vie zéro émission c'est celle qu'on ne vit pas.

à écrit le 26/09/2022 à 17:14
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Le seul voyage zéro émission, c'est celui qu'on ne fait pas

le 26/09/2022 à 18:03
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Je me passe bien de ce genre d'avis. C'est un choix, que je ne suivrai pas, et surtout je ne supporterai pas qu'on me l'impose.

le 26/09/2022 à 18:51
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Charly toujours aussi grand penseur et dans tous les domaines: magnifique!

le 26/09/2022 à 20:32
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Restez donc dans votre terrier, et laissez voyager un peu ceux qui ont quelque curiosité pour le monde

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