"Investir plus pour la transition" Alain Grandjean, Carbone 4

[24 Tribunes pour la COP24 | 18/24 ] L'été 2018, avec ses canicules, ses incendies dévastateurs, ses inondations, nous a encore rappelé combien la lutte pour atténuer le changement climatique et limiter ses impacts est vitale. Par Alain Grandjean économiste, co-fondateur du cabinet Carbone 4
(Crédits : DR)

C'est aussi une lutte pour le mieux-être de tous. Nous affranchir du charbon, du pétrole et à terme du gaz fossile... est impératif si nous voulons préserver notre santé, notre économie, la capacité d'agir des futures générations et construire une société résiliente. Mais il s'agit d'un changement majeur de modèle de production et de consommation, ce qui requiert de nombreux leviers. L'éducation et la formation sont essentiels. Nous devons cesser d'allouer des capitaux à des actifs non durables. Nous avons besoin d'une fiscalité écologique incitative sans laquelle cette mutation ne se fera pas. Le mouvement des « gilets jaunes » montre qu'elle doit être accompagnée d'un dispositif de concertation et de mesures adaptées pour les populations les plus en difficulté.

Il est aussi fondamental d'accroître l'investissement public et privé dans les infrastructures. Les investissements publics et privés nécessaires à l'atteinte des objectifs climatiques français ont été estimés par le think tank I4CE à entre 45 et 75 milliards d'euros par an (2 à 3 % du PIB). Or aujourd'hui, nous ne dépensons que 31 milliards d'euros répartis à parts égales entre ménages, entreprises et acteurs publics : le compte n'y est pas. Ce constat est général en Europe et dans le monde.

Pour boucler l'équation du financement de la transition bas carbone, il est nécessaire de mobiliser l'épargne privée, qui ne manque pas et cherche un sens. Mais cette mobilisation ne pourra être optimisée sans un surcroît d'investissements et d'aides publics. Pour la rénovation énergétique des logements par exemple, les ménages ne s'engageront pas, sans aides publiques, dans des travaux lourds dont le temps de retour est trop long. La profonde mutation des transports nécessite aussi de gros investissements publics et privés.

Il est donc impératif d'investir plus dans la transition et, pour cela, de faire évoluer les instruments européens de pilotage économique, car ils se focalisent sur la réduction des déficits publics aux dépens de l'investissement. Sortir de cette impasse implique que la Commission européenne utilise résolument les marges de flexibilité dont elle dispose dans l'interprétation des textes relatifs aux déficits excessifs afin de favoriser les investissements de transition. Il serait par exemple possible d'isoler, dans le calcul du déficit public, les fonds publics affectés à ces investissements, comme le ferait toute entreprise qui ne confond pas ses investissements et ses dépenses de fonctionnement. La discussion avec la Commission européenne doit être entamée dès maintenant dans le cadre du semestre européen : deux arguments principaux justifieraient l'utilisation des marges de flexibilité. L'investissement a un effet multiplicateur sur le PIB et ne conduira pas à une hausse de la dette publique. Le développement durable est une priorité de l'Union européenne au même titre que la stabilité budgétaire. Ne devraient être éligibles à la flexibilité que des investissements dont l'impact climat à terme est positif. Une marge supplémentaire de flexibilité devrait être accordée lorsque le pays met en place des politiques, évaluées dans le cadre de l'exercice de coordination du Semestre européen, qui le placent sur une trajectoire lui permettant de réaliser les objectifs carbone 2030.

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La Tribune a demandé à 12 chefs d'entreprise et 
12 experts de formuler une solution pour sauver la planète.

Isabelle Kocher - Engie | Alexandre de Juniac - IATA | 
Jean-Pascal Tricoire - Schneider Electric | Antoine Frérot - Veolia | 
Jean-Laurent Bonnafé - BNP Paribas | Guillaume Poitrinal - Woodeum |
Thomas Buberl - Axa | Alain Dinin - Nexity | 
Laurence Tubiana - Fondation européenne pour le climat | 
Frédéric Rodriguez - Greenflex | Laurent Solly - Facebook | 
Arnaud Leroy - l'Ademe | Jean-Yves Le Gall - Cnes | 
Cécile Maisonneuve - Fabrique de la Cité | Sylvie Goulard - Banque de France |
Chantal Jouanno - CNDP | Karima Delli - Députée européenne | 
Alain Grandjean - Carbone 4 | François-Michel Lambert - Député | 
Frédéric Mazzella - Blablacar | Eric Scotto Akuo - Energy 
Dominique Bourg - Philosophe | Cyril Dion - Réalisateur 
Patrick Criqui - CNRS.

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