Pour cela, il nous faut collectivement et individuellement en faire plus, plus vite, plus longtemps. Plus, parce que l'économie à bas carbone demeure marginale à l'échelle mondiale. Plus vite, car si nous n'inversons pas d'ici une décennie la tendance en matière de rejets de gaz à effet de serre, alors nous aurons perdu nos chances de cantonner les dégâts climatiques à un niveau gérable. Plus longtemps, car le problème de la maîtrise des émissions de CO2 nous accompagnera jusqu'à la fin du siècle.
Une lutte active contre les émissions de gaz à effet de serre exige de réunir plusieurs conditions. D'abord, une implication des principaux émetteurs de gaz à effet de serre ; nous y sommes, puisque 181 pays ont ratifié l'Accord de Paris. Ensuite, des solutions techniques reproductibles à grande échelle. Elles existent et ont fait leurs preuves. Ce sont l'efficacité énergétique, en particulier dans les bâtiments ; les énergies renouvelables ; l'économie circulaire qui, en transformant les déchets en ressources, réduit drastiquement les émissions carbonées ; la réutilisation des colossales quantités d'énergie perdues (en Europe, seul 1 % de la chaleur fatale des usines et des villes est récupérée) ; le captage du méthane, un polluant lorsqu'il est relâché dans l'atmosphère, mais une énergie verte lorsqu'il est transformé en chaleur...
Alors qu'est-ce qui fait obstacle à l'emploi massif de ces technologies ? Le principal point de blocage, ce sont les incitations concrètes à agir, celles qui modifient les comportements, les achats, les investissements. Donner un prix au CO2 est le moyen le plus pertinent, sinon le seul, de diffuser les solutions à bas carbone dans toute la chaîne des acteurs économiques. Ce prix doit être robuste, prévisible, suffisamment élevé pour être dissuasif pour les pollueurs et incitatif pour les dépollueurs, de l'ordre de 40 € par tonne de CO2 contre 20 € actuellement sur le marché européen des quotas d'émissions.
Pour qu'un tel prix soit accepté, il convient d'être pragmatique, c'est-à-dire d'appliquer non seulement le principe « qui pollue paie » mais aussi le principe « qui dépollue est aidé » ! Cette double approche a montré sa redoutable efficacité dans l'eau et les déchets. Sur la plupart des polluants, les états appliquent de stricts plafonds de rejets ou le principe-pollueur : les déchets ménagers et industriels, les eaux usées, les CFC... Étrangement, il existe une catégorie de polluant pour laquelle nous appliquons moins ces mesures : celle des gaz à effet à de serre. Or ce sont eux qui ont l'impact le plus dévastateur sur la planète !
Le climat bouscule déjà le destin des villes et des entreprises, et chaque année, nous sentons davantage la morsure du réchauffement. Aussi, Messieurs les diplomates qui vous réunissez à la COP 24, je vous le demande : donnez-nous le cadre juridique et financier qui nous permettra de généraliser rapidement l'économie à bas carbone, dont le monde a tant besoin !
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La Tribune a demandé à 12 chefs d'entreprise et
12 experts de formuler une solution pour sauver la planète.
Isabelle Kocher - Engie | Alexandre de Juniac - IATA |
Jean-Pascal Tricoire - Schneider Electric | Antoine Frérot - Veolia |
Jean-Laurent Bonnafé - BNP Paribas | Guillaume Poitrinal - Woodeum |
Thomas Buberl - Axa | Alain Dinin - Nexity |
Laurence Tubiana - Fondation européenne pour le climat |
Frédéric Rodriguez - Greenflex | Laurent Solly - Facebook |
Arnaud Leroy - l'Ademe | Jean-Yves Le Gall - Cnes |
Cécile Maisonneuve - Fabrique de la Cité | Sylvie Goulard - Banque de France |
Chantal Jouanno - CNDP | Karima Delli - Députée européenne |
Alain Grandjean - Carbone 4 | François-Michel Lambert - Député |
Frédéric Mazzella - Blablacar | Eric Scotto Akuo - Energy |
Dominique Bourg - Philosophe | Cyril Dion - Réalisateur |
Patrick Criqui - CNRS.
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