
L'armée de l'air a autant de Rafale en 2022 qu'en 2016. Le constat du général Stéphane Mille, chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace est sans appel concernant la flotte Rafale. "Notre parc de Rafale, seul avion de combat polyvalent de l'armée de l'air et de l'espace, est au niveau où il se trouvait en 2016, et nous venons de fermer un escadron équipé de Mirage 2000-C. Alors que des combats de haute intensité résonnent aux portes de l'Europe, cette situation doit nous interpeller. Recouvrer de l'épaisseur en matière de supériorité aérienne et de projection de puissance passera par une commande affermie des avions nécessaires pour atteindre l'ambition opérationnelle de 2030", a-t-il expliqué le 20 juillet aux députés de la commission de la défense de l'Assemblée nationale. Et d'indiquer que l'aviation de chasse, "la pierre angulaire de notre système de combat", est son "point d'attention principal".
Reprise des livraisons à l'armée de l'air
Pourquoi un bilan aussi catastrophique entre 2016-2022 ? Dassault Aviation n'a pas livré de Rafale à la France depuis près de quatre ans (zéro en 2019, 2020 et 2021 et un en 2022) conformément à la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. L'avionneur n'en avait livré qu'un seul en 2017 et trois en 2018. Sur six ans (2017-2022), l'armée de l'air n'a reçu que cinq Rafale. Dans le même temps, 12 appareils de l'armée de l'air ont été prélevés pour être livrés d'occasion à la Grèce (six en 2021 et six en 2022). Puis 12 appareils le seront en 2023 au profit de l'armée de l'air croate. Fin 2016, l'armée de l'air avait moins de 100 Rafale dans sa flotte d'avions de chasse (98 ?). Début 2019, les forces armées françaises avaient dans leur parc 143 Rafale, dont 41 Rafale Marine, selon la LPM de 2019-2025.
"L'armée de l'air et de l'espace n'a pris livraison d'aucun avion de chasse depuis 2018", a confirmé le général Frédéric Parisot, major général de l'armée de l'air et de l'espace lors de son audition à la commission de la défense de l'Assemblée nationale. Les aviateurs français vont recevoir un exemplaire fin 2022. Puis 13 appareils par an sur la période 2023-2025. "Il y a eu décalage de livraisons des avions commandés par la France et pas pour des raisons exports, mais pour des raisons purement budgétaires françaises, a rappelé le PDG de Dassault Aviation Eric Trappier lors de la présentation des résultats semestriels de son groupe le 20 juillet. Donc, la 4T2 de 28 avions (tranche 4T2, ndlr), ça fait bien longtemps qu'on aurait dû la livrer à la France et à la demande des autorités françaises, on l'a décalé et elle ne commencera à se livrer qu'en toute fin d'année de 2022 et surtout à partir de 2023, auquel s'ajouteront les 12 avions de remplacement des 12 Grecs qui ont été prélevés sur le stock français et qui fera les 40".
Pas assez de Rafale dans l'armée de l'air ?
Lors de son audition à la commission de la défense de l'Assemblée nationale, le général Frédéric Parisot, major général de l'armée de l'air et de l'espace, a enfoncé le clou après le passage du chef d'état-major de l'armée de l'air. "Lorsque je me suis engagé dans l'armée de l'air, il y a 36 ans, nous disposions de 750 avions de chasse mais ils étaient mono-mission, a-t-il expliqué. Un Rafale, en revanche, permet de remplir les missions de plusieurs appareils, quoiqu'il ne soit pas doué d'ubiquité : un plancher de 185 appareils est probablement trop bas ; sans doute faudrait-il tendre vers un plancher de 225 avions afin de pouvoir remplir sereinement nos missions". Soit 40 Rafale supplémentaires. Ce qui semble légitime pour surveiller l'espace aérien français en raison de la congestion des espaces aériens. "Il y a en France 14.000 mouvements aériens par jour, le nombre de drones est passé de 400.000 en 2017 à 2,5 millions en 2021", a rappelé le général Frédéric Parisot.
Mais c'est bien l'évolution du contexte sécuritaire international qui exige, selon l'armée de l'air, le renforcement de ses moyens. "Le durcissement de la conflictualité se traduit par un défi portant sur l'accès aux espaces aérien et spatial, a-t-il constaté. Là où, auparavant, la supériorité aérienne nous était acquise presque d'emblée, comme au Sahel ou au Levant, nous avons désormais affaire à une contestation par la puissance aérienne du pauvre, voire à des postures de déni d'accès dans l'espace méditerranéen ou baltique". L'attrition fait désormais partie de l'équation pour l'armée de l'air, car la supériorité aérienne qui était plus ou moins acquise, est aujourd'hui clairement contestée. "Avec le Rafale, nous arrivons à un plancher", a-t-il assuré. En 2022, l'armée de l'air met en œuvre 195 avions de chasse, dont 102 Rafale.
"Au cours des dix dernières années, ce ne sont pas moins de 98 chasseurs, 24 avions de transport tactique, 60 hélicoptères et 335 drones qui ont été abattus aux marches de l'Europe, bien avant l'invasion de l'Ukraine, qui est venue confirmer le retour des combats pour la supériorité aérienne", a rappelé le major général de l'armée de l'air.
Compte tenu du format de l'armée de l'air, le général Frédéric Parisot pose la question, qui interpelle : "Quand faudra-t-il choisir entre la protection des intérêts vitaux de la nation, l'intégrité de son espace aérien et la poursuite du combat conventionnel ?". Et de faire valoir que l'armée de l'air doit être à "la recherche du bon équilibre entre quantité et qualité du matériel, en tirant toutes les leçons des engagements en cours, en particulier de la guerre en Ukraine". Si une cible de 225 Rafale Air semble plus ajustée aux défis et aux contrats opérationnels actuels, elle semble toutefois peu réaliste budgétairement. La France n'en a pas malheureusement les moyens. Et encore moins aujourd'hui avec une inflation attendue en moyenne à 5,5% en 2022.
Une commande de la France en 2023 ?
En attendant une éventuelle décision d'augmenter le parc de Rafale Air, l'armée de l'air demande la confirmation en 2023 d'une nouvelle commande de 42 Rafale, livrés entre 2027 et 2030. "Il nous faut absolument affermir la commande des douze Rafale cédés à la Croatie par une commande plus globale prévue en 2023, qui portait sur trente appareils (tranche 5, ndlr) et qu'il convient de porter à quarante-deux Rafale Air, qui seront livrés entre 2027 et 2030", a expliqué le numéro deux de l'armée de l'air.
"Cette augmentation du parc Rafale en remplacement des Mirage 2000 devra cependant s'accompagner d'un effort significatif en faveur des stocks de missiles air-air et air-sol, ainsi que pour les équipements dits optionnels qui permettent au Rafale de remplir ses missions en termes de combativité et de survivabilité - radars, pods de désignation laser et acquisition de la capacité de suppression des défenses aériennes ennemies", a par ailleurs expliqué le général Frédéric Parisot.
Dassault Aviation, qui a anticipé le passage à une cadence de trois Rafale par mois, compte sur cette commande. "On espère avoir des contrats pour la France. On espère que la tranche 5 va être signée", a souligné le PDG de l'avionneur, Eric Trappier. Il compte également sur des contrats export : "On pense qu'on va en avoir encore d'autres contrats qui pourraient aller un petit peu plus vite". Dassault Aviation tente de faire mettre en vigueur la commande de 42 Rafale signée par l'Indonésie et vise un contrat d'ici à la fin de l'année en Serbie (12 Rafale), voire de l'Inde (26 Rafale Marine). Plus que jamais, le trèfle à quatre feuilles, véritable talisman de Dassault Aviation, est devenu au fil du temps la providence du Rafale...
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