Macron ou Le Pen ? Ce qui changera pour les agriculteurs selon le vainqueur de la présidentielle

Chefs d’entreprise, salariés, demandeurs d'emploi, retraités, contribuables, propriétaires ou locataires, jeunes, agriculteurs… leur vie ne sera pas la même selon le vainqueur de l’élection présidentielle. Pendant l’entre-deux-tours, La Tribune a décidé de confronter les programmes des deux finalistes, non pas par thématique, mais par population concernée. Septième volet, les agriculteurs.
Giulietta Gamberini
Marine Le Pen veut s'attaquer à l'importation en France de produits alimentaires frauduleux, Emmanuel Macron promet de réduire les charges pesant sur les agriculteurs.
Marine Le Pen veut s'attaquer à l'importation en France de produits alimentaires frauduleux, Emmanuel Macron promet de réduire les charges pesant sur les agriculteurs. (Crédits : Reuters)

Selon les derniers chiffres de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), publiés en octobre 2020, la France compte environ 400.000 agriculteurs exploitants, soit 1,5 % de l'emploi total. Une population vieillissante, en baisse quasiment constante depuis 1984, et pour la majorité contrainte à une durée de travail sur les sept jours de la semaine bien supérieure à celle de l'ensemble des personnes en emploi, observe l'Insee. Elle est aujourd'hui confrontée à un nombre croissant de défis, tels que la concurrence avec des produits d'importation bien plus compétitifs, la guerre des prix entre distributeurs qui contribue à tirer ses revenus vers le bas, l'adaptation au changement climatique, la demande sociale de pratiques plus écologiques, sans compter l'augmentation vertigineuse des coûts de production due au contexte inflationniste international aggravé par la guerre en Ukraine.

Les agriculteurs en sont donc conscients: le prochain quinquennat  va être essentiel afin d'alléger ou d'aggraver irrémédiablement les difficultés de leur secteur. Et tant Emmanuel Macron que Marine Le Pen tentent de séduire les acteurs de ce métier si emblématique du pays aux yeux des Français. Mais si l'un ou l'autre est élu, qu'est-ce qui changera pour les agriculteurs?

Marine Le Pen a le vent en poupe contre les importations alimentaires

Principale responsable à ses yeux des difficultés de l'agriculture française, la concurrence de produits venant de pays hors Union européenne (UE) joue un rôle central dans le programme de Marine Le Pen en matière d'agriculture. La candidate promet de l'endiguer, quitte parfois à remettre en cause des règles pourtant intouchables du fonctionnement de l'UE, et notamment du marché unique. Ce dernier impose la libre circulation de marchandises, y compris en provenance de pays tiers lorsqu'un Etat membre en a déjà vérifié la conformité au droit européen, et interdit toutes mesures discriminatoires sauf lorsqu'il s'agit de protéger la santé, l'ordre ou la sécurité publics. Sa violation exposerait la France à d'importantes sanctions accompagnées d'une marginalisation politique. Sans compter que le monde agricole français profite aussi du marché unique, pour ses exportations, mais aussi pour l'importation de facteurs de production essentiels (énergie, machines etc.).

Marine Le Pen assure ainsi vouloir s'attaquer à l'importation en France de produits alimentaires frauduleux, en contrôlant "la qualité des produits proposés à la consommation" et en sanctionnant "durablement" voire en excluant du marché français les pays à l'origine de fraudes répétées.  La candidate promet de dépenser 110 millions d'euros pour augmenter les effectifs de la douane, et imagine même un ministère consacré à la lutte contre la fraude. Elle promet également d'interdire "l'importation en France de matières premières agricoles issues de pays hors UE et destinées à produire de l'énergie".

Toujours afin d'attribuer un avantage concurrentiel à l'agriculture française, Marine Le Pen assure qu'elle rendra obligatoire la mention de l'origine de tous les produits distribués en France, et qu'elle modifiera la réglementation européenne en vigueur afin d'atteindre 80% de produits français dans la restauration collective. Elle veut notamment réserver aux produits français l'accès au bio dans les cantines scolaires.

Marine Le Pen promet encore que la France ne ratifiera pas le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement, Accord économique et commercial global) entre l'Union européenne et le Canada, dont la ratification française est aujourd'hui en effet en suspens, et de mettre ainsi fin aussi à son application provisoire et partielle depuis 2017. Marine Le Pen assure également qu'elle s'opposera à la poursuite des négociations autour de trois autres projets de traités commerciaux globaux entre l'UE et l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay), "étant entendu que la France ne les ratifiera pas". Elle laisse toutefois la porte ouverte à "des accords sectoriels, c'est-à-dire portant seulement sur les produits agricoles", ainsi qu'à l'"adjonction de 'clauses miroir' dans les traités commerciaux afin que les produits importés soient conformes aux normes européennes et françaises" -l'une des priorités actuelles de la présidence française de l'exécutif de Macron.

Son programme prévoit enfin aussi le versement aux agriculteurs d"aides nationales complémentaires de celles de la Politique agricole commune (PAC)", afin de soutenir les filières françaises les plus fragiles: notamment l'élevage, la production de protéines végétales, le maraîchage et l'arboriculture. Il mentionne aussi "un plan de soutien de cinq ans propre à l'agriculture biologique", afin d'"achever la structuration de la filière" aujourd'hui confrontée à une baisse du marché.

Réduction des charges et harmonisation des règles, les paris de Macron

Pour accroître la compétitivité des produits français face à la concurrence étrangère, Emmanuel Macron promet pour sa part de réduire les charges pesant sur les agriculteurs. Il assure notamment vouloir maintenir les crédits d'impôts déjà existants pour les productions bio ou à Haute valeur environnementale (HVE), lutter contre la surtransposition de normes européennes par des dispositions plus contraignantes qu'exigé par Bruxelles, qui alourdit les coûts de production, ainsi que pérenniser le dispositif d'exonération de cotisations pour les travailleurs occasionnels (TODE).

Quant à la question de la concurrence entre produits français et étrangers, l'actuel président mise, à l'intérieur de l'UE, sur l'harmonisation des normes européennes en matière de fiscalité et de travail agricole. Pour les produits provenant de pays tiers, il promet de s'opposer à la ratification de l'accord avec le Mercosur "en l'état", de continuer à soutenir l'insertion dans les traités de libre échange de "clauses miroirs" ainsi que d'appuyer le projet européen de légiférer contre la déforestation importée et de mettre en place une "taxe carbone aux frontières" de l'Europe. L'exécutif actuel a renforcé l'étiquetage de l'origine pour un certain nombre de produits à forte composante agricole, et le président sortant a aussi promis, "si Bruxelles tarde trop", d'interdire en France l'importation de viande utilisant des hormones de croissance.

Afin de réduire la dépendance française des importations, Emmanuel Macron compte aussi sur "une politique volontariste d'investissement", déjà initiée avec les plans France Relance et France 2030, encourageant l'innovation agricole et le développement de filières encore balbutiantes telles que celle des protéines végétales.

Macron pour des chèques alimentaires, Le Pen pour une suppression de la TVA

Pour améliorer les conditions des agriculteurs, Emmanuel Macron, comme lors de son premier mandat, table toutefois surtout sur une meilleure répartition de la valeur entre les acteurs de la chaîne alimentaire. Il promet notamment de continuer à "être intraitable" sur l'application des lois Egalim 1 et 2 adoptées pendant ce quinquennat, mais qui jusqu'à présent n'ont pas donné de résultats pleinement satisfaisants. Afin de ne pas faire payer aux populations les plus fragiles l'augmentation des prix des produits alimentaires qui devrait logiquement en découler, il imagine la mise en place d'un "chèque alimentaire", sur lequel le gouvernement travaille toutefois depuis un an et demi et dont les contours ne sont encore pas définis.

Lire: Alimentation durable pour tous : les chèques alimentaires sont-ils la solution ?

Emmanuel Macron veut aussi utiliser la commande publique comme levier face à l'objectif de "redonner toute sa valeur à l'alimentation": un nouveau débouché censé favoriser une "stabilisation des coûts". La loi Egalim 1 a d'ailleurs déjà établi des pourcentages obligatoires d'aliments bio, locaux ou sous signe de qualité pour la restauration collective. Mais le président sortant veut également soutenir la diversification des revenus des agriculteurs, notamment en réduisant les contraintes administratives pour l'installation d'énergies vertes et en renforçant le système de crédits carbones produits en France, qui permettrait de rémunérer les pratiques de stockage de CO2 dans les sols.

Marine Le Pen promet, elle, de renforcer les lois Egalim, en accroissant les pouvoirs de l'Etat, afin qu'il puisse d'une part intervenir dans l'élaboration des indices utilisés pour fixer les prix minimums des matières premières agricoles, d'autre part "garantir le respect de ces futures dispositions législatives par les industriels et la grande distribution". Pour soutenir les ménages les plus précaires, elle promet une augmentation des budgets de l'aide alimentaire, mais aussi une TVA à taux zéro sur un panier de produits de première nécessité. Quant aux énergies vertes, elle veut en revanche mettre fin en métropole aux projets éoliens et solaires au sol, afin de préserver l'utilisation agricole des terres.

Lire: TVA alimentaire à 0%: l'idée "anti-inflation" de Marine Le Pen aiderait peu les ménages les plus précaires

Un certain consensus sur l'ampleur de la transition agricole

Les deux candidats souhaitent privilégier la production agricole au mépris de certaines contraintes environnementales, qu'ils remettent en cause. Mais si Macron demande la "reconnaissance au niveau européen de la mission nourricière de notre agriculture", au prix d'une révision de la stratégie européenne De la Fourche à la Fourchette (Farm to Fork, F2F), qui veut réduire l'utilisation d'engrais et pesticides et augmenter les surfaces bio, Marine Le Pen se montre bien plus radicalement opposée  à "cette folle stratégie".

Les deux candidats veulent éviter toute interdiction de produits néfastes à l'environnement sans solutions alternatives permettant aux agriculteurs d"obtenir les mêmes rendements. Mais alors que Marine Le Pen promet que "l'éventuelle mise en place de Zones de non traitement (ZNT) à proximité des habitations devra être indemnisée intégralement", Emmanuel Macron explique vouloir continuer "d'accompagner la transition agroécologique" et réduire "l'utilisation des produits les plus préoccupants" en investissant dans la recherche.

Marine Le Pen comme Emmanuel Macron s'inquiètent d'ailleurs des effets du changement climatique sur l'agriculture. Le président actuel veut notamment appliquer sa toute récente réforme de l'assurance récolte, ainsi que les résultats des travaux du "Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique" qui s'est tenu cet hiver. Des mesures insuffisantes selon Marine Le Pen, qui promet un système d'assurance "réellement accessible aux agriculteurs" et adapté "aux spécificités des différentes productions", ainsi que "la création de réserves d'eau et la mise en place de systèmes d'irrigation adaptés aux enjeux environnementaux" .

Pour les jeunes agriculteurs, avancées sociales contre environnement favorable

Sujet très sensible pour la profession, le renouvellement des générations est aussi au centre du programme des deux candidats, l'objectif étant d'atteindre 20.000 installations de nouveaux agriculteurs par an contre 14.000 aujourd'hui. Emmanuel Macron propose l'adoption, dès le début du quinquennat, d'une "loi d'orientation et d'avenir" basée sur trois piliers: le renforcement de l'enseignement agricole, la facilitation de l'accès au foncier et, encore, l'innovation. La facilitation de l'accès au foncier doit notamment être poursuivie grâce à des mécanismes de portage à l'installation et à une protection des terres des achats étrangers. Le président mise aussi sur les avancées sociales de ce quinquennat, telles que l'augmentation des retraites agricoles et le rallongement du congé maternité, pour redonner aux jeunes l'envie de devenir agriculteurs.

Marine Le Pen, qui veut faire du renforcement de l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs "une priorité dans son plan stratégique national", prévoit une exonération des taxes de succession dans le cas de transmission d'une exploitation. Elle veut également "réserver l'accès aux terres agricoles aux agriculteurs et s'opposer à l'accaparement de celles-ci par des groupes étrangers, soit pour des activités non agricoles, soit à des fins financières". Elle insiste aussi sur la nécessité de créer un environnement favorable au choix du métier d'agriculteur, par un meilleur accompagnement en cas de difficultés, par une amélioration des politiques d'aménagement du territoire rural, mais aussi par davantage de répression de la délinquance dans les campagnes.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 13
à écrit le 21/04/2022 à 18:02
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autre nouveauté de la macronie c'est a l'etat de rendre compte aux banquiers ont avais compris qu'ils devenais intouchable mais a quoi sert m macron puisque ont deja gouverne par les usa puis bruxelles puis berlin et maintenant les banques

à écrit le 21/04/2022 à 17:49
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Hier soir débat nul pour des candidats nuls. Et la présence de Mélenchon n'aurait rien apporté. Seul Fabien Roussel avait des choses à dire dans cette campagne. Je voterai donc nul!!!

à écrit le 21/04/2022 à 17:35
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Macron c' est le Mozart de l' UE, tout ce qu' il touche part en purée. Il renforce les pertes de l' agriculture avec la baisse de la PAC, s'inscrit dans les projets de l' UE signés dans le dos du pays, TAFTA CETA qui niq...

à écrit le 21/04/2022 à 17:30
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Retraités de France. Méfiez vous du candidat Macron. Il promet la revalorisation des retraites sur l'inflation. Mais, il se garde bien de dire, pour une retraite d'un montant maximal de 1400 euros.

à écrit le 21/04/2022 à 16:55
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Quand on voit les résultats de la PAC, il y a de quoi s'inquiéter, on devient dépendant des autres pour nourrir notre population! C'est pas la présidentielle qui réglera le problème mais bien le choix d'un 1er ministre non inféodés!

le 21/04/2022 à 19:50
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Vous dependez deja des autres pour nourrir. La France le plus gros profiteur des subventions de l'UE pour l'agricole.

à écrit le 21/04/2022 à 16:20
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Re Bonghjornu per tutti ... , ... dommage que le debat n ' ait pas eu lieu a MONACO ... , ca aurait eu plus d ' effet$$$$$ ... ! . AFF ISS pe Corsica * .

à écrit le 21/04/2022 à 14:35
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Ce sont les agriculteurs français qui ont bénéficié le plus de la PAC en Europe. Les autres pays européens ont réagis un peu tard sur le sujet.

à écrit le 21/04/2022 à 11:42
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Quand t' as un bilan comme macron de plus 650 milliards de dettes en 5 ans, c' est pas à une élection qu' il faut participer c' est à "faites entrer l' accusé". Tout sauf Macron....

le 21/04/2022 à 17:03
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Toujours la même rengaine... Avez-vous seulement oublié les 2 ans de crise mondiale dûe au Covid? Et compris la raison de cette hausse de la dette, et des conséquences très lourdes si cela n'avait pas été fait ???... Avez-vous compris aussi que l'Eta...

à écrit le 21/04/2022 à 10:27
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Pesticides, engrais, perturbateurs endocriniens et cancers à gogo.

à écrit le 21/04/2022 à 8:45
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il m macron a vendu les entreprises francaises la il a detruit le corps diplomatique pour laisser l'influence a berlin et a bruxelles demain il est capables de vendre les terres agricole a la chine. voir notre patrimoine culturel

le 21/04/2022 à 20:58
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Oui mais ouf, La Tribune continuera d'exercer son regard critique sur le prochain quinquennat et à soutenir le pluralisme des opinions.Ce qui malheureusement ne changera strictement rien au comportement de Macron et son équipe pendant les cinq procha...

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