« La solution, c'est de s'inspirer du concept des kei cars », a insisté Luca de Meo, directeur général de Renault Group et président de l'association des constructeurs européens, dans une lettre envoyée la semaine dernière aux industriels de l'automobile européenne. Ce n'est pas la première fois que le numéro 1 de Renault évoque ces petites voitures inconnues en Europe. Déjà, lors d'un précédent discours à la tête de l'Association des constructeurs européens d'automobiles, l'ACEA, il avait déclaré qu'il s'agissait d'un modèle à suivre pour proposer des voitures électriques peu chères et, ainsi, concurrencer directement les voitures chinoises.
Ces kei cars, ou keijidōsha, signifient « voitures légères » en japonais. Et pour cause. Ces petits modèles doivent impérativement avoir une longueur inférieure à 3,40 mètres et une largeur inférieure à 1,48 mètre, à mi-chemin entre une Citroën Ami et une Fiat 500. Apparus dans les années 50 au Japon, ces voitures devaient répondre aux besoins de mobilités des habitants qui ne pouvaient pas s'offrir de voitures traditionnelles en raison de leur prix trop élevé. Taxe réduite à l'acquisition, assurances moins chères, mais aussi avantages aux péages et au stationnement : le pays du Soleil levant a mis en place une armada d'incitations financières à destination de ces kei cars, boostant par la même occasion la production automobile japonaise.
Les deux marques japonaises dominantes sur le marché restent Suzuki et Daihatsu, filiale de Toyota et Suzuki. Cette dernière propose 12 modèles dans le pays, allant de moins de 10.000 euros à 15.000 euros pour les premium, dont la hauteur peut aller jusqu'à 2 mètres de haut. Un prix légèrement en dessous des citadines thermiques actuelles en Europe.
Difficile d'importer ces véhicules
Aujourd'hui, les kei cars représentent plus de 35% d'un marché à presque 4 millions de véhicules chaque année, soit l'équivalent du marché automobile français à elles seules. Pour l'heure, deux modèles électriques sont disponibles au Japon et rencontrent un franc succès comparé à leurs homologues plus imposants.
Proposées autour de 15.000 euros, elles embarquent des batteries de 20 kWh, soit un peu plus que les hybrides rechargeables actuels en Europe, pour une autonomie embarquée de 180 kilomètres d'autonomie. Plus légères et moins coûteuses, ces voitures semblent être la solution idéale selon le dirigeant de Renault, pour l'adhésion à l'électrique au plus grand nombre. Elles sont aussi moins gourmandes en métaux critiques et permettront davantage de mobilités partagées dans les centres-villes.
Si l'on suit ce modèle, alors deux solutions s'offrent à l'Europe : l'importation de kei cars sur le Continent ou la fabrication de ce type de voitures par les constructeurs européens. La première option paraît compliquée car le système de production des kei cars est millimétré afin de diminuer au maximum les coûts. Résultat : aucune de ces voitures n'a le volant à gauche. Surtout, les réglementations de sécurité ne sont pas les mêmes au Japon. Par exemple, le freinage et la caméra de recul sont en option, faisant également baisser le prix et le poids du véhicule.
« Si l'on importe ces voitures, il faudra les enrichir en éléments plus lourds liés à la réglementation européenne et, de fait, augmenter leur prix. Dans l'état actuel des choses, je ne suis pas sûr que les consommateurs acceptent de payer une voiture plus petite pour le même prix qu'une citadine actuelle..., » souligne Alain Le Meur, porte-parole de Suzuki en France.
Changer la réglementation européenne
L'autre solution serait donc d'inventer un nouveau modèle européen s'inspirant de leur production.
« Deux conditions doivent être réunies si l'on fabrique des kei cars en France : d'une part, ces modèles doivent pouvoir accéder aux agglomérations, sinon cela n'aurait pas de sens ; d'autre part, les règles de sécurité doivent être modifiées, notamment en matière de design. En effet, la sécurité n'est pas assurée de la même manière en ville ou sur une autoroute à 130km/h », détaille Mikaël le Mouëllic, directeur associé au BCG et expert automobile.
Car ces voitures ne peuvent aller au-delà d'une centaine de km/h. Certains leviers de la réglementation en matière de sécurité sont facilement modulables, comme les barres de protection latérales pour protéger des chocs. L'idée serait d'adapter les exigences réglementaires des véhicules au regard de sa vitesse, comme c'est déjà le cas sur les quadricycles de type Citroën Ami. Luca de Meo avait, lui aussi, évoqué l'idée d'une réglementation à deux vitesses avec un allègement des normes pour les petits véhicules et un maintien de celles actuelles pour le reste du marché.
Il faudra également se poser la question de la mise en circulation de ces modèles plus légers. La Citroën Ami par exemple, ne peut pas emprunter les voies rapides comme les autoroutes ou les périphériques urbains. En effet, cette voiture ne contient ni Airbag ni l'antiblocage de roues (ABS) et reste bridée à 45 km/h. Pour les kei cars, difficile d'envisager l'accès aux autoroutes avec une vitesse maximale bloquée, mais les voies rapides urbaines seraient, en revanche, accessibles.
Risque du marché chinois
S'il est vrai qu'il reste un marché entre les quadricycles et les citadines électriques, il faudra se montrer très compétitif sur une production européenne de kei cars. Car, en Chine, des voitures de même gabarit que ces modèles japonais, comme la Wuling Honguang Mini E, sont vendues... en dessous de 4.000 euros.
D'autres véhicules, comme la BYD Seagull sont proposés à 10.000 euros pour des autonomies autour de 300 kilomètres. Pour l'instant, ces véhicules ne seraient pas proposés à ces tarifs en Europe et n'ont d'ailleurs pas vocation à être diffusés sur le Vieux Continent. Dans sa lettre à l'Europe, Luca de Meo a ainsi réclamé plusieurs aides de la part des institutions européennes, en particulier la mise en place de « zones économiques vertes » où la fiscalité est réduite, et un accès à une énergie moins chère.
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