Jet Airways, le plan "anti-Emirates" d'Air France-KLM en Inde, s'écroule

Criblée de dettes, la compagnie indienne a cessé ses opérations après avoir échoué à obtenir de ses créanciers le financement provisoire nécessaire à son fonctionnement. Un coup dur pour Air France-KLM qui avait signé il y a moins de 18 mois un partenariat d'envergure avec cette compagnie dans le but de regagner du terrain entre l'Inde et l'Europe face aux compagnies du Golfe, et notamment la plus puissante d'entre elles, Emirates.
Fabrice Gliszczynski
(Crédits : Danish Siddiqui)

Avec l'arrêt des vols hier de la compagnie indienne Jet Airways endettée jusqu'au cou, le plan "anti-Emirates" d'Air France-KLM en Inde s'écroule. Il y a 18 mois, le groupe français avait en effet signé avec le transporteur indien un partenariat d'envergure entre l'Inde et l'Europe qui devait lui permettre de regagner du terrain face aux compagnies du Golfe, et notamment Emirates souvent qualifiée de première compagnie indienne en raison de la puissance de son réseau sur cette partie du globe.

Un partenariat poussé

Pour rappel, cet accord permettait de muscler une offre de vols directs dits de point-à-point entre les principaux aéroports de correspondance de chacun des trois partenaires et de relier ces derniers à une multitude de villes européennes et indiennes (Paris, Amsterdam, Bombay, New Delhi, Bangalore et Chennai).

Il s'accompagnait par la mise en place d'un système de partage de coûts et de recettes sur un plan de vol commun, d'une harmonisation des horaires de vol, d'une optimisation des forces commerciales ou encore de la possibilité de signer des accords communs avec les clients corporate (les entreprises). Une sorte de fusion virtuelle sur cette partie de leur réseau, correspondant au plus haut niveau de coopération commerciale dans le transport aérien.

Peu ou pas d'alternatives

Avec l'arrêt des vols de Jet Airways et les perspectives sombres qui planent sur la compagnie indienne, tout ce travail tombe à l'eau. Et il sera extrêmement compliqué, pour ne pas dire impossible, de trouver une alternative. Air India étant alliée à Lufthansa, les solutions ne sont pas légion. British Airways le constate depuis des années. La compagnie britannique n'a toujours pas trouvé de partenaire depuis la déconfiture de Kingfisher Airlines en 2012.

Pour accéder au marché intérieur indien, la low-cost Indigo, numéro un aujourd'hui en Inde, pourrait être un jour une solution. Skyteam, l'alliance d'Air France-KLM l'avait d'ailleurs approchée il y a une dizaine d'années quand Jet Airways penchait vers Star Alliance (l'alliance de Lufthansa et de United). Mais la défaillance de Jet Airways risque de pousser Air France-KLM à la prudence avant de se relancer dans une nouvelle aventure.

Jet Airways constituait pourtant le meilleur choix d'alliance

L'ironie de l'histoire, c'est que Jet Airways constituait le meilleur choix d'alliance à l'époque. Véritable "success story" depuis sa création au début des années 1990, cette compagnie qui fut la première compagnie privée à voir le jour en Inde, jouissait d'une excellente réputation du fait de la qualité de sa flotte, de son réseau et de son service à bord. Elle était d'ailleurs courtisée par toutes les grandes alliances commerciales (Star Alliance, Skyteam et Onewolrd) mais aussi par la compagnie d'Abou Dhabi, Etihad Airways, qui a raflé en 2012 moins de 25% du capital, sans pour autant pouvoir jouer le moindre rôle dans la gestion de la compagnie. Longtemps considérée comme la seule bonne prise dans le tableau de chasse d'Etihad, Jet Airways est en fait devenue un investissement aussi catastrophique que ceux réalisés dans Air Berlin ou Alitalia.

Le transporteur au logo jaune et bleu, grevé par une dette de plus d'un milliard de dollars, a échoué à obtenir de ses créanciers le déblocage d'un financement provisoire nécessaire à ses dépenses de fonctionnement. Sa flotte, qui comptait encore près de 120 avions en janvier, était réduite mercredi à seulement cinq appareils en raison du non-paiement d'échéances de crédit-bail. Ses employés réclamaient le paiement d'arriérés de salaires.

La stratégie et la gestion de la compagnie pointée du doigt

Au-delà de l'augmentation de la facture pétrolière, les observateurs indiens expliquent l'écroulement de Jet Airways par l'acquisition coûteuse d'Air Sahara en 2006 (500 millions de dollars). Incapable de rivaliser avec les nombreuses compagnies à bas coûts (IndiGo, SpiceJet et GoAir), Air Sahara baptisée par la suite Jet Lite, a essuyé des pertes récurrentes. A tel point qu'en 2015 cet actif était valorisé à... zéro dans les comptes de Jet Airways. Le manque de clairvoyance du président fondateur Naresh Goyal face à la montée en puissance des low-cost est également pointée du doigt. Sa gestion de la compagnie aussi.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 5
à écrit le 20/04/2019 à 21:53
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Toujours un angle qu'on ne voit pas ailleurs. Merci.

à écrit le 19/04/2019 à 1:10
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Triste de voir une compagnie disparaître...pour ma part je ne voyage que forcé sur le réseau Air-France KLM car les destinations vers lesquelles je voyage proposent des compagnies plus généreuse en franchise bagage. quand on part trois semaines au Ja...

à écrit le 18/04/2019 à 17:41
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Encore une "bonne pioche" des dirigeants français fonctionnarisés.

à écrit le 18/04/2019 à 10:22
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Bravo Ben Smith. Excellent plan strategique.

le 18/04/2019 à 11:18
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Cette alliance est bien antérieure à l'arrivée de Smith. C'est dommage car JA était effectivement une bonne compagnie

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