
LA TRIBUNE- Dix ans après la création de Financi'Elles, quel est votre bilan ?
SYLVAINE LAGUILLAUMIE LANDON- Grace à la loi Copé- Zimmerman, nous avons atteint la parité dans les conseils d'administration mais nous pensions qu'elle allait irradier toutes les strates de l'entreprise, et des instances dirigeantes de nos sociétés. En réalité, ce n'est pas le cas.
VALÉRIE VITTER MOURADIAN- Pour de nombreuses raisons, la parité n'est pas effective, hélas. Nous vous avons pu observer qu'il n'est pas toujours facile, au quotidien, d'identifier les talents qui ne sont pas toujours ceux attendus, d'accepter des parcours différents, de mettre en place des mesures coercitives...La loi Rixain votée en décembre dernier nous apporte de l'espoir car elle inscrit un nouveau cadre, elle prévoit d'instaurer un quota de représentation parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes des entreprises d'au moins 1. 000 salariés : au moins 30 % de femmes en 2027, et 40 % en 2030. Elle va obliger, une nouvelle fois, à dépasser dans les entreprises, le niveau des bonnes intentions.
Il faut donc toujours en passer par la loi, les quotas, sinon ça ne fonctionne pas ?
SL- La loi, les quotas, la communication aussi ... L'indice égalité hommes-femmes mis en place par Muriel Pénicaud a aussi contribué à améliorer les choses. Mais, c'est vrai, que même si nous ne sommes pas pour les quotas par principe, il faut reconnaître que cette méthode a fait ses preuves. C'est dommage. La logique aurait voulu que ce soit évident pour toutes les strates partout dans l'organisation, mais non...
Est-ce que la pandémie de Covid a changé la donne ?
SL- Il y a eu une prise de conscience de la nécessité de mieux articuler vie professionnelle et vie personnelle... Pas que pour les femmes d'ailleurs, même si cette équation concerne particulièrement les femmes, car la charge mentale était plus forte pour elles, pendant les confinements. La question de mieux prendre en compte les chemins de vie des collaborateurs s'est imposé aux entreprises ...
VV- Cette crise a donné une légitimité supplémentaire au sujet. Elle a montré qu'il n'est plus possible de passer sous silence dans les entreprises, les questions d'organisation de vie personnelle, de maternité ou de paternité etc.. Même s'il faut bien avoir en tête que chaque crise de ce type présente un risque pour les femmes. Un risque de retour en arrière, de perte des acquis ... La facilité est souvent de reprendre des modèles plus masculins. Concrètement, les avancées ne sont que très rarement stabilisées. Il faut donc être vigilants.
Quelles sont vos priorités désormais ? .
VV- Financi'Elles regroupe 15 entreprises... Même si nous avons des majors, certains grands groupes du secteur ne nous ont pas rejoints... Pour les années à venir, nous avons établi une chartre que nos adhérents ont promis de respecter, les CEO ont signé cette charte. Parmi les engagements, on peut citer la promotion de la culture de la mixité et de l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'entreprise et son écosystème clients, fournisseurs), la nécessité de combler les écarts de rémunération non justifiés, d'agir auprès de la jeune génération sur les enjeux de mixité des métiers, assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans l'entreprise lors des prises de paroles, séminaires etc. Notre objectif est bien de décliner ces points pour qu'ils prennent corps dans le quotidien de nos entreprises.
SL- Par exemple, il y a dix ans, la notion de métiers « genrés » n'était peut être pas aussi présente qu'aujourd'hui... En tout cas, nous n'avions pas cette conscience aigue. Aujourd'hui avec le digital, le numérique, il faut que les femmes aient leur place... Il faut aussi s'adapter aux attentes très fortes de la nouvelle génération. Les jeunes sont très attachés à la question du sens, et trouver du sens dans son travail passe aussi par le respect de l'égalité entre les sexes. Leur sensibilité sur ces sujets est d'ailleurs porteuse d'espoir.
Pourquoi vous êtes vous engagées ?
VL- Je souhaitais avoir une action au quotidien. Dans mon métier, cela signifie avoir une attention particulière lors des recrutements par exemple, pour s'obliger à avoir des candidatures féminines qui sont pas toujours celles auxquelles on pense, s'obliger à identifier des experts qui ne sont pas toujours masculins...
SL- L'entreprise ne peut plus traiter ces questions comme il y a dix ans. L'environnement social fait qu'il y a cette conscience de la diversité. Nous devons être le reflet de nos clients. Cela compose désormais la responsabilité sociale des entreprises, et doit être au cœur de leur stratégie. Le chemin vers l'égalité se fait avec lenteur, et hélas étant donné le contexte économique, social , et international, nous ne pouvons pas garantir que dans 10 ans, nous aurons atteint notre objectif.
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