Crise sur les valeurs bancaires : trois questions autour de l'accord de swap des banques centrales

Après la faillite de la banque américaine SVB et l'annonce du rachat de Credit Suisse par le groupe bancaire suisse UBS, plusieurs banques centrales dont la BCE et la Fed ont annoncé, dimanche, renforcer les « lignes de swap ». Un instrument destiné à faciliter l'accès au dollar pour les banques commerciales alors que de fortes tensions agitent les marchés. En quoi consiste ce système d'échange de devises entre institutions monétaires ? Pourquoi est-il mis en place ? La Tribune fait le point.
Coline Vazquez
Les accords de swap permettent aux banques centrales d'effectuer des échanges de devises avec leurs homologues étrangères.
Les accords de swap permettent aux banques centrales d'effectuer des échanges de devises avec leurs homologues étrangères. (Crédits : © )

Faillite de SVB, rachat de Credit Suisse par UBS...l'inquiétude est palpable sur les marchés financiers après une semaine noire pour le secteur bancaire.  Une situation qui a poussé les banques centrales à intervenir. Vite et fort. La Banque centrale européenne (BCE), la Banque du Canada, la Banque d'Angleterre, la Banque du Japon, ainsi que la Réserve fédérale américaine (Fed) ont ainsi décidé, dimanche, de renforcer les « lignes de swap », autrement dit, de faciliter davantage l'accès au dollar pour les banques nationales. En quoi consiste ce dispositif ? Pourquoi le renforcer ? Est-ce le signe d'un risque réel pour le secteur bancaire européen ? Explications.

En quoi consistent les accords de swap ?

Il existe plusieurs possibilités pour les banques commerciales de se procurer des devises. Elles peuvent tout d'abord se prêter entre elles ces liquidités. Mais en cas d'une demande trop importante ou de fortes tensions sur les marchés, les banques peuvent s'adresser auprès des banques centrales pour en obtenir. Ces dernières tirent alors dans leurs réserves. Mais pour éviter de les épuiser, elles disposent d'un instrument leur permettant d'effectuer des échanges de devises avec leurs homologues étrangères. Régulièrement, des accords de swap (« échange » en anglais) sont ainsi conclus entre les banques centrales,  dont la Banque centrale européenne (BCE) avec la Réserve fédérale américaine (Fed) afin de permettre à l'ensemble des banques centrales nationales de la zone euro de recevoir des dollars en échange d'un montant équivalent en euros.

Ces lignes de swap concernent, en effet, majoritairement des échanges en dollar, principale devise de facturation des échanges commerciaux, des activités bancaires transfrontières et des émissions obligataires internationales.

À titre d'exemple, les banques centrales ont notamment eu recours aux swap en 2001 au lendemain des attentats du 11 septembre. Un grand nombre de banques new-yorkaises n'étaient plus en état de fonctionner et donc d'assurer des transferts de dollars aux banques européennes. Pour approvisionner ces dernières et leur éviter tout risque de défaut de paiement, la Fed et la BCE ont donc conclu un accord d'échange de devises.

Ce fût également le cas lors de la crise financière qui a suivi la faillite de Lehman Brothers en septembre 2007, ou bien lors du stress de marché consécutif aux premières mesures de confinement lors de la crise sanitaire.

Durant cette période de forte incertitude, le dollar a plus que jamais joué son rôle de valeur refuge augmentant la demande d'avoirs des clients des banques commerciales de la zone euro. Aussi, la BCE « a réactivé des lignes de swap et renforcé celles qui existaient avec les banques centrales du monde entier en réaction à la situation de crise », explique l'institution européenne. Selon elle, les accords de swap constituent ainsi un « instrument important dans la préservation de la stabilité financière et l'atténuation des effets sur l'économie réelle des tensions apparaissant sur les marchés ».

Qu'est-ce qui change ce lundi ?

Or, des tensions agitent depuis plusieurs jours les marchés, conduisant la BCE à annoncer dans un communiqué publié dimanche avoir pris la décision avec la Banque du Canada, la Banque d'Angleterre, la Banque du Japon, ainsi que la Fed de « mener une action coordonnée visant à améliorer l'apport de liquidités par le biais des accords permanents d'échange de liquidités en dollars américains ».

Elle consiste à « améliorer l'efficacité des lignes de swap à fournir des financements en dollars américains », en augmentant la fréquence des opérations dans la devise américaine. « Jusqu'ici hebdomadaires, ces opérations seront désormais quotidiennes ». Et ce à partir de ce lundi jusqu'à « au moins jusqu'à fin avril ».

Concrètement, « les banques centrales ont rendu l'accès aux devises illimité, quelque soit la devise, c'est-à-dire qu'elles fourniront autant que nécessaire les banques commerciales. Et cet accès se fera à un rythme journalier afin de fluidifier au maximum le marché », pointe Bruno Jacquier, économiste chez Atlantic Financial Group.

Faut-il s'inquiéter de voir la BCE, et ses homologues étrangères, réagir ainsi ?

Si les craintes continuent d'agiter les marchés, la réponse des banques centrales par le renforcement des swap envoie un message rassurant, répond Alexandre Baradez, responsable des analyses de marché pour IG France. « La réponse apportée est à la fois de grande ampleur, tout en étant ciblée sur les liquidités », explique-t-il.

« C'est avant tout une action préventive, ajoute Bruno Jacquier. Depuis 2008, les banques centrales ont appris de la grande crise financière et ouvrent ces lignes de swap dès qu'elles sentent qu'il y a un potentiel besoin. Elles n'attendent pas que les banques soient en difficulté ».

« Un grand nombre de ces dispositifs de swap de devises jouent principalement le rôle de filet de sécurité et n'ont jamais été activés », explique d'ailleurs la BCE. « L'objectif est de suppléer les banques commerciales qui hésitent à se prêter entre elles et éviter une panique qui provoquerait une hausse brutale des coûts de financement pour les banques européennes », ajoute l'économiste.

Pour autant, malgré les propos rassurants de la BCE ou encore de la Banque de France et du ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, sur la santé des banques européennes, l'incertitude demeure.

En cause, la politique de hausse des taux d'intérêt que poursuivent un grand nombre de banques centrales, dont la BCE, pour juguler l'inflation. « Le point de stress vient plutôt du fait qu'elles ont monté les taux très rapidement à un moment où la croissance ralentissait et où la dette était très importante ce qui a engendré les difficultés que connaît actuellement le secteur financier », analyse Bruno Jacquier.

Lire aussiLa hausse des taux continue de stresser les marchés

Pour autant, il apparaît peu probable que cette situation entraîne un revirement de l'institution monétaire européenne. Avec les lignes de swap, « les banques centrales réagissent tout en continuant d'avoir comme priorité la lutte contre l'inflation », indique Alexandre Baradez. D'autant que répondre en baissant les taux d'intérêt « donnerait le sentiment qu'il y a un risque pour tout le système bancaire et que les tensions actuelles sont la faute des banques centrales », conclut-il.

Coline Vazquez

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Commentaires 2
à écrit le 21/03/2023 à 8:59
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Toujours a cacher la poussière sous le tapie jusqu'au moment où l'on s'y prend les pieds ! ;-) Et, l'on veut nous convaincre que c'était la seule chose a faire !

à écrit le 20/03/2023 à 22:41
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banque commercial nest pas forcement credit cela peut ub un consulting de management

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