Mais jusqu'où ira Thales ?

Le pari du numérique pourrait faire de Thales, cette société de logiciels critiques, l'un des géants du big data. Résultat, le groupe a pris depuis plusieurs années le train de la croissance de façon autonome.
Michel Cabirol
Patrice Caine, ce conquistador des temps modernes, souhaite faire voguer son groupe vers les eldorados d'une société de plus en plus numérique.
Patrice Caine, ce conquistador des temps modernes, souhaite faire voguer son groupe vers les eldorados d'une société de plus en plus numérique. (Crédits : Philippe Wojazer)

Jusqu'où ira Thales ? En dépit de la réaction des marchés qui ont sanctionné (- 1%) des prévisions trop conservatrices - une habitude de Patrice Caine, qui préfère surprendre in fine agréablement les marchés que de les décevoir -, le groupe d'électronique est dans une forme olympique. Deux chiffres illustrent des résultats annuels 2018 historiques pour le groupe. "La rentabilité opérationnelle a atteint 10,6%, franchissant un nouveau palier jamais atteint par le groupe", a souligné le PDG de Thales, cité dans le communiqué. Pour y parvenir, le groupe a sorti un EBIT de 1,68 milliards d'euros en 2018 (contre 1,36 milliard d'euros en 2017).

En outre, le free cash-flow opérationnel s'est encore élevé à 811 millions d'euros même s'il est en très forte baisse (41%) par rapport à 2017. Ce qui démontre que le groupe d'électronique génère une croissance rentable. Le free cash-flow porte également la trésorerie, qui a atteint 3,1 milliards d'euros (2,9 milliards en 2017.

Des commandes supérieures au chiffre d'affaires

Thales, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 15,8 milliards en 2018, peut également s'enorgueillir de bien préparer l'avenir (au moins à court terme) grâce à un niveau de prises de commandes : 16 milliards d'euros en 2018 (+ 7% par rapport à 2017). Le groupe d'électronique a notamment engrangé 19 grandes commandes d'un montant unitaire supérieur à 100 millions d'euros, pour un montant total de 4,59 milliards d'euros. La déception est curieusement venue des pays émergents, dont le niveau de prises de commandes s'est effondré l'an dernier (- 23%) pour s'établir à 3,2 milliards d'euros. Un chiffre toutefois à relativiser avec la montée en puissance de ces pays pour les activités de Thales : en cinq ans, le chiffre d'affaires dans les marchés émergents a augmenté de plus de 2 milliards d'euros, passant de 2,9 milliards en 2013 à 4,9 milliards en 2018 (+70%).

Ainsi, le ratio des prises de commandes rapportées au chiffre d'affaires (book-to-bill) est redevenu supérieur à 1 (1,01 contre 0,98 en 2017). La dynamique commerciale du groupe est particulièrement solide dans le secteur défense et sécurité (8,7 milliards, en hausse de 12%). Fin 2018, le carnet de commandes culminait à 32,3 milliards d'euros. Soit deux ans de chiffre d'affaires. Pour rééditer de telles performances commerciales, le groupe veut renforcer la culture client, en exportant beaucoup plus notamment à partir des grands pays où Thales est implanté.

Gemalto, une intégration préparée

Thales surfe dans la plupart des domaines cruciaux pour la vie, voire la survie, des entreprises et des Etats comme la cybersécurité, la connectivité, l'intelligence artificielle ou encore la digitalisation et l'internet des objets. Pour gagner ce pari, il a su convaincre ses actionnaires qu'il fallait que Thales investisse massivement. Le groupe a donc dépensé depuis 2016 plus de sept milliards d'euros dans le numérique pour recruter les talents, les former et racheter opportunément des PME technologiques américaines (LiveTV, Vormetric et Guavus).

Enfin, Patrice Caine, aussi tenace que pragmatique, a su arracher la pépite Gemalto pourtant convoitée par Atos pour constituer un géant mondial du traitement et de la protection des données. Il prévoit de boucler courant mars l'achat du fabricant franco-néerlandais de cartes à puces et spécialiste de sécurité numérique Gemalto. Une opération bien préparée et prête, selon Thales, à concrétiser les synergies dès le premier jour grâce à une préparation approfondie depuis plus de 12 mois. Plusieurs centaines de personnes sont mobilisées à travers une structure de projet animant 18 chantiers en parallèle. Une opération enfin qui va lui permettre d'atteindre un chiffre d'affaires de plus de de 19 milliards d'euros. Soit une taille critique intéressante...

Selon Patrice Caine, "l'intégration de Gemalto (...) consolidera dans quelques semaines notre position de leader mondial de la sécurité digitale".

Des perspectives très encourageantes

Le groupe table sur des perspectives favorables en 2019. Le groupe "devrait continuer à bénéficier de la bonne orientation de la majorité de ses marchés, combinée à son positionnement différencié sur les solutions digitales". "Notre plan d'action d'ici 2021 est clair: pour soutenir la croissance rentable dans la durée, nous continuons à déployer nos initiatives de performance opérationnelle et à renforcer notre culture client tout en poursuivant l'accélération de nos investissements dans l'innovation", a martelé Patrice Caine. Dans le détail, Thales table en 2019 sur des prises de commandes "autour de 16 milliards d'euros" et un chiffre d'affaires qui devrait "enregistrer une croissance organique de 3% à 4% par rapport à 2018", grâce notamment à la normalisation de la croissance du secteur Transport. Il vise par ailleurs un bénéfice opérationnel courant compris entre 1,78 et 1,80 milliard d'euros, soit une hausse de 6% à 7% comparé à 2018.

A plus long terme, le groupe table sur une croissance organique du chiffre d'affaires comprise entre 3% et 5% en moyenne sur la période 2018-2021, "tirée par une +surperformance+ de tous les secteurs opérationnels par rapport à leurs marchés respectifs", et une marge opérationnelle "comprise entre 11% et 11,5% à l'horizon 2021". Pour réussir, Patrice Caine sait qu'il doit également dépenser. Il veut augmenter les dépenses en R&D (Recherche et Développement) pour atteindre 4 milliards d'euros, dont 1 milliard autofinancé, en 2021 (contre 3 milliards en 2017). C'est ce prix-là, et uniquement à ce prix-là que ce conquistador des temps modernes, pourra faire voguer son groupe vers les eldorados d'une société de plus en plus numérique.

Michel Cabirol

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Commentaires 6
à écrit le 27/02/2019 à 23:37
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Comment Thales envisage de se prémunir d'une attaque des américains pour prendre le controle de tout ou d'une partie de Thales? Voir Alstom et autres groupes français disparus. Peut etre la Tribune fera une enquête la dessus. (idem pour Safran et Air...

à écrit le 27/02/2019 à 23:08
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3 % de croissants organique? Pas de quoi etre aussi positif. Les asiatiques c’est minimum 15 a 20% par an... et ils trouvent cela normal. L’industrie francaise dort. Pas etonnant sans minister de l’industrie et avec in agrege de grammaire qui a...

à écrit le 27/02/2019 à 21:11
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Thales et l'affaire des frégates de Taïwan ! C'est pour ça aussi qu'ils ont changé de nom, un postiche.

à écrit le 27/02/2019 à 17:27
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Tous les logiciels "framework" l'infrastructure utilisés par Thomson sont étrangers. Si demain on leur coupe les licences ils ne peuvent plus rien concevoir...

à écrit le 27/02/2019 à 10:44
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"des prévisions trop conservatrices - une habitude de Patrice Caine, qui préfère surprendre in fine agréablement les marchés que de les décevoir" Pour faire comme les ameri-cains ! C'est pas Thales c'est Thomson car ils doivent tout aux anglo saxo...

le 27/02/2019 à 18:10
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@guily, on ne sait plus quoi écrire pour exprimer son aigreur, n'est-ce pas ?...Thomson-Houston fabriquait des tramways...un héritage bien lointain.

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