Inflation des prix alimentaires : l'issue des négociations avec la grande distribution plus que jamais incertaine

Depuis le 1er décembre, industriels et enseignes de la grande distribution tentent de s'accorder sur le prix des biens de grande consommation sur fond de forte inflation des produits alimentaires. La proposition de loi du député Descrozaille visant a instaurer de nouvelles règles en cas de non-accord a, elle aussi, alimenté les débats de quoi faire planer le risque d'une flambée des prix en mars. De son côté, le gouvernement se veut rassurant et travaille toujours à un panier anti-inflation.
Selon la grande distribution, il faut s'attendre à des hausses de prix en mars dans les rayons.
Selon la grande distribution, il faut s'attendre à des hausses de prix en mars dans les rayons. (Crédits : Reuters)

Les négociations commerciales entre les grandes entreprises et leurs fournisseurs vont bientôt prendre fin. Débutées le 1er décembre, c'est, en effet, ce mercredi 1er mars qu'elles doivent être clôturées. Pourtant, l'issue est plus que jamais incertaine tant elles se sont déroulées dans un climat de tension alimenté par l'inflation des prix alimentaires. Ces derniers se sont renchéris en février de 14,5% sur un an après avoir progressé de 13,3% en janvier, selon les chiffres de l'Insee. La progression est particulièrement marquée pour les produits frais (14,2% sur un an après 10,2%).

Lire aussiL'inflation dépasse les 6% en février : à quoi faut-il s'attendre dans les mois à venir ?

De nouvelles règles de négociation entre distributeurs et fournisseurs

Une proposition de loi a particulièrement animé les débats. Celle du député Frédéric Descrozaille qui prévoit la possibilité d'une rupture du contrat en cas de non-accord entre fournisseur et grande distribution. Selon le texte initial, dans ce type de situation, les prix pratiqués seraient alors ceux demandés par les fournisseurs et non ceux fixés lors des précédentes négociations comme c'est le cas actuellement. Face à cette évolution majeure, les enseignes de la grande distribution n'ont pas manqué de dénoncer les méfaits d'un tel texte estimant que sa mise en application pourrait faire grimper les prix de 30% sur le panier moyen. Les ambitions de la proposition de loi ont finalement été revues à la baisse. Selon la version adoptée par le Sénat le 15 février dernier, elle crée un délai supplémentaire d'un mois pour permettre une médiation visant soit à conclure un accord soit à définir les termes d'un préavis de rupture commerciale. Les sénateurs ont « encadré » le dispositif, prévoyant notamment que le prix applicable pendant le préavis de rupture d'un mois doit tenir compte « de la situation économique du marché » (inflation, hausses moyennes acceptées par les concurrents...).

Lire aussiFournisseurs, distributeurs, agriculteurs : les aménagements de la proposition de loi Descrozaille ne calment pas le jeu

Le sujet des négociations inquiète également côté agriculteurs. « Un certain nombre de distributeurs contestent l'augmentation des charges des industriels et des agriculteurs » qui a atteint, selon la présidente de la Fédération nationale des syndicats d'exploitations agricoles (FNSEA), 18% sur un an en 2022. « S'il n'y a pas de hausse en bout de chaîne, [la conséquence] sera des résultats déficitaires pour les agriculteurs », a-t-elle ajouté. « Je comprends que ce soit difficile pour tout le monde, y compris les consommateurs, mais il faut oser dire que nous sommes en guerre, ça va durer (...) l'énergie va rester chère », a-t-elle assuré, ce mercredi. Et de conclure que « tout le monde a habitué les Français à manger moins cher qu'ailleurs, et là, on revient au vrai prix qui permet de garder l'agriculture française » à flot.

Pas de flambée des prix en mars assure le gouvernement

De son côté, le porte-parole du groupe Lactalis, Christophe Piednoël, a, lui, expliqué que si les négociations sont tendues, c'est « pour une raison simple » : « ce que nous demandons est plus élevé que les années précédentes parce que nous voulons répercuter dans nos prix les augmentations du prix du lait ». « C'est une année économiquement difficile pour le monde agricole et le monde agro-industriel », a-t-il ajouté, interrogé sur RMC. « C'est un engagement, on a payé 25% de plus le prix du lait aux éleveurs donc il faut que ça se répercute », a-t-il poursuivi, précisant demander une hausse entre 9% et 15% selon les produits. « En moyenne on peut penser que les Français vont devoir supporter une augmentation des prix d'à peu près 10% », a-t-il estimé, soit « le prix à payer pour avoir une alimentation qui soit saine et durable », selon lui.

Troisième acteur, le gouvernement tente, lui, de rassurer les consommateurs. « Il n'y aura pas de mars rouge, il n'y a aucune raison qu'il y ait de mars rouge » avait ainsi affirmé le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, le 20 février dernier. « Nous allons rester à des niveaux de prix qui sont très élevés », mais « il n'y a aucune raison que les prix s'enflamment à partir du mois de mars », avait-il ajouté.

Un panier anti-inflation en suspens

Nous allons « casser les prix du quotidien » pour lutter contre la flambée des prix, a renchéri le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, ce mercredi. « On veut que chacun prenne sa part », a-t-il assuré sur BFMTV et RMC, rappelant qu'Emmanuel Macron avait demandé samedi aux groupes de la grande distribution de contenir leurs marges pour lutter contre l'envolée des prix alimentaires. « Le gouvernement agit. On fait en sorte que les prix soient cassés sur les produits du quotidien », a ajouté Olivier Véran, soulignant que des discussions sont en cours à Bercy. « Nous travaillons avec la grande distribution, avec les industriels, pour que, in fine, quand un Français va faire ses courses, que ce soit dans une marque ou une autre, il puisse aller acheter les produits dont il a besoin au quotidien à prix cassés ».

Si le porte-parole s'est bien gardé d'annoncer un dispositif en particulier, c'est bien le « panier anti-inflation » qui pourrait être l'outil privilégié par l'exécutif. Depuis janvier, il travaille sur ce « panier » d'une cinquantaine de catégories de produits « au meilleur rapport qualité/prix » voulant en faire une réponse à la forte hausse des prix dans les rayons des grandes surfaces, idéalement en permettant aux consommateurs de comparer les prix entre enseignes. Si certaines d'entre elles, disent vouloir jouer le jeu, comme Lidl ou encore Système U, qui a déjà lancé son propre panier début février, sans attendre celui du gouvernement, d'autres se montrent plus frileuses, voire critiques à l'égard de ce nouvel outil. Ce panier « a un petit risque d'être technocratique », a ainsi estimé mi-février dans Le Figaro le PDG de Carrefour Alexandre Bompard, estimant que son groupe avait déjà pris « des mesures pour accompagner les clients » face à la hausse des prix dans les rayons. « Mais avec tous mes camarades du secteur, nous sommes toujours ouverts à la discussion avec le gouvernement », avait-il ajouté.

Lire aussiProduits, prix, enseignes : le « panier anti-inflation » reste encore flou

Les agriculteurs sont, eux, totalement contre ce projet comme l'a expliqué Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA, le 16 février à La Tribune. « Il va conduire à une augmentation des importations dont certaines ne respectent pas les normes de production et peut mener, à terme, à la perte de notre souveraineté alimentaire en détruisant de la valeur agricole et alimentaire », a-t-elle dénoncé, s'interrogeant sur la capacité d'un distributeur à « proposer plus de 700 produits issus de l'agriculture biologique à moins de 2 euros alors que la filière traverse une grave crise ? » Et d'ajouter que « ce panier est ouvert à tout le monde, c'est scandaleux ! Il faut le cibler pour les personnes les plus précaires ». La fédération milite ainsi davantage pour « un chèque alimentaire durable en faveur des plus démunis ». Un temps imaginée cette option a finalement été abandonnée par le gouvernement, car trop complexe à mettre en oeuvre. Et il pourrait en être de même du panier inflation. Le 20 février, Bruno Le Maire a, en effet, indiqué ne pas savoir si le résultat des discussions avec la grande distribution sur le moyen de contenir la hausse des prix en mars, « sera un panier anti-inflation », ouvrant donc la voix à son abandon. « Ce sera ce que les distributeurs trouveront de plus utile et de plus efficace », a-t-il conclu. Deux jours plus tard, le cabinet de la ministre déléguée au Commerce, Olivia Grégoire, qui défend le projet, a assuré qu'il n'était qu'il n'est « pas enterré ».

(Avec AFP)

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 01/03/2023 à 18:33
Signaler
on ne connait ni le contenu de la loi ni celle des accords, mais sachant qu'on ne peut obliger un client a acheter ( cf cours de droit, pour ceux qui viennent me les casser avec leur miserabilisme moral), le diable est dans le detail; il suffit de ne...

à écrit le 01/03/2023 à 14:09
Signaler
Que l état oblige la l’´Affichage des marges de tous les acteurs qu on voit ou se situe le gisement de négociation à la baisse … qu on supprime ts ces intermédiaires qui élèvent le coût moyen … a ton besoin d exporter vers les pays - bas nos fruit e...

à écrit le 01/03/2023 à 14:00
Signaler
Il faut laisser les prix se former entre les différents acteurs. Toute régulation fausse la marché. Par contre il faut lutter contre les cartels, les positions dominantes, les lobbies et être impitoyable au niveau des sanctions. Quant au consommate...

le 02/03/2023 à 2:11
Signaler
Valbel, expert en moraline.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.