Transports publics : Keolis prêt à saisir la justice pour une aide versée à la RATP après la pandémie

L'opérateur de transports Keolis a présenté un bilan satisfaisant pour l'année 2023, avec un résultat net positif. Malgré plusieurs contrats remportés, la filiale de la SNCF a déchanté cette semaine en perdant son monopole à Lyon face à la RATP. Le bras de fer qui l'oppose à la société dirigée par Jean Castex pourrait même aller au tribunal, puisque Keolis envisage le recours en justice suite à l'attribution d'une aide de 50 millions d'euros de l'Etat à la RATP en raison des pertes liées au Covid.
Keolis a perdu son monopole cette semaine à Lyon et partage désormais le gâteau avec la RATP.
Keolis a perdu son monopole cette semaine à Lyon et partage désormais le gâteau avec la RATP. (Crédits : DR)

Une année 2023 positive, mais un début 2024 amer. C'est, pour résumer, le sentiment lors des résultats présentés par l'opérateur de transports Keolis, une semaine après la RATP et une semaine avant un autre concurrent, Transdev. Keolis, détenu principalement par la SNCF, affiche un chiffre d'affaires en hausse de 6,6%, à 7 milliards d'euros, ainsi qu'un résultat net positif de 10 millions d'euros. Un bilan qui contraste avec les pertes de RATP dev, la filiale du groupe RATP qui exploite les réseaux de transport urbains et interurbains hors de Paris. Et pour cause, les filiales du groupe RATP ont affiché un résultat en baisse de 127 millions d'euros au total.

Malgré ces chiffres dans le vert, contrairement à son concurrent, Keolis ne saute pas de joie. Le groupe voit son bénéfice net fondre de 38%, tiré par les coûts de l'énergie, l'effet inflationniste, la pénurie de main-d'œuvre, mais aussi les soucis d'exploitations de certaines lignes comme le réseau Optile, en grande couronne francilienne.

Récemment, la filiale de la SNCF a essuyé un autre revers important : la perte d'exploitation d'une partie des transports à Lyon, en monopole depuis 30 ans.

Lire aussiLa RATP reste dans le rouge en 2023, avec une perte nette en très forte hausse

À Lyon, soupçon des comportements irrationnels

En effet, dans un communiqué publié cette semaine sur leur page, le Sytral, l'autorité organisatrice des transports de la métropole lyonnaise a choisi d'attribuer l'exploitation des bus et des trolleybus à Keolis mais confie les « modes lourds » soit les métros, funiculaires, Rhônexpress et tramways à la RATP. Bruno Bernard, président du Sytral et de la Métropole de Lyon a ainsi justifié ce choix :

« Sur le lot bus, qui dispose des plus gros effectifs d'agents et du chiffre d'affaires annuel le plus important, c'est la qualité de l'offre technique qui a été déterminante. Sur le lot modes lourds, nous avions deux offres techniques équivalentes. C'est le coût global du contrat qui a fait la différence ».

Lire aussiTransports en commun : à Lyon, Keolis devrait partager une part du gâteau avec la RATP

Si Keolis se réjouit d'avoir raflé le contrat bus à son concurrent Transdev, la pilule a tout de même du mal à passer sur les métros et les funiculaires lyonnais. Pour preuve, Marie-Ange Debon, la directrice générale, a pointé du doigt la justification du Sytral quant à l'attribution au mieux offrant :

« Je connais par cœur les prix, étant l'opérateur sortant. Il faut faire attention à ce qu'il n'y ait pas des opérateurs avec des comportements irrationnels qui détruisent de la valeur » sans s'avancer davantage sur le sujet, préférant attendre « de voir les éléments plus chiffrés ». Ces propos s'ajoutent aux soupçons de conditions d'attribution évoqués dans une lettre anonyme destinée au président du Sytral et distribuée aux rédactions lyonnaises, dénonçant un appel d'offre biaisé par des fuites d'informations vers la RATP, leur permettant de se positionner au mieux.

Marie-Ange Debon estime, de son côté, qu'elle « n'a pas assez d'éléments pour dire s'il y a matière à faire un recours » et rappelle sa confiance envers le président de la Métropole, arguant tout de même « qu'il y avait un sens pour Keolis d'avoir les deux lots ». Cette décision devra toutefois passer une dernière étape, puisqu'elle doit être encore débattue et votée lors du conseil d'administration de Sytral Mobilités, le 28 mars prochain.

Recours en justice pour l'aide de l'Etat

Ce n'est d'ailleurs pas la seule pique à destination du groupe parisien que Keolis a envoyé lors de cette présentation. Lors d'une question évoquant l'aide de 50 millions d'euros accordée à la RATP pour pallier les pertes du Covid, l'opérateur dénonce des conditions d'attribution. En effet, le 30 novembre 2023, la Commission européenne a approuvée une aide exceptionnelle de l'Etat à destination des entreprises « présentant un chiffre d'affaires de plus de 4,5 milliards d'euros sur les activités réalisées sur le territoire français entre le 1er janvier 2020 et le 30 décembre 2020 ».

Problème : seule la RATP rempli ce critère. « En termes de concurrence, on peut se poser des questions », tempête Marie-Ange Debon, par ailleurs présidente de l'Union des Transports publics (UTP).

« Avec l'UTP, nous continuons de travailler pour voir si ce décret peut être appliqué. Nous pourrons saisir la justice du côté de Keolis », a ainsi admis la directrice avant de se corriger et de mettre la phrase au conditionnel. La RATP sera vite fixée puisqu'un recours à un décret publié doit se faire dans un temps limité, a précisé Marie-Ange Debon, sans donner plus d'informations. Transdev, de son côté, n'a pas tenu à s'exprimer sur cette aide et n'a pas annoncé de plainte.

Lire aussiTransports en Île-de-France : Keolis choisi pour exploiter les prochaines lignes de métro du Grand Paris

Côté RATP, on tient à rappeler que des aides ont été également attribuées à la SNCF, groupe auquel appartient Keolis, pour compenser les pertes liées à la pandémie. La Régie rappelle que les 50 millions d'euros accordés par l'Etat sont destinés au groupe RATP, et pas seulement à la filiale de développement des réseaux urbains et périurbains.

Sur l'international, les mêmes terrains convoités

Enfin, Keolis a montré son agacement sur les plans d'expansion de la RATP à l'international. « Nous avons un gros volet défensif », a confirmé la directrice générale, évoquant son étonnement quant à la stratégie de RATP Dev de se développer en Australie depuis 2022, une terre très prisée de Keolis et de Transdev depuis plusieurs années.

Autre terrain de conquête pour les opérateurs de transports : les Etats-Unis. Et, cette fois, tous sont à l'offensive. Ainsi, Keolis a annoncé remporter des réseaux de bus en Californie, au Texas ainsi qu'en Arizona. De son côté, la RATP rafle la Caroline du Nord et Transdev a remporté la Floride et opère également en Californie.

Côté Europe, Keolis espère continuer à opérer la ligne de métro londonienne Docklands Light Railway. La décision de ce contrat stratégique - la ligne dessert une grande partie de l'Est londonien avec 45 stations - sera prise avant la fin de l'année. La capitale anglaise attire là encore la RATP, qui exploite les bus. Cette activité pourrait néanmoins être compromise, le groupe a en effet fait part d'un « résultat net des filiales qui reste affecté par les résultats de l'activité des bus londoniens de RATP Dev, toujours pénalisés par l'inflation et les difficultés de circulation à Londres. Le processus de désengagement de cette activité, engagé fin 2022, se poursuit ».

Un désengagement qui pourrait profiter à Keolis, absent du réseau de bus londonien. Hier, sa directrice générale « a avoué regarder d'un œil bienveillant le sujet si sa société était appelée à opérer sur ces lignes ». Le bras de fer entre les deux opérateurs français pourrait ainsi s'amplifier.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 15/03/2024 à 13:21
Signaler
Pour le contribuable, RATP et SNCF c'est comme bonnet blanc et blanc bonnet.

à écrit le 14/03/2024 à 20:01
Signaler
CLASSIQUEMENT ... SOCIALISTE " ! Avec en plus un Directeur comme l' ancien Premier Ministre Jean Castex [ dit Jean .... Cassetête ] à la tête de la R.A.T.P., ( après Elisabeth Borne ! ) un énarque qui avait montré toute l' étendue de ses compétence...

le 15/03/2024 à 11:20
Signaler
Vous conspuez , votre propos est en décalage avec le sujet car il fait un rapprochement et non une analyse fine …de plus vous ne proposez rien .. pour votre gouverne : en fait vous ne connaissez rien à ce secteur plus de 90% des réseaux urbains dan...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.