BONNES FEUILLES. « Wall Street en Feu » 7/28

ÉPISODE 7/28. La Tribune vous offre 28 épisodes d'un thriller financier hautement addictif. Si vous avez aimé La Firme de John Grisham, alors vous succomberez au premier roman de Thomas Veillet, ex-trader de la banque UBS devenu journaliste financier : « Après avoir vécu l'horreur des combats en Afghanistan, Tom Kelcey pose son paquetage à New York. Bien résolu à se défaire des stigmates de la guerre, il entame une prometteuse carrière de trader à Wall Street, dans une prestigieuse salle des marchés. Son sens de l'observation lui permet de détecter des anomalies et de réaliser des profits colossaux ; sans le savoir il vient de déranger de puissants intérêts ».
(Crédits : Talent Editions)

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CHAPITRE 4

27 novembre 2021 - 19 h 00 - Les Hamptons, New York - USA

Callahan et Dalmore se faisaient face, un peu perdus dans les énormes canapés. Le chef des traders faisait tourner son whisky dans son verre en attendant que son patron se cale correctement. Il se tortillait comme si une douleur dans le dos l'importunait. Dalmore finit par attraper un coussin en fourrure et le coinça dans le creux du canapé, juste au-dessus des fesses.

- Mes lombaires, marmonna-t-il en haussant les épaules.

Callahan hocha la tête dans une vague attitude de compassion. C'était en tout cas l'émotion qu'il souhaitait véhiculer, mais il brûlait surtout d'en finir, d'en venir au fait. Soudain, Dalmore sembla capter la réflexion intérieure de son employé et lâcha une phrase sortie de nulle part :

- Callahan, êtes-vous sûr de tous vos traders ?

L'Américano-Irlandais eut l'impression que son cœur ratait un battement. Il peina à trouver ses mots pour articuler une réponse. Il parvint à balbutier un vague :

- Je, je vous demande pardon ?

Dalmore fit un grand geste de la main comme pour faire oublier sa question - et pour mettre en évidence sa Rolex introuvable sur le marché - et reprit :

- Bill, vous imaginez bien que je ne vous ai pas fait venir jusqu'ici pour parler voitures, n'est-ce pas ?

Callahan bafouilla un « oui » incertain, puis son boss enchaîna :

- Si je vous ai demandé de venir, c'est pour m'entretenir à propos de la division trading et essayer de comprendre ce qui se passe. Bill l'observa avec étonnement. Pas un mot ne lui vint spontanément. Une foule d'idées lui encombrait l'esprit. La première d'entre toutes : Que peut-il bien se passer ? Avant de venir, j'ai tout vérifié, tout avait l'air en ordre.

La surprise qui s'affichait sur le visage de Callahan n'échappa pas à Dalmore qui poursuivit :

- Si je vous dis ça, c'est que j'ai eu vent de transactions récentes qui ont connu de gros succès, auxquels nous ne semblons pas avoir participé.

- Jamais ? siffla Bill entre ses dents.

Mais de quelles transactions parle-t-il ? Bill avait comme l'impression de regarder un film en commençant par le milieu : il lui manquait des informations. Il reprit, toujours un peu plus sur la défensive :

- Écoutez, monsieur Dalmore, je ne sais pas de quoi vous parlez quand vous mentionnez ces mystérieuses transactions à succès. Ce que je sais, c'est que nous sommes parfaitement en ligne avec les objectifs de l'année fixés par vous-même en janvier. Je n'ai pas encore les chiffres de novembre, mais en vérifiant les tableaux de bord ce matin, il n'y avait rien à signaler. Tout est sous contrôle.

Dalmore hocha la tête et lui présenta la paume de ses mains de façon tout à fait pacifique.

- Vous ne m'avez pas compris, Bill. Je n'ai rien à vous reprocher. Ça n'a rien à voir avec votre travail ou celui de vos équipes. Je crois que je n'ai pas été clair. Je vais vous expliquer par le menu ce qui m'est arrivé récemment et vous me direz ce que vous en pensez.

Dalmore se cala un peu plus confortablement dans son fauteuil et entama son récit. Un inconnu l'aurait récemment abordé à son club de golf. Le type en question avait laissé entendre qu'il pouvait lui fournir des informations privilégiées. Et bien entendu, tout cela lui permettrait de réaliser de substantiels profits, sans le moindre risque. Dans un premier temps, Dalmore avait cru à une plaisanterie, mais visiblement, l'homme n'était pas du genre comique, et le lui avait clairement fait comprendre. Pour Callahan, l'histoire commençait à ressembler à un mauvais roman. Qui se fait interpeller dans un club de golf pour se voir proposer des informations sans risques ? Il interrompit Dalmore plus sèchement qu'il n'aurait voulu :

- En échange de quoi ?

- De rien, a priori. C'est justement ça que j'ai trouvé surprenant. Et pour me prouver sa bonne foi, il m'a cité des exemples de transactions effectuées par le passé.

Bill Callahan ne savait plus trop quelle posture adopter mais Dalmore continua sa petite histoire :

- Je pense humblement ne pas être complètement idiot. Je me suis montré dubitatif. Je lui ai dit qu'il aurait tout à fait pu bidouiller ses données. Il a été piqué au vif. Et là, nous sommes passés à la vitesse supérieure. Le type m'a donné toutes les infos sur un coup qui n'a pas encore eu lieu.

- Et ? relança Callahan.

- J'ai vérifié toutes les transactions qu'il m'a mentionnées. Elles ont bel et bien eu lieu et furent effectivement des coups en or.

- Après coup, c'est toujours facile de se vanter d'avoir réalisé le deal, intervint Callahan.

- Tout à fait d'accord, mais une chose semble certaine : ces deals étaient presque trop beaux pour être honnêtes.

- Hem... d'accord, et la société en question ? Celle du coup à venir ?

- Narragan Biosciences, il faut être short avant la clôture d'aujourd'hui.

Ce qui sous-entendait que la boîte en question allait passer un mauvais quart d'heure à Wall Street et qu'il faudrait avoir agi avant la clôture du 27 novembre. Le marché étant fermé depuis plus de trois heures, on connaîtrait la validité de l'info à l'ouverture du lendemain. Si le tuyau de l'homme mystère était correct, on serait donc rapidement fixés. Mais ce que ne comprenait toujours pas le chef du trading, c'était le deal. Que se cachait-il derrière un cadeau pareil ?

Dalmore ajouta que le type lui avait dit d'observer, mais de ne rien faire. Tout cela devenait de plus en plus mystérieux.

Callahan pouvait bien comprendre que le gars possédait des infos de première main, mais de là à ce qu'il les fournisse sur un plateau, gratuitement... Ça faisait longtemps qu'il avait arrêté de croire aux contes de fées.

- Vous ne pouvez pas réellement envisager qu'il n'attende rien en retour ! Parce que le coup du bon Samaritain, dans ce milieu, je peine à y croire.

- Vous avez raison, Bill... Je pense qu'il attend que je sois mouillé pour revenir vers moi.

William « Bill » Callahan plissa les yeux. Brodman & Zimmermann n'était pas cotée, il s'agissait encore d'une boîte privée, mais elle n'en était pas moins soumise au gendarme de la Bourse, la redoutable SEC. Ce qui revenait à dire que n'importe quel deal basé sur des informations susceptibles d'être qualifiées d'informations d'initiés pouvait leur attirer d'énormes ennuis.

Alors que son cerveau tournait à deux cents à l'heure, Callahan se souvint soudainement que son patron avait un terminal Bloomberg dans son bureau - probablement pour se faire mousser devant ses amis ou se prendre pour Michael Douglas dans le film Wall Street. Bill pensait que son patron était bien incapable de trouver la moindre info sur son terminal sans demander de l'aide à l'un de ses employés.

Bill se leva pour faire face à son patron et lui demander avec une certaine autorité :

- Je peux accéder à votre Bloomberg ?

- Faites, répondit Dalmore en indiquant la direction du bureau.

Son « Bloom » n'était rien d'autre qu'un software installé sur le PC du maître des lieux, alors qu'il y a bien longtemps, les Bloomberg étaient des terminaux dédiés. Bill secoua la tête pour sortir son esprit de ses pensées vintage et se connecta machinalement avec ses identifiants. Puis il entra le nom de la société dans le moteur de recherche, ce qui donnait Equity TK Narragan, Bloomberg possédant son propre langage. Avec tous ces codes et ces raccourcis, les traders pouvaient parfois penser qu'ils constituaient une caste à part.

Une série de lignes apparut devant les yeux de Bill, mais la seule qui l'intéressait était Narragan Biosciences - Ticker NABI. Il ouvrit la fenêtre de description qui présentait la boîte en question comme une société de biotechnologie - le domaine le plus spéculatif que l'on puisse trouver en bourse de nos jours - basée à Narragansett, un bled pas loin de Providence dans l'État de Rhode Island. Il se souvenait être passé là-bas lors d'un week-end avec sa femme dans la région, mais là n'était pas la question.

La société valait plus ou moins soixante-dix-neuf milliards de capitalisation boursière. L'action avait terminé la séance à cent quarante-neuf dollars vingt-huit cents quelques heures auparavant. En hausse de quarante cents. Rien qui ne laissait supposer que le titre allait se faire exploser dans les prochaines heures. En tout cas, sur le marché hors bourse, calme pour le moment, rien ne semblait se tramer entre traders. Dans le cas de Narragan, rien non plus. Pas un souffle d'air. Le calme plat. Le récit de son patron faisait de moins en moins sens et Bill commença à se demander s'il ne le menait pas en bateau.

- Vous trouvez quelque chose ? lui demanda Dalmore.

- S'il y avait effectivement des gens bien informés là dehors, cela devrait se voir sur le graphique. La pression vendeuse sur plusieurs jours a souvent tendance à se faire remarquer.

Il appela alors le graphique des douze derniers mois et une succession de bougies bleues et rouges apparut sur l'écran. Les bougies bleues indiquaient une journée de hausse et les rouges, une journée de baisse. Mais la tendance haussière paraissait claire, légère mais évidente.

A suivre...

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Commentaire 1
à écrit le 28/07/2023 à 8:16
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Oui c'est en effet là que se joue l'effondrement de notre monde, oui c'est forcément intéressant mais le contexte est tellement nul, tout ces gens dont les comportements sont dictés par leur cupidité maladive sont tellement prévisibles. Lordon avait ...

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