BONNES FEUILLES. « Wall Street en Feu » 15/28

ÉPISODE 15/28. La Tribune vous offre 28 épisodes d'un thriller financier hautement addictif. Si vous avez aimé La Firme de John Grisham, alors vous succomberez au premier roman de Thomas Veillet, ex-trader de la banque UBS devenu journaliste financier : « Après avoir vécu l'horreur des combats en Afghanistan, Tom Kelcey pose son paquetage à New York. Bien résolu à se défaire des stigmates de la guerre, il entame une prometteuse carrière de trader à Wall Street, dans une prestigieuse salle des marchés. Son sens de l'observation lui permet de détecter des anomalies et de réaliser des profits colossaux ; sans le savoir il vient de déranger de puissants intérêts ».
(Crédits : Talent Editions)

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CHAPITRE 9

28 novembre 2021 - 15 h 00 - Brighton Beach, New York - USA

Rebecca ne répondait toujours pas au téléphone, Bill Callahan non plus. L'angoisse montait d'un nouveau cran. En appelant le bureau de sa compagne, Tom s'entendit dire que Rebecca avait pris une journée de congé. Une simple trahison de couple ou la situation qui dégénérait de partout ?

Tom tournait en rond sur le quai de la ligne B, dans l'attente du métro qui le ramènerait chez lui. Il entendit la mélodie de Take Me Home, Country Roads et mit quelques secondes pour réagir. C'était bien la sonnerie de son propre téléphone. Il avait prévu de la changer pour quelque chose de plus dynamique, vu qu'il ratait un appel sur deux.

Le nom de Lamar s'afficha sur l'écran de son smartphone et Tom décrocha sans conviction. Son ami ne se perdit pas en formules de politesse :

- Tom, deux types sont venus te demander, souffla-t-il.

- Et donc ? Explique !

- Tu venais à peine de partir que deux gars ont déboulé à ton bureau et m'ont demandé où tu étais.

- Deux gars comment ?

- Ben, on aurait dit qu'ils étaient sortis d'une imprimante 3D. Même costard, même cravate, même dégaine. Pendant un moment, je ne savais même plus qui était qui. Spontanément, j'ai pensé à la SEC. Mais ils n'ont pas voulu me dire qui ils étaient et d'où ils venaient. Ils m'ont simplement prévenu que c'était mieux pour tout le monde que je réponde à leurs questions.

- Et tu as répondu quoi ?

Dans la station de métro, la réception était assez aléatoire. La voix de Lamar devenait dangereusement métallique et nasillarde, quand elle n'était pas coupée pendant quelques millisecondes. Tom se déplaçait dans tous les sens en scrutant les barres de réseau. Lamar poursuivit :

- J'ai répondu que tu étais parti faire une course et que tu reviendrais dans trente minutes. Ils t'ont attendu. Quand ils ont vu que tu ne revenais pas, ils ont fini par déguerpir. Pas sûr qu'ils m'invitent à leur Christmas Party cette année. Mais fais gaffe, ils te cherchent et ils n'ont pas l'air nets. Parkas bleues, costumes gris foncé et coupe des années quatre-vingts chez le même coiffeur.

- Lamar ?

- Oui ?

- Merci de m'avoir couvert et de m'avoir fait gagner un peu de temps. Je t'en dois une. Je te rappelle vite.

- Quand tu voudras, lieutenant. Tu as des prob...

Tom raccrocha avant même la fin de la question. Les menaces au téléphone, le kidnapping de la femme de Callahan, Rebecca qui ne répondait pas, des types louches qui demandaient après lui, tout cela commençait à faire beaucoup. Il devait se planquer pour réfléchir et faire retomber la pression. Soudain, l'idée de rentrer chez lui ne lui sembla pas très opportune...

Rebecca ouvrit les yeux, submergée par des nausées, mais le bâillon qui entravait sa bouche la força à ravaler sa bile dans un effort inhumain. Son corps entièrement ankylosé lui interdisait le moindre mouvement. Au travers des larmes qui obstruaient son regard, elle entraperçut l'intérieur d'une maison cossue qu'elle ne connaissait pas. À côté d'elle se trouvait également une autre femme ligotée, prostrée, avec qui il semblait impossible d'entrer en communication. Encore moins échafauder un plan de fuite. Dans son esprit embrumé et face à un terrible mal de crâne, Rebecca ne parvenait pas à se concentrer, à rationnaliser, au bord d'une panique destructrice. Son univers s'était effondré en quelques heures. Son séduisant patron assassiné, elle kidnappée avec une inconnue. Et si le cauchemar ne faisait que commencer ?

Le lieutenant Jenrette regagna son bureau après un séjour chez le médecin légiste. Son rapport ne laissait place à aucun doute. L'homme n'était pas mort rôti au fond de sa salle de bains. Il avait été poignardé au préalable. L'affaire prenait une tournure intéressante pour Maverick. Une cave d'un quartier mal famé truffée de matériel informatique, une porte blindée ouverte un peu trop facilement, un type poignardé, des grenades incendiaires. Tous les ingrédients étaient réunis pour une enquête qui le changerait de sa routine.

Le flic se remémora le papier carbonisé retrouvé au milieu de la mousse du canapé. Le labo pourrait sans doute en tirer quelque chose. Maverick se rendit au quatrième étage, l'antre de la brigade scientifique.

Arrivé sur place, il se dirigea vers un technicien qu'il appréciait.

- Salut, Paul, tu peux m'aider sur un truc ?

Petit et mince, mal rasé, l'homme portait un col roulé qui accentuait encore sa maigreur. Mais il se dégageait de lui une belle convivialité. Il pivota sur sa chaise en entendant son nom et n'eut pas l'air surpris en découvrant l'inspecteur Jenrette.

- Maverick ! Que me vaut l'immense honneur de ta visite ?

Le flic lui tendit le sachet en plastique contenant la feuille à moitié brûlée. Il pointa le logo de son index gauche :

- Fais-moi de la magie avec ton ordinateur. Je veux tout savoir sur ce logo.

- Je ne suis pas non plus Harry Potter, répondit Paul avec un regard pétillant.

Il s'empara du sachet et se dirigea vers l'immense photocopieuse en forme de tour qui trônait dans le coin du bureau. Il ouvrit le capot de la machine et positionna la pièce à conviction avec délicatesse. Il pianota ensuite sur le clavier pendant quelques secondes. Maverick l'observait sans très bien comprendre ce qu'il faisait. Une fois les instructions données à la machine, Paul revint à son poste de travail et ouvrit une application sur le réseau. Il importa le fichier de l'imprimante, cliqua sur OK et, un millième de seconde plus tard, apparut une ribambelle de photos représentant le même logo. Il cliqua sur la première et se retourna en annonçant :

- C'est le logo d'une société de biotechnologie. Narragan Biosciences. Elle est basée près de Boston.

La rame de métro arriva enfin dans un vacarme assourdissant. Des usagers commencèrent à jouer des coudes pour être les premiers à monter, au cas où elle repartirait sans eux. Pendant les quelques secondes qui suivirent l'ouverture des portes, le quai ressemblait à une fourmilière totalement désorganisée. Dans cette mêlée, à une vingtaine de mètres, Tom distingua deux types en costume gris qui bousculaient tout sur leur passage. Et ils se dirigeaient dangereusement vers lui. Tom fit instantanément le rapprochement avec la description de Lamar : ils semblaient bien sortis de la même imprimante 3D et ne respiraient pas la joie de vivre.

Ils n'appartenaient certainement pas à la SEC. Tom préférait ne pas faire leur connaissance et taper la causette. Au moment où le signal annonçant la fermeture des portes retentit, il fit mine de rentrer dans la rame, puis se lança en un sprint effréné sur le côté gauche du quai. Il slaloma entre quelques usagers en direction du tunnel d'où venait le métro. Les deux costumes gris furent surpris et ne réagirent pas au quart de tour. Ils perdirent ainsi de précieuses millisecondes avant de se mettre en branle. Tom sauta sur le côté des rails et poursuivit sa course sur le ballast, qui ne lui facilitait pas la tâche. Il avait de l'avance et la pénombre du tunnel jouait en sa faveur. Tant que le métro suivant ne venait pas le percuter de plein fouet... Par bonheur, après une centaine de mètres de course, une porte métallique se présenta dans la paroi. Sans doute une voie d'accès pour les techniciens de maintenance. Il se retourna, entendit vaguement une course lointaine mais ne distingua pas les deux costumes. Il ouvrit la porte en tremblant. Il quitta une pénombre pour une autre peut-être un peu moins dense. Il devina des marches qui descendaient vers ce qui ressemblait à un quai et une ligne désaffectée. L'humidité lui tomba sur les épaules. Il fut saisi de frissons. Il s'accroupit pour reprendre son souffle. Ses chaussures de toile furent submergées par une flaque d'eau croupie. Il se concentra sur sa respiration pour oublier la désagréable sensation sur ses chaussettes et ses orteils. Des flash-backs lui revinrent de ses missions en Afghanistan. Respire, respire et fonds-toi dans le décor. Disparais.

Dans un interstice entre deux briques, il pouvait apercevoir un couloir. Quelques secondes plus tard, il vit un des deux hommes qui passait lentement à quelques mètres de lui, dans une autre portion de tunnel. Il retint sa respiration en voyant le Sig Sauer P365 XL ROMEOZERO que le gars tenait dans son poing. Il n'avait pas affaire à des amateurs, l'arme démontrait clairement qu'ils n'étaient pas de la SEC. Tom n'avait pas survécu deux ans entre Kaboul et Kandahar pour mourir au fond d'un tunnel de métro à dix kilomètres de chez lui et de la plage de Brighton.

Au bout d'un moment, le type s'immobilisa derrière le mur. Tom pouvait entendre le moindre de ses faits et gestes. Il sortit un talkie-walkie de la poche de sa veste pour, probablement, contacter son clone. La voix grésilla :

- Tu me reçois ?

- Cinq sur cinq.

- Tu l'as trouvé ?

- Non. On se replie et on va chez lui. De toute façon, dès que son téléphone se connectera à une antenne relais, on le localisera. Plus aucun doute sur leur méthode de filature. Le smartphone de Tom était un vilain mouchard. Il patienta encore cinq minutes et sortit son iPhone de sa poche : aucune barre de réseau. Il observa avec dégoût ce traître électronique. Tom éteignit l'appareil maudit et observa longuement le tunnel afin d'être certain que ses poursuivants étaient partis. Il n'y avait plus de bruits de pas sur le gravier du tunnel, plus de grésillement d'échanges radio. Il décida qu'il pouvait prendre le risque de se relever. Tom pataugea quelques instants sur le sol du tunnel avant de retrouver des escaliers plus accueillants.

Retourner chez lui était exclu, mais il devait absolument prévenir Rebecca, même si elle semblait se la couler douce en congé. Il réfléchit froidement à sa situation. Avec ces types à ses basques, il était devenu un fugitif dont la vie ne pesait pas bien lourd. Une cavale coûte cher. Il allait devoir sortir un maximum de cash, se trouver un véhicule et partir à la recherche de Rebecca, avant de mettre la main sur Bill Callahan - dont la vie ne devait pas peser beaucoup plus lourd que la sienne. Restait à trouver la sortie du labyrinthe du métro sans tomber nez à nez avec les costumes gris.

A suivre...

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