BONNES FEUILLES. « Wall Street en Feu » 10/28

ÉPISODE 10/28. La Tribune vous offre 28 épisodes d'un thriller financier hautement addictif. Si vous avez aimé La Firme de John Grisham, alors vous succomberez au premier roman de Thomas Veillet, ex-trader de la banque UBS devenu journaliste financier : « Après avoir vécu l'horreur des combats en Afghanistan, Tom Kelcey pose son paquetage à New York. Bien résolu à se défaire des stigmates de la guerre, il entame une prometteuse carrière de trader à Wall Street, dans une prestigieuse salle des marchés. Son sens de l'observation lui permet de détecter des anomalies et de réaliser des profits colossaux ; sans le savoir il vient de déranger de puissants intérêts ».
(Crédits : Talent Editions)

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Sur la terrasse, tout se passa en un éclair. Tom n'était qu'à moitié surpris que Callahan connaisse l'existence de Narragan. Il était certain que son patron était allé vérifier ses positions et... Bien que dans ses pensées, ses réflexes militaires prirent le dessus lorsqu'il aperçut la lumière rouge d'une visée laser sur la parka de Bill. Il lui plongea dessus tel un pilier défensif de la NFL, la ligue de football américain. Callahan n'était pas un poids plume, mais il tomba sans résistance comme la balle sortie du DAN.338 s'écrasait contre le pilier, rongé par la brise marine, qui soutenait le toit de la terrasse du Tatiana Café. À quelques millièmes de seconde près, le crâne de Callahan n'existait plus. Des éclats de bois volèrent dans tous les sens tandis que l'écho du coup de feu leur parvenait avec un infime décalage.

Tom plaqua son patron au sol de tout son poids en lui intimant :

- Ne bouge pas, reste au sol, on nous tire dessus !

- Mais bordel, qu'est-ce qui se passe ? éructa Bill.

- Je n'en sais rien. Il fait trop nuit pour voir où se planque le tireur, mais il ne peut pas nous atteindre si on reste derrière le muret de la terrasse.

- Nom de Dieu, j'ai pas signé pour ça, moi ! ronchonna Bill.

Dans la Cadillac, l'homme en noir était fou de rage. Il cherchait un nouvel angle de tir. Dans son oreillette, son contact s'excitait :

- Négatif Spotter, vous l'avez raté, vous l'avez raté !

Le tireur expira et tenta de se calmer, mais il ne voyait plus rien dans sa lunette. Une de ses cibles était visiblement rompue à ce genre de situation et n'avait pas perdu de temps en questions inutiles.

- Ici Spotter, je n'ai plus de visuel. Demande instructions. L'oreillette répliqua sèchement :

- Dégagez, dégagez, on abandonne pour le moment ; on ne va pas attendre que les flics s'en mêlent.

Le chauffeur de la Cadillac, lui aussi branché sur oreillette, ne demanda pas son reste, et l'énorme SUV démarra en trombe. Sur la terrasse, Tom et Bill n'osaient plus bouger, mais la situation semblait revenue à la normale. Les crissements de pneus se firent de plus en plus lointains. Mis à part l'impact de balle dans le pilier, il ne paraissait plus rien de la tentative de meurtre.

Tom roula sur le dos et fixa le ciel avant de lâcher :

- Visiblement, on dirait qu'on a mis le doigt sur quelque chose...

CHAPITRE 6

28 novembre 2021 - 0 h 15 - Brooklyn, New York - USA

Bill Callahan et Tom Kelcey décidèrent de faire profil bas pendant les heures qui suivirent la tentative de meurtre. Ils s'en étaient sortis sans égratignures, mais tous deux eurent du mal à digérer la chose. Ce n'était pas la première fois que Tom se faisait tirer dessus, il appréciait tout de même modérément qu'on lui rappelle son séjour en Afghanistan de cette manière. Pour Callahan, la digestion fut nettement plus difficile. Il faisait partie de cette génération bénie qui avait vécu l'aprèsVietnam et l'avant-Irak, jamais vraiment concernée par le combat armé. Pour lui, la vraie violence, c'était celle de Rambo et des héros de cinéma survitaminés. Qui plus est, se faire shooter à quelques kilomètres de là où il venait encore à la plage avec ses enfants quelques années auparavant, voilà qui avait du mal à passer. D'autant plus qu'il avait pris conscience que sa vie n'avait tenu qu'au réflexe militaire de Tom Kelcey. Le tireur n'avait pas joué de la gâchette pour intimider, mais bien pour l'éliminer, lui comme son subordonné.

Quelques instants après le coup de feu, Tom avait entraîné Callahan au plus près du muret qui leur offrait un minimum de protection. Ils avaient pris le temps de reprendre leur souffle et de laisser leur rythme cardiaque se stabiliser. L'angoisse soudainement montée à son paroxysme avait distillé dans leur organisme une sacrée dose d'adrénaline. En état de choc, il ne leur avait pas fallu longtemps pour comprendre qu'ils avaient mis involontairement les pieds dans quelque chose qui les dépassait.

Après quelques minutes de répit, Tom commença à observer les environs, pas vraiment convaincu de discerner quelque chose dans la nuit d'encre de Brighton Beach. Ils ne devaient pas rester exposés trop longtemps. Les gyrophares de la police qui passait sur l'autoroute au nord le rassuraient, mais il n'était pas question de parler aux flics de Brooklyn. Au moins, leur présence laissait penser que leurs agresseurs ne reviendraient pas finir le boulot. Après quelques minutes de tergiversations, Tom décida de bouger. Hagard, Bill ne semblait pas encore capable de prendre l'initiative. Le trader tira son patron par la manche et lui intima l'ordre de marcher accroupi pour offrir le moins de surface de tir à un éventuel sniper embusqué. Ils atteignirent la Dodge de Callahan en moins d'une minute. Ils firent une pause, assis contre le véhicule et Tom demanda :

- Ça va aller, tu peux conduire ?

- Hmmm, ouais, je crois...

La voix n'était pas bien assurée. Les deux hommes se fixèrent quelques instants, sans doute à jamais liés par ce qu'ils venaient de vivre. Il n'y eut aucune effusion. Les silences en dirent long. Puis ils se donnèrent rendez-vous dès 6 h au bureau, avant que le gros de l'équipe n'arrive dans la salle de trading. Il n'y avait visiblement plus rien à faire ici ce soir. Ils allaient devoir trouver un plan de bataille et rester les plus discrets possible. Pour l'heure, il était prématuré d'impliquer les autorités. Tom ayant shorté un titre qui serait sans doute prochainement sous les feux des médias, il ne serait pas simple de prouver son innocence. Connaissant certains membres de la SEC, Callahan pensait qu'ils seraient plus intéressés par le cas de Tom qu'ils avaient sous la main, plutôt que de courir après d'hypothétiques criminels dont on ne savait absolument rien. Profil bas jusqu'à l'aurore, donc.

Bill remonta dans sa Dodge avec les jambes encore en coton. Il rentra chez lui à Tarrytown, non sans vérifier deux cents fois si on le suivait. Sa lucidité lui revenait : des hommes suffisamment organisés pour le débusquer en bas de chez Tom et lui tirer dessus devaient connaître son adresse et le menu de ses petits déjeuners. Il était probablement à leur merci.

Quant à Tom, il rentra pour se faire incendier par sa petite amie. Il n'avait pas rapporté de l'épicerie indienne un produit qu'elle lui avait prétendument demandé. Ce faisant, il ne jugea pas nécessaire de lui raconter par le menu son escapade nocturne. Elle aurait sans doute compliqué les choses en prévenant les flics. Pour son bien, mieux valait la maintenir à distance. Par conséquent, il s'était couché rapidement en lui tournant ostensiblement le dos. Demain promettait d'être une longue journée.

Jason Dalmore encaissa le coup de poing en plein ventre en étouffant un râle de douleur. L'homme en noir continua à le frapper de plus belle. Il était surpris que le millionnaire soit aussi résistant. D'habitude, ces gars bourrés de thunes se montraient beaucoup moins coriaces, prêts à tout pour que le calvaire cesse au plus vite. Mais sa victime du jour serrait les dents et ne bronchait pas.

Les portes de l'impressionnante résidence s'étaient révélées bien moins robustes : le bourreau de Dalmore s'y était introduit avec une facilité déconcertante. Encore un de ces systèmes de sécurité censément « inviolables » ! Une fois dans la demeure, il n'avait eu qu'à trouver la chambre à coucher de sa cible et éliminer froidement la call-girl qui l'y accompagnait d'une balle en pleine tête. Une belle brune longiligne qui n'avait pas encore eu le temps de s'effeuiller totalement. Son commanditaire lui avait bien précisé : « Je veux savoir ce que ce Dalmore sait. Ensuite, vous me le ramenez, en une seule pièce ! Et ne laissez aucun témoin, évidemment. »

L'homme en noir empoigna sa victime par la gorge et la souleva du sol rien qu'à la force de son bras droit. Il s'approcha de son visage, le fixa droit dans les yeux et lui demanda :

- Qu'est-ce que tu sais sur Narragan ? À qui en as-tu parlé ?

Et il laissa retomber Dalmore au sol comme un sac de vieux chiffons.

Entre deux claques, il eut le temps de jeter un œil à la caméra de surveillance dans l'angle de la pièce. Elle filmait.

Dalmore reprit son souffle et articula péniblement un nom que la brute ne comprit pas tout de suite. Il lui balança une immense gifle en pleine figure et lui intima :

- Articule ! On ne comprend rien.

- CALLAHAN ! cria Dalmore, du sang plein la bouche.

L'homme se redressa, saisit son smartphone et appuya sur une touche préprogrammée :

- Allô ? fit une voix à l'autre bout du fil.

- C'est Spotter, annonça-t-il.

- Alors ? Ça dit quoi ?

- Ça fait une heure que je le soumets à un traitement de choc, et il n'a rien dit de plus que ce que l'on savait déjà. Vu la mauviette que c'est, je doute qu'il soit capable de conserver la moindre bribe d'information. Ou alors il faut que je change de métier. Mais comme vous l'avez demandé, on l'a gardé en bon état.

- OK. Parfait. Vous nettoyez tout, vous ne laissez aucune trace et vous me le ramenez comme prévu.

- Que fait-on des corps de la fille et de son majordome ? demanda le tueur en jetant un coup d'œil sur l'Anglais qui semblait assoupi dans un coin de la pièce.

- J'ai été clair : pas de traces derrière vous, répondit la voix sur un ton qui ne laissait aucune place à la discussion.

A suivre...

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