La Bourse sanctionne BNP Paribas malgré des résultats solides

La première banque européenne en termes de bilan a reporté d’un an son objectif de rentabilité, en raison de contraintes réglementaires, et le quatrième trimestre a été grevé par des charges exceptionnelles, notamment pour solder les litiges liés à des crédits libellés en francs suisses. Le groupe, toujours pénalisé par le contexte de taux actuels, attend la baisse des taux courts pour retrouver du tonus sur sa marge d’intérêt. En Bourse, le titre chutait de près de 8% jeudi.
Le groupe table sur un milliard d'euros de revenus additionnels d'ici 2025 liés à l'environnement de taux.
Le groupe table sur un milliard d'euros de revenus additionnels d'ici 2025 liés à l'environnement de taux. (Crédits : Reuters)

« Nous sommes peut-être trop prudents », a lâché Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de BNP Paribas, en réaction à la forte baisse du cours de l'action en matinée lors de la présentation des résultats annuels du premier groupe bancaire européen.

De fait, les marchés ont peu apprécié le report d'un an, à 2026, de l'objectif de rentabilité des fonds propres à 12%, tout comme d'ailleurs un quatrième trimestre jugé un peu poussif, juste en ligne avec les trois trimestres précédents.

Un report justifié pour des raisons réglementaires, exogènes, comme la non rémunération des réserves obligatoires, le hausse de la taxe bancaire en Belgique ou le lancement d'un bon du Trésor belge qui a puisé dans les dépôts. Au total, la facture serait de l'ordre d'un demi-point de rentabilité, ce qui ramène donc la rentabilité en 2025 dans une fourchette comprise entre 11,5% et 12%, contre un peu plus de 12% initialement prévu. Car le contexte économique ne sera suffisamment porteur pour rattraper le manque à gagner.

Charges exceptionnelle

Et au quatrième trimestre, la banque a passé de lourdes provisions exceptionnelles pour solder notamment les litiges liés à des crédits anciens libellés en francs suisses (en France et en Pologne). La banque a également ajouté 40 millions de charges exceptionnelles, soit un total de 300 millions sur l'année, pour restructurer son pôle Personal Finance (crédits spécialisés), qui se recentre sur l'Europe et le Royaume-Uni et transforme son modèle vers les partenariats et le crédit automobile.

La sanction de la Bourse est sévère : le cours est en recul de 8 % à quinze heures, à 57,48 euros. Le marché, qui navigue sur des plus hauts, est de fait très nerveux et pénalise fortement toutes les déceptions. Dassault Systèmes, une valeur très appréciée, en a fait également les frais aujourd'hui, dans la foulée de la publication d'un quatrième trimestre décevant.

« C'est une réaction normale compte tenu de l'annonce qui déporte l'objectif de rentabilité, même à la marge, d'un an, mais aussi du fait que nous sommes une banque qui ne profite pas autant que d'autres de l'environnement actuel de taux, notamment de taux courts élevés », commente ainsi le directeur général. « Vous avez un effet de swing important en Bourse qui devrait se calmer dans les prochains jours », tente ainsi de rassurer le dirigeant.

Un mieux sur la marge d'intérêt en 2024

Globalement, la tendance des revenus au quatrième trimestre est décevante mais le groupe reste solide sur ses fondamentaux avec, sur 2023, un profit net de près de 11 milliards d'euros pour un chiffre d'affaires de 45,9 milliards d'euros (soit une marge nette de 24%). Le coût du risque est toujours aussi faible et il devrait rester sous la barre des 40 points de base en 2024. L'année qui vient s'annonce pas aussi confortable que prévu, notamment sur le front des taux, avec une Banque centrale européenne qui ne va pas baisser ses taux aussi qu'attendu.

« 2024 devrait annoncer un mieux sur la marge d'intérêt, et encore plus en 2025 », estime, prudent, Jean-Laurent Bonnafé. Il faut donc que les marchés fassent preuve de patience pour que le groupe bancaire soit enfin valorisé à la hauteur de son poids en Europe et de sa capacité à gagner des parts de marché grâce à son approche industrielle et méthodique des métiers de la banque. En attendant, le groupe propose un retour aux actionnaires de 60 % via une hausse de 18% du dividende (à 4,6 euros) et un programme de rachat d'actions d'un milliard d'euros.

Union des marchés de capitaux : « L'Europe a pris trop de retard »

Le directeur général de BNP Paribas, Jean-Laurent Bonnafé, se réjouit naturellement de l'annonce début janvier par le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, du lancement d'une mission dédiée à la relance de l'Union des marchés de capitaux sous la prochaine mandature européenne. « C'est un message politique fort », reconnaît le banquier. Il était temps. « L'Europe a pris trop de retard. Et c'est très triste », regrette le dirigeant. De fait, cette union, cela fait vingt ans que l'on en parle, et cela fait vingt ans que le projet n'a pas avancé d'un pouce.

Mais l'Europe ne peut pas se contenter du financement bancaire pour assurer sa transition énergétique, compte tenu des montants en jeu. Aujourd'hui, les entreprises européennes se financent à 80 % par des crédits bancaires et le marché assure seulement 20 % du financement de l'économie. Il faudrait à terme que ce ratio passe à 30% de financement bancaire et à 70% de financement de marché. Cela ne peut se faire qu'au niveau européen.

« L'Europe a une gouvernance incroyablement compliquée et avant de construire des cathédrales, il faut vraiment qu'on ait déjà des églises pour prêcher, et des églises, nous les avons déjà !», plaide Jean-Laurent Bonnafé. En clair, mettre en place de nouvelles institutions, comme un régulateur européen des marchés, demandera forcément beaucoup de temps, surtout si la prochaine assemblée européenne est dominée par les partis populistes. Alors pourquoi ne pas, suggère le banquier, moderniser, adapter ce qui existe déjà, comme la titrisation de créances (qui permet de sortir les créances des bilans bancaires), mais qui mériterait un toilettage pour être réactivée ? Le message est clair : il est temps d'aller vite sur cette question qui devient stratégique.

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Commentaires 2
à écrit le 01/02/2024 à 23:26
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Voila ce que c'est qu'avoir un ingénieur (compétent) au lieu d'un énarque Inspecteur des Finances comme Directeur Général; on ne vous pardonne même pas vos succès indéniables car on espérait plus.

à écrit le 01/02/2024 à 17:50
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La bouderie ne durera pas longtemps. Avec un rendement de 8% (plus de 2,5 fois les intérêts de la caisse d'épargne) pour une action décotée (qui ne le restera pas éternellement) de la plus grande banque Européenne et avec des risques faibles, c'est u...

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