Le Centre Spatial Guyanais (CNES) vise un objectif de 30 lancements en 2030

La directrice du Centre spatial guyanais Marie-Anne Clair vise 30 lancements en 2030 : 10 à 12 Ariane 6, 5 à 6 Vega-C plus des tirs effectués par des micro-lanceurs. La modernisation du CSG donnera la capacité à l'Europe de lancer tous les deux à trois jours.
Le portique mobile d'Ariane 6, un ouvrage en structure métallique de plus de 8.000 tonnes et 89 m de haut (pas de tir ELA4)
Le portique mobile d'Ariane 6, un ouvrage en structure métallique de plus de 8.000 tonnes et 89 m de haut (pas de tir ELA4) (Crédits : DR)

Trente lancements en 2030 (contre trois cette année). C'est le slogan personnel de la directrice du Centre spatial guyanais (CSG) Marie-Anne Clair pour conjurer le mauvais sort qui s'acharne sur le port spatial européen. Un objectif qu'elle rabâche sans cesse à ses équipes pour les motiver après les terribles coups du sort endurés par le CSG depuis quatre ans : crise du Covid avec fermeture de la base, arrêt des tirs Soyuz à la suite de l'invasion russe en Ukraine et baisse drastique de la cadence de lancements en 2022, 2023 et 2024 en raison des retards répétés d'Ariane 6 et des défaillances techniques de Vega-C. « Nous sommes dans une période compliquée, cela ne fait pas l'ombre d'un doute, n'élude-t-elle pas. Et on ne savait pas que cela allait durer quatre ans ».

Tous ces événements ont eu « un impact sur l'activité de la base spatiale. On est actuellement dans une cadence de lancements qui est très, très basse. Trois lancements cette année, puis entre deux et quatre suivant les prévisions l'année prochaine alors que la base a été dimensionnée pour opérer 12 lancements par an », explique Marie-Anne Clair à La Tribune.

Elle entrevoit le bout du tunnel à la fin de l'année 2024 avec le retour en vol de Vega-C conjugué à la montée en puissance d'Ariane 6. Résultat, la première femme à diriger le CSG est donc en train de configurer la base spatiale pour effectuer six à sept tirs Ariane 6 par an et trois à quatre vols Vega à partir de 2024/2025. A l'horizon 2030, elle vise pour le CSG 10 à 12 lancements Ariane 6, cinq à six lancements Vega plus les vols effectués par les quatre micro-lanceurs installés sur le site historique du Diamant au CSG d'où décollaient les lanceurs Diamant B, puis Diamant BP4 entre 1970 et 1976. Et « si la montée en cadence se confirme, y compris du côté d'Ariane 6 avec le lancement de la constellation Kuiper, on pourrait passer à 12 ou 13 lancements Ariane 6 par an ».

Les raisons de la résilience du CSG

Comment le CSG a-t-il pu encaisser autant de coups en si peu de temps et se relever à chaque fois ? Outre les outils classiques de gestion des ressources humaines par temps fort (chômage partiel...), Marie-Anne Clair rappelle qu'environ 80% des 1.600 salariés du CSG ne sont pas concernés par les activités de lancement de la base, qui est également un site industriel majeur, avec notamment sept sites classés Seveso (sites industriels à risque). « Nous avons des activités de maintien en condition opérationnelle des infrastructures et des équipements. Et ce type d'activité qu'on lance ou qu'on ne lance pas, il faut les faire surtout dans un pays amazonien où le climat est rude. On ne peut pas laisser toutes nos infrastructures (bâtiments, installations, espaces verts...) sans maintien en condition opérationnelle », souligne-t-elle.

En outre, l'arrivée d'Ariane 6 au CSG sur le pas de tir ELA4 a occupé beaucoup des personnels de la base spatiale. Et ce n'est pas encore terminé. Les premiers éléments de la première Ariane 62 (FM1), qui décollera en 2024 dans le ciel de la Guyane, vont en principe débarquer du voilier-cargo Canopée le 3 novembre au port de Pariacabo à Kourou. Ce sera notamment le cas de la demi coiffe d'Ariane 6 fabriquée par l'entreprise suisse Beyond Gravity. Puis ce sera au tour des deux étages cryogéniques le 10 décembre. En tout cas, le CNES est prêt pour le premier vol d'Ariane 6. « Les derniers essais de compatibilité montrent que les interfaces entre le lanceur et le segment sol sont nickel. On attend le lanceur Ariane 6, dont le premier exemplaire va arriver à la fin de l'année, avec impatience », confirme Marie-Anne Clair.

« Oui, on ne lance pas beaucoup actuellement mais les personnels ne sont pas du tout inoccupés », résume-t-elle.

CSG : vers une capacité à lancer tous les 2 jours

La faible cadence de lancements se révèle être par ailleurs une belle opportunité pour lancer un plan de modernisation ambitieux (250 millions d'euros financés à 55% par la France) de la base spatiale, estime la directrice du CSG. « C'est l'une de nos réussites : nous avons très bien tuilé cette baisse d'activité avec la rénovation de la base », précise-t-elle. Cette situation permet de programmer sans trop de complications les travaux de modernisation comme par exemple celui des salles blanches du CSG qui accueillent les satellites et qui sont pleines en temps normal. « Si on avait été en période de 12 lancements par an, nous n'aurions jamais pu fermer les salles blanches. Cela aurait été excessivement compliqué de combiner à la fois une activité opérationnelle et une activité de rénovation », précise la directrice du CSG.

La base spatiale, qui avait été rénovée pour la dernière fois à la fin des années 90 avec l'arrivée d'Ariane 5, avait grand besoin d'une nouvelle modernisation de grande ampleur pour traiter toutes les obsolescences et remettre à niveau plusieurs infrastructures critiques, dont le centre de contrôle Jupiter. « On va avoir un nouveau centre de contrôle Jupiter 2 tout neuf concernant tous les aspects techniques. Cela va nous permettre de lancer tous les deux à trois jours au lieu de onze jours », explique Marie-Anne Clair. C'est l'un des trois axes de ce programme de modernisation, gagner en compétitivité en lançant de façon plus rapide (Ariane 6, Vega-C et les micro-lanceurs).

« C'est significatif pour le CSG d'autant que l'on va accueillir de nouveaux opérateurs. On n'aura pas qu'Arianespace », souligne-t-elle.

Deuxième axe de modernisation, la digitalisation de la base spatiale. Elle était dotée d'une informatique de la fin des années 90. Et malgré les liftings, l'informatique du CSG faisait bel et bien son âge. « Nous avons rénové un certain nombre de choses mais nous sommes restés sur des architectures et des réseaux vieillissants. Nous sommes en train de tout rénover », indique Marie Anne Clair. Enfin, troisième axe, le verdissement de l'énergie dans un contexte où le CNES porte des objectifs RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) forts. Le CSG représente 15% de la consommation énergétique de la Guyane. « Nous nous sommes donnés pour objectif d'avoir 90% d'énergie verte à horizon 2030 », révèle-t-elle. Pour atteindre cet objectif, le CNES a lancé un programme de construction de centrales photovoltaïques et biomasses au sein du CSG.

« Le CSG est dans une période très surprenante, analyse Marie-Anne Clair. La base spatiale est à la fois dans une période avec très peu de lancement mais elle n'a pas plongé dans le marasme. Au contraire, elle bouillonne de projets, il y a beaucoup de nouveautés. Mais je ne vous cache pas que nous aurions préféré qu'il y ait plus de lancements... »

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Commentaire 1
à écrit le 10/10/2023 à 20:56
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Bonjour, Nous sommes en 2023, kourou, la Guyane coûte encore plus cher à la France, armee, aide internationale, logistique transport btp infrastructures pour les pays frontaliers, pour les routes de trafics , etc etc etc et ce jusqu'à l an 2030 p...

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