Pointé du doigt pour les moteurs de l'A350, Rolls-Royce sort les griffes

Arrivé confiant au salon aéronautique de Dubaï, Rolls-Royce ne pensait sans doute pas se retrouver pris dans une telle tempête de sable, après les déclarations du patron d'Emirates sur les performances d'un de ses moteurs. Le motoriste britannique peut toujours se réjouir des perspectives commerciales offertes à nouveau par le marché des long-courriers, sur lequel il fait équipe avec Airbus et ses A350 et A330 NEO.
Léo Barnier
Rolls-Royce se montre serein pour sa montée en cadence, malgré une réorganisation interne annoncée le mois dernier.
Rolls-Royce se montre serein pour sa montée en cadence, malgré une réorganisation interne annoncée le mois dernier. (Crédits : POOL New)

Airbus et Rolls-Royce, devenu le motoriste exclusif des appareils long-courriers du constructeur européen, ont vécu un salon de Dubaï agité. Mis à mal par la sortie de Tim Clark, président d'Emirates, ou encore celle de son directeur commercial Adnan Kazim dans La Tribune sur les performances du moteur de l'A350-1000, les deux partenaires vivent néanmoins une période faste avec la reprise forte du marché des long-courriers. Avec le remplacement de l'immense flotte de Boeing 777-300ER qui s'amorce, les perspectives sont inédites.

Bousculé par les déclarations d'Emirates sur la durabilité des moteurs XWB-97, qui équipent l'A350-1000, en particulier le faible temps initial sous aile d'être déposé et le coût de leur maintenance, Ewen McDonald, directeur des relations clients de Rolls-Royce, n'a pas tarder à répliquer auprès de La Tribune.

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« L'Airbus A350 et le Trent XWB de Rolls-Royce ont prouvé à maintes reprises qu'ils constituaient une combinaison gagnante », fait-il valoir. Il en veut pour preuve la soixantaine de clients qui ont choisi cette solution, « qui a établi une référence dans l'industrie en termes d'efficacité et de fiabilité ».

« Des compagnies aériennes comme EVA Air, Air France-KLM et Air India ont choisi une combinaison de Trent XWB-84 et de Trent XWB-97 - nous sommes donc convaincus que ce produit a de bonnes perspectives d'avenir. Le moteur a également été choisi récemment pour équiper le projet Sunrise de Qantas (Sydney-Londres et New York), le prochain vol régulier le plus long du monde », complète Ewen McDonald.

Le Trent XWB-97 va continuer d'évoluer

Résultat, le directeur des relations clients de Rolls-Royce estime que « le Trent XWB est le moteur en service le plus efficace au monde ». Mais s'il présente aussi le Trent XWB-84 comme « le meilleur moteur du marché en termes d'efficacité, de durabilité et de fiabilité », il fait un distinguo en ce qui concerne le Trent XWB-97.

« C'est seul moteur de nouvelle génération à forte poussée en service. Il a prouvé sa fiabilité et sa durabilité au cours de ses cinq années de service et après plus de 2 millions d'heures de vol, chiffre qui devrait passer à plus de 5 millions d'ici 2025. »

Il laisse même entendre que des efforts sont encore nécessaires : « Nous continuons également à améliorer nos moteurs et à investir dans leur durée de vie. Le XWB-97 de l'A350-1000 ne fait pas exception à la règle. C'est un bon moteur et nous continuerons à veiller à ce qu'il s'améliore alors que nous envisageons de mettre en œuvre certaines des nouvelles technologies issues de notre programme de démonstration UltraFan. »

L'affaire s'est tout de même bien terminée avec la commande jeudi de 15 nouveaux A350-900 par Emirates. Une bonne nouvelle, même s'il ne s'agit pas des A350-1000 qui pouvaient être espérés. Ce nouveau contrat intervient d'ailleurs dans une période particulièrement dynamique pour les ventes.

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Du jamais-vu en dix ans

Avec 149 exemplaires commandés cette année, l'A350 réalise sa meilleure performance commerciale depuis 10 ans et les 239 avions vendus en 2013. Et le chiffre pourrait croître encore largement si le contrat avec Turkish Airlines - qui pourrait comprendre jusqu'à 95 A350 - venait à être confirmé, quand le protocole d'accord signé au salon de Dubaï avec Ethiopian pour 11 A350-900 sera converti en contrat, ou encore quand EVA Air confirmera son choix pour 18 A350-1000, annoncé la semaine dernière. C'est un peu moins flamboyant pour l'A330 NEO avec seulement 36 commandes. Cette performance reste tout de même la meilleure année en termes de ventes depuis 2019.

« Je suis dans l'industrie depuis très longtemps et les conditions de marché actuelles, où il y a beaucoup plus de demande que d'offre, sont incroyables. Je n'ai jamais connu une période aussi chargée en termes de ventes et de demandes d'achat d'avions », se réjouit Ewen McDonald.

Une dynamique en partie liée à la volonté des compagnies de sécuriser des créneaux de livraisons pour assurer le remplacement et la croissance de leurs flottes, dans un contexte d'engagements en matière de décarbonation. « Remplacer les vieux appareils par de nouveaux, beaucoup plus efficaces, est le moyen le plus rapide d'atteindre ces objectifs, car la disponibilité des SAF (carburants d'aviation durables) ne sera pas assez élevée pour faire une grande différence d'ici 2050 », analyse-t-il.

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Remplacement du 777-300ER, le marché du siècle

La demande est là, et ce, dans toutes les régions du monde, selon le dirigeant de Rolls-Royce, même s'il cite surtout l'Europe et les Etats-Unis. Il met juste un bémol pour la Chine. L'Empire du Milieu est en effet affaibli par une croissance au ralenti, qui tient davantage à sa sortie tardive de la crise du Covid, estime Ewen McDonald. Ce dernier reste donc optimiste pour l'année 2024.

Le marché pourrait même s'accélérer encore grâce au marché de remplacement du Boeing 777-300ER qui s'amorce. En service depuis 2004, il a été vendu à 880 exemplaires. Soit davantage que tous les autres modèles de 777 réunis (hors cargo). De quoi permettre à l'industrie de se frotter les mains. Ewen McDonald cite la commande de 18 A350-1000 par Eva Air comme « la première confirmation d'une compagnie aérienne très indépendante [...] qui avait toujours acheté des Boeing auparavant ». Et selon lui, cela ne fait que commencer.

« Lorsque nous effectuons des analyses, nous constatons que le pic de la demande de remplacement pour les commandes sera atteint au cours des deux prochaines années. Nous en sommes donc qu'au début. Nous allons voir au cours des six prochains mois un grand nombre d'annonces concernant le choix d'avion préféré pour le remplacement du 777-300ER », prédit il.

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Retour au niveau d'avant crise

Airbus a d'ailleurs annoncé, début novembre, la poursuite de la montée en cadence de l'A350. De six appareils produits en moyenne par mois début 2023, l'avionneur visait déjà de passer à neuf avions fin 2025. Il table désormais sur 10 en 2026, c'est-à-dire un retour au niveau de production d'avant crise. Pour l'A330 NEO, la cible reste à 4 avions mensuels en 2024.

« Nous nous sommes préparés depuis un certain temps. La cadence est fixée par Airbus, mais nous l'avons planifié en étroite collaboration. Et quelle que soit la cadence annoncée par Airbus, nous devons livrer des moteurs à cette cadence. Je pense donc que c'est une excellente nouvelle d'augmenter le rythme de production », s'est réjoui le dirigeant britannique.

Rolls-Royce sera-t-il en mesure de suivre la cadence ? « Nous parlons de 2026, il y a donc encore un peu de temps. L'augmentation n'est pas dramatique », balaye Ewen McDonald. Il rappelle que l'A350 tournait déjà à ce niveau de production avant la pandémie de Covid. Rolls-Royce sait faire, nous assure-t-il en somme. Surtout, le directeur des relations clients fait remarquer que l'effort à fournir est sans commune mesure avec ce qui a pu se passer pour les avions moyen-courriers : « La montée en cadence est très différente de celle des monocouloirs, où il est question d'un taux de 75 avions par mois (famille A320 NEO). La montée en cadence des gros-porteurs est de dix (A350). Le défi n'est donc pas de la même ampleur. »

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Une sérénité de façade ?

En insistant un peu, Ewen McDonald finit par reconnaître que « toute l'industrie est mise au défi par les problèmes de chaîne d'approvisionnement vus dans cette période post-Covid », sous pression de la remontée en cadence, de la hausse des taux d'intérêt et du coût du financement. « Nous ne sommes pas immunisés et nous devons nous aussi gérer ces problèmes », admet-il.

Pour les anticiper au mieux, Rolls-Royce a d'ailleurs annoncé avoir renforcé la mise en place d'une organisation simplifiée mi-octobre, dans le cadre de son plan de transformation. Selon le communiqué, elle doit l'aider « à renforcer ses capacités dans des domaines clés tels que la gestion des achats et de la chaîne d'approvisionnement ». Dans les faits, cette décision va se traduire par un plan de réduction des coûts et la suppression de 2.000 à 2.500 postes à travers le monde, ainsi qu'un remaniement au niveau du comité exécutif. Le groupe avait déjà supprimé 10.000 postes pendant la période du Covid.

Ce nouveau plan n'est pas spécifique à la division aéronautique civile et touche l'ensemble des activités, notamment la génération de puissance.

Léo Barnier

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Commentaires 3
à écrit le 18/11/2023 à 10:22
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Si on disait à tout le monde que le secteur marchand est rempli de mythomanes, de paranoïaques et des schizophrènes on prendrait moins au sérieux les déclarations des uns et des autres hein. Pour une étude sociologique peut-être par contre...

à écrit le 18/11/2023 à 8:44
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"...n'a pas tarder à répliquer auprès de La Tribune. " Attention aux fautes !!!

à écrit le 18/11/2023 à 0:03
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Rolls Royce, ce n'est plus ce que c'était! Ah! Zut! Je croyais qu'on parlait des voitures. Mes plates excuses.

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