Santé : les médicaments et thérapies de demain

« Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien. » Durant des années, la médecine s’est confrontée au même constat amer que Socrate. La biologie du corps humain, ses milliers de types de cellules, ses dizaines de milliers de gènes, leurs millions de variations possibles ont longtemps été trop complexes pour être élucidés. À défaut, il fallait aux chercheurs et aux médecins travailler à tâtons, simplifier, deviner, expérimenter et espérer avoir vu juste. Mais la donne est en train de changer. L’IA, le Big Data, les progrès technologiques et médicaux en général ont conduit à un point d’inflexion. Devenue progressivement intelligible, cette complexité s’est transformée en atout, ouvrant la voie à une médecine à la fois personnalisée et de précision. Un nouveau paradigme dont émergent déjà plusieurs grands vecteurs d’innovation thérapeutique porteurs d’immenses espoirs. ( Cet article est issu de T La revue n°14 - Santé : un équilibre en jeu, actuellement en kiosque).
(Crédits : Istock)

LES MEDICAMENTS INTELLIGENTS, LA SCIENCE-FICTION EN MARCHE

Un comprimé qui prévient votre médecin que vous l'avez bien avalé. Cela ressemble à de la science-fiction, et pourtant... En 2017, les États-Unis ont autorisé la mise sur le marché du tout premier médicament connecté. Le principe est simple : une fois en contact avec les sucs gastriques, la puce électronique que contient le traitement émet un signal. Encore extrêmement marginal sur les étagères pharmaceutiques, ce type de médicament dit « intelligent » fait actuellement l'objet de très nombreux essais cliniques à travers le monde. Objectif : développer des vecteurs capables de réagir à l'environnement biologique du patient, voire de s'y mouvoir de manière contrôlée, afin de délivrer les molécules actives de manière plus ciblée et plus efficace. Pour y parvenir, les chercheurs ne manquent pas d'idées. Les « smart pills » à l'étude se présentent sous diverses formes, de la plus simple, comme des gélules qui ne libèrent le médicament qu'à un certain pH, à la plus sophistiquée, telles des pilules robotiques équipées de nano-aiguilles. Dans un esprit plus futuriste encore, plusieurs équipes de recherche travaillent à la mise au point de « microrobots » - certains en forme de poisson ou de crabe - capables de se déplacer dans le corps, de délivrer un principe actif à un endroit très précis, de détruire certaines cellules ou encore d'attraper un petit objet qui serait resté coincé dans le tube digestif.

LES NANOMEDICAMENTS, DES MISSILES A TETE CHERCHEUSE

Les médicaments actuels ont un défaut majeur : seule une infime partie de leurs principes actifs atteint la zone malade. D'une taille 50 000 fois plus petite que l'épaisseur d'un cheveu, le nanomédicament est un véhicule capable de transporter un principe actif jusqu'à la zone malade de manière beaucoup plus précise, qu'il s'agisse d'un organe, d'une cellule, ou même de son noyau. Outre l'intérêt thérapeutique évident d'un tel ciblage, il permet également d'éviter les dommages collatéraux causés par la toxicité de certains médicaments sur le reste de l'organisme. Toutes les catégories de maladies, ou presque, sont concernées : cancers, pathologies inflammatoires, maladies cardiovasculaires, maladies infectieuses, maladies neurodégénératives... Bien que les premiers nanomédicaments soient arrivés sur le marché voilà plus de 20 ans, le potentiel de la nanomédecine est loin d'avoir été atteint. D'autant que les médicaments ne sont pas le seul secteur médical d'application des nanotechnologies : amélioration des vaccins existants, nouvelles techniques médicales de diagnostic et de suivi des patients, médecine régénérative... Des centaines de produits sont actuellement testés en phase d'essais cliniques à travers le monde.

LA THERAPIE GENIQUE, GUERIR A LA SOURCE

Apparue dans les années 1960, l'idée de manipuler l'ADN pour soigner des maladies génétiques n'a rien de nouveau. Après un premier essai réussi chez l'homme au milieu des années 1990, l'engouement pour cette médecine présentée à l'époque comme révolutionnaire a vite laissé place à un labyrinthe d'obstacles techniques dont le domaine commence à peine à émerger. Mais avec quelles perspectives ! Initialement conçu comme une approche thérapeutique uniquement destinée aux maladies monogéniques rares (causées par le dysfonctionnement d'un seul gène), l'emploi des gènes pour soigner s'avère en fait beaucoup plus polyvalent. Outre la stratégie première, qui consiste à compenser la fonction déficiente d'un gène « malade » en introduisant dans une cellule sa copie fonctionnelle, d'autres approches ont été développées qui permettent de s'attaquer à des pathologies plus complexes. C'est le cas de la production de cellules thérapeutiques par thérapie génique, une méthode qui permet, dans le domaine du cancer par exemple, de modifier l'ADN des cellules du système immunitaire pour qu'elles ciblent efficacement les tumeurs. Porteur d'immenses espoirs, ce procédé se décline aussi au travers, non pas de cellules, mais de virus génétiquement modifiés. Et ce n'est pas fini. Une autre technique tout juste arrivée sur le marché consiste à agir non pas sur le gène, mais sur l'information qu'il transmet via l'ARN messager. Enfin, et peut-être surtout, l'édition génomique, encore au stade expérimental, consiste, quant à elle, à agir directement sur le génome humain en inactivant, supprimant ou même en remplaçant un ou plusieurs gènes. En 2012, l'avènement de l'outil CRISPR-Cas9 a révolutionné cette approche. Supprimer un gène malade, le remplacer par une séquence saine, modifier l'ADN d'un embryon... Ces ciseaux moléculaires exceptionnellement rapides d'utilisation promettent d'étendre les possibilités de la génétique quasi à l'infini. Suscitant à la fois d'immenses espoirs et d'importantes questions éthiques.

LES CELLULES SOUCHES, LES PROMESSES DE LA MEDECINE REGENERATIVE

Réparer les parties défectueuses ou usées du corps humain est un vieux rêve de la médecine. Si les premières greffes d'organes, datant d'une cinquantaine d'années, ont commencé à lui donner corps, une autre voie prometteuse est en train d'aller plus loin. Encore en cours de développement, la médecine régénérative est une stratégie thérapeutique visant à réparer une lésion ou un organe malade grâce à des cellules souches qui vont se différencier pour remplacer les cellules lésées ou malades. Utilisées depuis les années 1960 pour soigner certains cancers du sang (greffe de moelle osseuse), ces cellules indifférenciées n'ont certes rien de nouveau en médecine. Mais les étapes décisives qui ont été franchies depuis - notamment la découverte, en 1981, des cellules souches embryonnaires (ES), puis l'obtention, en 2007, de cellules souches pluripotentes induites (iPS), éthiquement moins problématiques -, ont largement élargi le spectre de leur application. La recherche a notamment démontré leur immense potentiel thérapeutique contre des maladies comme le diabète ou encore les lésions et maladies ophtalmologiques. Des essais cliniques sont également en cours pour greffer des cellules souches, ou des cellules dérivées de cellules souches, à des patients atteints de Parkinson, de lésions de la moelle épinière, de drépanocytose, d'ulcères de la peau ou encore à des grands brûlés. À terme, ces cellules « mères » pourraient également servir à l'impression 3D d'organes tels que les poumons, le cœur ou encore le pancréas. Des laboratoires ont déjà réussi cette prouesse pour la peau, les vaisseaux, la vessie, l'os ou encore la cornée. En 2019, pour la toute première fois, un ersatz de cœur humain a même été conçu à l'université de Tel-Aviv (Israël).

L'IMMUNOTHERAPIE ANTICANCEREUSE, TIRER PROFIT DE NOS PROPRES DEFENSES

C'est une approche qui bouleverse déjà la façon de traiter certains cancers. En plein essor depuis une dizaine d'années, l'immunothérapie représente un changement complet de paradigme dans la lutte contre cette maladie. Le principe est simple : au lieu de cibler les cellules tumorales comme c'est le cas des chimiothérapies et de la radiothérapie, ces nouveaux traitements ciblent le système immunitaire. Le but : lever les freins qui empêchent les moyens de défense de notre organisme de lutter efficacement contre la maladie. Certaines tumeurs, notamment, parviennent à échapper à la surveillance des cellules tueuses de notre système immunitaire (les lymphocytes T). Face à ce constat, les chercheurs ont développé plusieurs stratégies. Apparus en 2010, les anticorps monoclonaux, des molécules qui empêchent les cellules tumorales de duper les lymphocytes T, ont déjà commencé à révolutionner la lutte contre certains cancers, notamment le cancer du poumon avancé ou métastatique et le mélanome. Autre stratégie d'immunothérapie : les cellules CAR-T (ou CAR-T cells), des lymphocytes T recueillis sur le malade et modifiées génétiquement en laboratoire pour être plus efficaces, sont réinjectées chez le malade. Les résultats, cette fois, sont très encourageants contre certains cancers du sang type leucémie B, lymphome B et myélomes réfractaires. Reste toutefois de nombreux obstacles à la généralisation de ces thérapies récentes et innovantes, notamment et non des moindres, une meilleure compréhension de l'ensemble des mécanismes moléculaires en jeu. Très peu de médicaments d'immunothérapie anticancéreuse ont pour l'instant obtenu une autorisation de mise sur le marché, mais les nombreuses approches et essais en cours de développement laissent présager un bel avenir à cette thérapie.

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T14

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Commentaires 2
à écrit le 28/05/2023 à 21:25
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je vous invite à consulter les études de repositionnement publiées sur les sites gouvernementaux. elles sont enthousiasmantes pour la science et catastrophiques pour Big pharma. Plus rien n'est brevetable. c'en est pitié.

à écrit le 28/05/2023 à 9:04
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On nous remplace la Médecine humaine par le bonheur virtuel, au point que nous ne ferons bientôt plus la différence ! ;-)

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