Relance : les banques centrales placent les gouvernements face à leurs responsabilités

La plupart des banquiers centraux de la planète se réunissent à Jackson Hole, de jeudi à samedi, dans le cadre de leur symposium annuel. Ils devraient notamment plaider pour que des mesures de relance budgétaire prennent le relais des banques centrales, afin de soutenir la croissance.
Christine Lejoux
Ces dernières années, les banques centrales, avec leurs politiques monétaires ultra-accommodantes, sont apparues comme « la » solution aux grands problèmes financiers et économiques du monde.

Pour les banquiers centraux aussi, l'heure est à la rentrée. La plupart des grands argentiers de la planète se retrouvent jusqu'à samedi, dans le cadre de leur symposium annuel à Jackson Hole, dans l'état du Wyoming, à l'Ouest des Etats-Unis. Une édition 2016 au cours de laquelle les banques centrales devraient plaider pour que des mesures de relance budgétaire prennent leur relais, afin de soutenir la croissance. De fait, ces dernières années, face à des gouvernements qui ont sacrifié l'élaboration de véritables politiques de relance sur l'autel des réductions budgétaires, les banques centrales, avec leurs politiques monétaires ultra-accommodantes, sont apparues comme « la » solution aux grands problèmes financiers et économiques du monde.

Et ce, depuis la crise des « subprimes » (crédits hypothécaires américains risqués) de 2007, jusqu'aux risques engendrés par le Brexit, en passant par la récession mondiale de 2009 et la crise des dettes souveraines de la zone euro, en 2011. A chaque fois, les banques centrales, que ce soit aux Etats-Unis, en Europe ou en Asie, ont joué les pompiers de service, en déversant des milliers de milliards de dollars de liquidités sur les marchés, et en abaissant leurs taux d'intérêt à des niveaux toujours plus bas, afin de relancer l'économie.

La faiblesse des taux n'incite plus les entreprises américaines à investir

Mais ces mesures exceptionnelles dites de « quantitative easing » (assouplissement quantitatif) ont, par définition, une fin, et, de toute façon, des limites. La preuve avec les investissements des entreprises américaines, en baisse depuis trois trimestres consécutifs, signe que la faiblesse des taux d'intérêt ne parvient plus à encourager les patrons, trop inquiets des perspectives économiques, à parier sur l'avenir. Or l'économie américaine, qui a progressé au mieux de 1,25% au cours des quatre derniers trimestres, a grandement besoin d'investissements, en particulier dans l'innovation, afin de donner un nouvel élan à la hausse de la production par heure de travail, qui a été ramenée d'une moyenne de 3% par an entre 1947 et 1973 à 0,5% depuis 2010.

Et, contre cette érosion de la productivité, qui résulte en partie de facteurs démographiques, la Fed ne peut pas grand-chose : « La politique monétaire n'est pas bien équipée pour traiter des problèmes à long terme, tels que le ralentissement de la hausse de la productivité », a souligné Stanley Fischer, le vice-président de la Réserve fédérale américaine (Fed), dimanche dernier, dans un discours prononcé à Aspen (Colorado).

Des politiques monétaires qui ne peuvent se substituer aux politiques économiques

Un raisonnement qui vaut également pour la Banque centrale européenne (BCE) et pour la Banque du Japon, lesquelles ont pourtant poussé l'arsenal de leurs mesures de politique monétaire non conventionnelles jusqu'à amener leurs taux en territoire négatif. Las ! « Au Japon, la Banque centrale lutte contre la stagnation de l'activité et des prix, dont l'origine est la faiblesse anormale des salaires, contre laquelle le gouvernement ne fait rien (...) La politique monétaire très expansionniste de la Banque du Japon ne peut pas corriger ces effets du recul des salaires : les taux d'intérêt très bas ne peuvent pas compenser perpétuellement le recul du pouvoir d'achat des ménages », décrypte Patrick Artus, dans une tribune publiée jeudi 25 août sur lepoint.fr.

De la même façon, selon le chef économiste de Natixis, c'est en vain que la BCE tente de corriger la contraction de l'activité résultant de l'arrêt de la mobilité des capitaux entre les différents pays de la zone euro, ou que la Banque d'Angleterre, qui a abaissé son taux d'intérêt directeur début août, s'efforce de redorer l'attractivité d'une économie britannique ternie par le résultat du référendum sur le Brexit. « La politique monétaire expansionniste ne peut pas corriger les effets de problèmes structurels non résolus (par les gouvernements) », insiste Patrick Artus.

Relancer les investissements publics

Un écho aux propos tenus dimanche par Stanley Fischer, le vice-président de la Fed : « La politique macroéconomique ne peut se résumer à la politique monétaire. » En clair, il est temps que les Etats prennent le relais des banques centrales pour soutenir l'économie. Par exemple, comme le suggère Stanley Fischer, en augmentant les dépenses publiques consacrées aux routes, ponts et autres infrastructures, ou encore dans l'éducation et la formation. La nécessité de relancer l'investissement public dans les infrastructures est précisément l'un des rares points sur lesquels s'accordent les deux principaux candidats à l'élection présidentielle américaine, la démocrate Hillary Clinton et le républicain Donald Trump. Ce discours sur une indispensable relance budgétaire est aussi celui tenu par l'OCDE et le FMI depuis quelques mois.

Le Japon a, quant à lui, adopté le 2 août un plan de relance de 246 milliards d'euros, afin de revigorer une croissance qui ne devrait pas excéder 0,3% cette année, selon le Fonds monétaire international. Le Royaume-Uni aussi pourrait déployer cet automne un plan de relance, afin de tenter d'enrayer l'érosion de l'économie britannique liée au Brexit. Autant de raisons d'espérer que, faute d'être des solutions pérennes aux maux économiques et financiers, les politiques monétaires ultra-accommodantes des banques centrales ne deviennent pas des problèmes, en augmentant l'appétit des investisseurs pour les actifs les plus risqués.

Christine Lejoux

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Commentaires 38
à écrit le 06/09/2016 à 19:43
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"en relançant l'investissement public dans les infrastructures" : encore faudrait-il qu'il s'agisse d'infrastructures rentables, c'est-à-dire qui ont vocation sur leur durée de vie à générer un retour sur investissement positif. Autrement, il s'agit...

à écrit le 28/08/2016 à 20:54
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En relisant l'article, je suis un peu étonné par la phrase suivante: "Une édition 2016 au cours de laquelle les banques centrales devraient plaider pour que des mesures de relance budgétaire prennent leur relais, afin de soutenir la croissance" Je n...

à écrit le 28/08/2016 à 16:24
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@Francky 26/08/2016 11:24 La déflation, c'est cela en termes simples. La baisse des prix incite les particuliers et entreprises à reporter leurs décisions d'achats dans l'attente de nouvelles chutes de prix. En conséquence, la consommation globale...

à écrit le 28/08/2016 à 12:41
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Il est vraiment temps que les banques centrales fassent la remise de leurs dettes aux états de leur ressort. Une société grevée par les dettes et menacée d'usure, ne peut prospérer. Cette crise de 2008 aura eu le mérite de montrer que le taux d'intér...

le 29/08/2016 à 21:49
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C'est vrai ! les banques centrales ne savent plus quoi faire. Elles auront au moins prouvé que l'argent n'est même plus du papier, juste un jeu.. .d'écritures. Cela ne veut pas dire qu'on peut faire n'importe quoi ! C'est la mondialisation qui est ...

à écrit le 28/08/2016 à 12:36
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LE CAPITALISME A DONNEE PLUS DE VALEUR A LA SPECULATION QU A LA VALEUR PRODUCTIVE ET MARCHANDE ? POUR INVERSER L ECONOMIE IL FAUDRAS DE NOUVEAUX DONNEE PLUS DE VALEUR AUX TRAVAIL /RENUMERATION/AFIN QUE CEUX QUI PRODUISE PUISSENT AUSSI PROFITER DES NO...

le 29/08/2016 à 21:34
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100 000 jobs à 0,80 € à saisir. Il serait temps de comprendre que nous manquons de demande ! 1/ le travail permet d'intégrer rapidement un réseau social et économique 2/ permet au migrant de comprendre plus vite le fonctionnement d'un pays en se s...

à écrit le 28/08/2016 à 11:03
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Donner un nouvel élan, par l'investissement, à la hausse de la production par heure de travail, qui a été ramenée d'une moyenne de 3% par an entre 1947 et 1973 à 0,5% depuis 2010 ?? Les retraites bloquées depuis 3 ans en France, la sérieuse réduction...

à écrit le 28/08/2016 à 9:24
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Que peut l'investissement public dans le développement de l'économie, si ce n'est sur certains secteurs, comme le BTP -justement rappelé dans cet article-..? Améliorer les autoroutes ou las transports dans nos sociétés peut avoir un impact, mais très...

à écrit le 27/08/2016 à 21:17
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Le capitalisme est à la croisée des chemins. D'un état stationnaire depuis la crise de 2008, il tend vers un déclin. "L'engorgement du marché, la croissance de la population, l'épuisement des ressources naturelles conjointement à la baisse des salair...

à écrit le 27/08/2016 à 15:12
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Le marché est ce qui l'est , pressurisé par ceux qui ne produisent rien . Enfin de compte une énorme bulle monstrueuse qui va encore nous éclater à la figure .

à écrit le 27/08/2016 à 12:25
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L'euro a déresponsabilisé les gouvernements parce la monnaie n'est plus de leur ressort, elles ne peuvent que subir!

à écrit le 26/08/2016 à 22:49
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« La politique monétaire n'est pas bien équipée pour traiter des problèmes à long terme, tels que le ralentissement de la hausse de la productivité »(Stanley Fischer, le vice-président de la Réserve fédérale américaine). Ici, le problème de la produ...

le 28/08/2016 à 12:23
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EXAT???IL NE FAUT PAS ESSITE A LANCEZ DES BASSES D INFRATRUCTURES QUI TRAVERSSE LES CONTINENTS? LE COMMERCE A BESSOIN DE TRUCTURES ET INFACTRUTURE QUI VONT VITE ET QUI RELIES LES HOMMES AUX 4 POINT CARDINAUX??? L INTERNET PERMETRAS DE CHANGER LES EC...

à écrit le 26/08/2016 à 20:55
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Baisse des taux d’intérêt : il faut se rappeler que le but est que les banques financent l'économie réelle au lieu de placer leurs liquidités dans les banques centrales ou de les jouer au casino financier . Deux impossibilités principales à cet objec...

à écrit le 26/08/2016 à 17:26
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Le FMI change de politique ! Ca c'est nouveau. Alors fini les restrictions, vive le déficit budgétaire ! Il faudrait le faire savoir à Bruxelles, qu'ils changent le 3 % en disont 30 % ??? Quel chef d'entreprise Kamikase, va investir dans un nouveau ...

le 27/08/2016 à 14:38
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Effectivement, l'ordo-libéralisme est une impasse . Ce n'est pas en réduisant la demande (salaires en baisse, chômage) que vous améliorez les profits (au-delà de 2-3ans), surtout si vous empèchez les états de lancer des marchés .

à écrit le 26/08/2016 à 15:54
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Trois décennies de réal-supercherie ne suffiraient-ils pas ? La monnaie et le monétarisme ne sont que des instruments. Revigorer un capitalisme traditionnel avec un capitalisme d'enchères spéculatives sur un avenir incontrôlé conduit aux fausses inte...

à écrit le 26/08/2016 à 12:17
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Les banques centrales ne sont que le rempart des banques. Les banques vont mal a cause des taux d'intérêt faibles et ne font plus leur travail de distribution du crédit. Alors, il est plus facile d'endetter encore plus les états pour relancer l'infla...

le 26/08/2016 à 13:18
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Les banques vont mal 😂 Regardez leurs bénéfices je pense avant de dire n'importe quoi. Les seules années où les banques subissent des pertes c'est à cause de leurs spéculations disproportionnées, pour ensuite demander les aides d'état et les redistri...

à écrit le 26/08/2016 à 11:44
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C'est surtout ce système de banques centrales soi-disant indépendantes qu'il faut remettre en question. On nous a imposé ce type de banque centrale sous le fallacieux prétexte que les gouvernements des démocraties étaient dépensiers par nature et qu'...

à écrit le 26/08/2016 à 11:24
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En quoi la déflation est un problème? La loi de l'offre et de la demande régule parfaitement bien les prix. Des fois ils montent, des fois ils baissent. Si les salaires baissaient en meme temps que les prix, ce ne serait pas un probleme. Le pouvoir d...

le 26/08/2016 à 13:42
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Vous avez dû beaucoup dormir en cours d économie, hallucinant de lire un truc pareil sur un site d information économique....ça fait peur..je vais me contenter de vous dire que les seuls acteurs à profiter de la déflation c est justement les rentiers...

le 26/08/2016 à 20:02
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L'inflation rend service à ceux qui vivent à crédit. La déflation favorise au contraire ceux qui se prémunissent des coups durs. C'est l'opposition entre la cigale et la fourmi. Libre à vous de choisir votre mode de vie, mais ne venez pas donner des ...

le 30/08/2016 à 9:01
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"L'inflation rend service à ceux qui vivent à crédit. La déflation favorise au contraire ceux qui se prémunissent des coups durs. C'est l'opposition entre la cigale et la fourmi." Et pourtant, Keynes (pas contredit pas les économistes plus "à droite...

le 06/09/2016 à 19:29
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@Alatar Je ne vois pas de contradiction entre "L'inflation rend service à ceux qui vivent à credit" et "Keynes appellee l'inflation l'euthanasie des rentiers". Un rentier ne vit pas à crédit, il vit du crédit. Il dispose d'un patrimoine et prête ...

à écrit le 26/08/2016 à 10:38
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Manipuler les taux d'intérêts avec des achats d'obligations financés par création monétaire est complètement contre nature. Avec cette logique purement financière et bien tordue, les banques centrales se sont mises dans une impasse pour sauver, en pr...

à écrit le 26/08/2016 à 10:24
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À quand la vérité et l'impartialité dans la presse! Les banquiers veulent que les Etats relancent leur dépenses pour relancer la croissance, car eux ont fait "leur maximum" pour essayer sans résultats 😂😂😂😂😂😂😂. Je ris jaune, le quantative easing comm...

le 26/08/2016 à 11:45
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Bonne réponse, juste c'est que les pompiers sont des pyromanes, qui a endéttés les états sinon les banques (et les taux négatifs vont nous exploser à la figure)Ils sont forts ces finançiers !!!!

le 26/08/2016 à 12:22
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100 % d'accord avec votre analyse...pour info...la BCE a injecté plus de 2000 milliards dans les banques avec pour mission d'aidé l'économie réel ( PME/TPI/PMI etc., ) à peine 10 % de cette somme est allé à l'économie le reste les banques ont spéculé...

le 06/09/2016 à 19:39
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Certes, le poids de la dette est lourd, mais rien n'oblige les Etats à s'endetter, meme pas les banquiers qui, s'ils leur font les yeux doux, ne leur mettent pas le couteau sous la gorge. N'oublions pas la responsabilité des Etats, ou plutôt des gou...

à écrit le 26/08/2016 à 10:08
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Soutenir la croissance: c'est initier des grands travaux dont les bénéficiaires seraient les générations futures et non les présentes, la conquête spatiale en fait parti!

le 26/08/2016 à 12:13
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oui mais c est les vieux qui votent en 2017. donc on va construire des rond points ou continuer la politique de l immobilier cher a coup d APL, de PTZ et de Scellier/Pinel

le 26/08/2016 à 14:02
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La conquete spatiale, cette activité de l'inutile, comme le congrés americain l'à trés bien compris en sabrant de plus en plus le budget de la Nasa ........

à écrit le 26/08/2016 à 9:56
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Etats-Unis, Japon et Royaume-Unis sont les trois états ayant jouée le plus avec leurs banques centrales et sont les trois états les plus endettés au Monde et ce sont encore les trois états qui vont lancer des grands chantiers.... N'est-ce pas le modè...

à écrit le 26/08/2016 à 9:47
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ne soyez pas naive la baisse des taux n'avait pas vocation a relancer l'investissement elle avait vocation a faire baisser les devises, puis a faire baisser la charges financiere de la dette pour les etats

le 26/08/2016 à 16:33
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Madame Christine, fait péter la poire !!!

le 27/08/2016 à 14:46
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Réponse à Dingo Au fait Mme Christine nous a t-elle remboursée les 420 millions d'euros qu'elle a étourdiment donné à son ami Tapie ?

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