Comment Iskandar Safa s'est arraché des griffes du ministère de la justice américain (DoJ)

Contre toute attente, le milliardaire d'origine libanaise Iskandar Safa a gagné son bras de fer contre le ministère de la justice américaine.
Michel Cabirol
Le jury de New York a estimé qu'il n'y avait aucun lien entre la vente de bateaux militaires et de pêche au Mozambique par Privinvest et les Etats-Unis
Le jury de New York a estimé qu'il n'y avait aucun lien entre la vente de bateaux militaires et de pêche au Mozambique par Privinvest et les Etats-Unis (Crédits : Privinvest)

Iskandar Safa aura eu plusieurs vies. Et comme un chat, il retombe souvent sur ses pattes : cela a été le cas notamment en France, en Grèce, en Allemagne... et aux Etats-Unis. Ainsi, contre toute attente, Iskandar Safa est sorti vainqueur le 2 décembre de son duel contre le ministère de la Justice américain, le DoJ qui s'est pourtant fait la spécialité d'asséner à de grands groupes européens (de préférence) d'énormes amendes en vertu de lois extraterritoriales américaines. Iskandar Safa lui n'a pas voulu plier sans combattre, contrairement à Alstom, BNP Paribas, Société Générale, ou encore Technip. Le milliardaire d'origine libanaise n'a pas fui le combat et a lutté pied à pied contre le DoJ. Bien lui en a pris.

Un procès gagné contre toute attente

Le procès que tous les observateurs pensaient perdus d'avance d'un de ses proches travaillant pour sa holding Privinvest, Jean Boustani, présenté par le DoJ comme le "cerveau" d'une opération à deux milliards de dollars, a finalement été gagné. Après sept semaines de procès à New York, un jury de douze personnes a acquitté à l'unanimité Jean Boustani pourtant considéré par l'accusation de "cerveau d'une fraude à deux milliards de dollars", a expliqué au début du procès dans son propos liminaire Margaret Moeser, la représentante du ministère public, dans son propos liminaire. Au titre du 5e amendement de la Constitution américaine, le DoJ américain ne peut pas faire appel de l'acquittement de Jean Boustani.

Il était accusé de fraudes et de blanchiment d'argent par le DoJ dans le cadre de trois contrats en 2013 et 2014 portant sur la vente de bateaux militaires et de pêche au Mozambique. La justice américaine s'est mêlée du dossier, notamment parce que des investisseurs américains auraient été lésés par les montages pour financer le contrat.

Trois leçons à retenir

C'est la première fois qu'un groupe français dans le viseur du ministère de la justice américain remporte une bataille judiciaire. C'est la première leçon que l'on peut tirer de ce verdict : se battre et ne pas plaider coupable d'emblée sous prétexte d'arrangements ultérieurs (amendes, mise sous tutelle...). Soit la soumission au bon vouloir du DoJ.

Deuxième leçon, Iskandar Safa, contrairement à d'autres patrons comme Patrick Kron, n'a jamais abandonné Jean Boustani, inculpé d'association de malfaiteurs en vue de commettre une fraude électronique, de blanchir de l'argent et de gruger des investisseurs. Il était emprisonné à la sortie d'un avion à l'aéroport John F. Kennedy à New York, depuis janvier dernier. "C'est son groupe, ses cadres, ses amis", fait observer un observateur du groupe. Cette affaire a toutefois eu pour résultat de paralyser sur le plan commercial le groupe, dont l'image a souffert. Socarenam s'est vu confier par le ministère des Armées la réalisation de six patrouilleurs outre-mer... dont c'est pourtant la spécialité de CMN, le chantier naval français d'Iskandar Safa.

Enfin, troisième leçon, le verdict de New-York est une première victoire contre le principe américain de l'extraterritorialité. Certains jugent déjà le verdict Boustani comme un coup porté à la capacité des États-Unis à éliminer la corruption au-delà de leurs frontières. Le ministère de la justice devait démontrer que l'affaire Boustani dépendait en grande partie de l'existence d'un lien suffisant avec les États-Unis. Ce qu'a finalement rejeté le jury. "Nous n'avons trouvé aucune preuve d'un lien avec le district de New York", a déclaré un membre du jury.

Michel Cabirol

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Commentaires 4
à écrit le 09/12/2019 à 18:18
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Deux extraits éloquents : - "Iskandar Safa, contrairement à d'autres patrons comme Patrick Kron, n'a jamais abandonné Jean Boustani, inculpé " - "Cette affaire a toutefois eu pour résultat de paralyser sur le plan commercial le groupe …. Socarenam ...

à écrit le 09/12/2019 à 11:18
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"le verdict Boustani comme un coup porté à la capacité des États-Unis à éliminer la corruption au-delà de leurs frontières". Belle conclusion morale! Les autorités US reviennent à la politique du splendide isolement America First. Il est temps que ...

à écrit le 09/12/2019 à 9:55
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Bravo - Les américains défendent leurs pays et c'est respectable, ils sont forts parce que l'UE est faible - Pour mémoire, Alstom et toutes les autres sociétés dont Areva qui serait sous la menace d'une amende géante de 24 milliards pour présomption ...

à écrit le 09/12/2019 à 9:26
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"C'est la première fois qu'un groupe français dans le viseur du ministère de la justice américain remporte une bataille judiciaire" ET bien c'est surprenant que nos politiciens se soient laissés autant berner depuis tout ce temps ! Et sans rien d...

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