Les entreprises gazo-intensives, victimes collatérales de la guerre en Ukraine

L’explosion des prix de l’énergie percutent au premier chef les entreprises gazo-intensives. Détour par la Normandie, arrière-pays industriel de l’île-de-France, où de nombreux secteurs d’activité accusent le coup.
Très dépendante du gaz qui alimente ses fours, l'industrie du verre est percutée de plein fouet par l'envolée des cours.
Très dépendante du gaz qui alimente ses fours, l'industrie du verre est percutée de plein fouet par l'envolée des cours. (Crédits : groupe Pochet)

Faire taire tout ou partie de ses machines faute de pouvoir supporter l'explosion des prix du gaz. C'est le choix auquel devront sans doute se résoudre beaucoup d'entreprises énergivores, en raison de la hausse vertigineuse des cours dans l'Union Européenne.

Le fabricant norvégien d'engrais azotés Yara a été l'un des premiers à franchir le pas. Mercredi dernier, il a annoncé réduire temporairement la production de ses deux principales usines sur le Vieux continent : celle de Ferrare en Italie et celle du Havre en Seine-Maritime dont la capacité globale tutoie les deux millions de tonnes.

Le groupe, qui avant même le déclenchement du conflit prédisait une augmentation de sa facture énergétique de 900 millions de dollars au premier trimestre 2022 versus la même période de l'an dernier, a pris une décision radicale. « La production européenne d'ammoniac et d'urée de Yara devrait être opéré à environ 45 % de ses capacités d'ici la fin de la semaine » a t-il fait savoir dans un communiqué sans préciser de date pour un éventuel retour à la normale.

Les fabricants d'engrais, dont le gaz constitue la principale matière première, sont loin d'être les seules victimes collatérales de la guerre en Ukraine. En visite près du Havre vendredi dernier, Bruno Le Maire s'inquiétait par exemple à haute voix des « conséquences pour les sucreries », autres grosses consommatrices de gaz : une molécule indispensable au séchage de la betterave avant sa transformation en sucre.

L'industrie du verre percutée de plein fouet

A quelques kilomètres de l'agglomération havraise, la flambée des cours donne aussi des sueurs froides aux entreprises de la vallée de la Bresle (Seine-Maritime et Somme) : le premier pôle mondial du flaconnage de luxe avec 70 % de la production planétaire. Bien qu'ils se soient tous engagés à électrifier leurs fours de fusion à moyen terme (entre 2024 et 2030), les grands verriers de ce que l'on appelle la "glass Valley" restent archi-dépendants du gaz avec les conséquences que l'on imagine.

Ainsi, la verrerie Pochet du Courval a eu beau sécuriser 90% du coût de son approvisionnement pour 2022, elle s'attend à un rebond de sa facture de « plusieurs millions d'euros » pour les seuls 10% non couverts. Compenser sera compliqué, nous explique Benoît Marszalek, son directeur des opérations. Ici, impossible de mettre à l'arrêt les trois fours, ne serait-ce que quelques heures. « Pendant le confinement, notre usine a été arrêtée mais les fours ont continué à fonctionner 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour éviter que le verre ne se fige ce qui engendrerait des pertes colossales ».

Dans ces conditions, les marges de manœuvres sont étroites. L'entreprise ne peut guère compter que sur le déploiement de nouveaux outils à base d'IA pour affiner le pilotage énergétique de ses installations. Un domaine dans lequel elle accélère à la faveur de la crise.  « Dans notre plan de décarbonation, nous l'avions envisagé en 2024 ou 2025 mais à l'époque le coût de l'énergie avait un impact dix fois moindre. Le projet est revenu sur le haut de la pile », précise notre interlocuteur.

Pour maintenir ses marges et ne pas hypothéquer ses investissements futurs, la verrerie espère un geste du gouvernement dans le cadre du « plan de résilience ». De l'autre main, elle négocie avec ses clients parfumeurs que la bonne tenue de la demande post Covid en Asie et aux Etats-Unis devrait pousser à se montrer compréhensifs.

Négocier des prix à la hausse, c'est également l'exercice auquel est contraint de se livrer Laurent Moos, PDG de Flacopharm et autre adhérent du cluster de la Glass Valley. Fabricant d'échantillons et de flacons cylindriques en verre, lui s'apprête à présenter à ses clients des factures rehaussées de 8 % après une première augmentation de 3% en décembre.

Il assure n'avoir pas d'autre choix. « Mon fournisseur de tubes de verre (l'allemand Schott ndlr) est venu la semaine dernière m'annoncer une hausse de 20% sans me donner de visibilité sur une autre augmentation », explique t-il. Quant aux acheteurs qui refuseraient de se plier à cette augmentation, ils devront patienter. « Je ne couperai pas les ponts mais ils ne seront plus prioritaires dans ma production », prévient Laurent Moos. Un avertissement sans frais.

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Commentaires 2
à écrit le 16/03/2022 à 15:23
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Gazo-intensives ? De la novalangue, quand on ne sait pas s'exprimer dans un français correct, voilà à quoi on aboutit ... "Ce que l'on conçoit bien s’énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément"

à écrit le 15/03/2022 à 15:15
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Bah pas grave pendant qu'ils vont remplacer les salariés français par des ukrainiens à 150 balles par mois ils vont subventionner leurs actionnaires milliardaires par centaine de milliards et les laisser faire, façon de faire qui comme nous le consta...

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