Air Caraïbes Atlantique et French Bee, les deux compagnies long-courriers du groupe Dubreuil, vont à leur tour mettre leur activité sous cloche, le temps de passer la crise du coronavirus. Après le dernier vol retour prévu ce samedi 28 mars, les 14 gros-porteurs des deux compagnies seront donc cloués au sol. Pour une période de deux mois prédisent Jean-Paul Dubreuil, président du groupe éponyme et Marc Rochet, vice-président du conseil d'administration d'Air Caraïbes et président de French Bee, dans un entretien accordé à La Tribune.
"Nous abordons la crise en pleine forme"
Une période redoutable, au cours de laquelle l'absence totale de recette se combinera à un maintien d'une partie des coûts fixes, et redoutée par la majorité des compagnies aériennes qui, privées des recettes des réservations pour la saison été, n'ont pas pu reconstruire leur trésorie après la saison hiver. Selon IATA, l'association internationale du transport aérien, un grand nombre de compagnies aériennes n'ont que deux mois de trésorerie devant elles. Selon Jean-Paul Dubreuil et Marc Rochet, Air Caraïbes et French Bee n'en font pas partie et ont les reins suffisamment solides pour traverser cette période.
"Nous abordons la crise en pleine forme, explique Jean-Paul Dubreuil. Nous avons réalisé en 2019 un chiffre d'affaires d'environ 700 millions d'euros et une marge opérationnelle de 5%, malgré la hausse de la facture carburant et du dollar. Et les résultats des deux premiers mois de 2020 ont été meilleurs que prévu".
Les caisses sont pleines également.
"Même s'il n'en pas besoin, le groupe Dubreuil a levé 100 millions d'euros pour avoir de l'eau sous la quille. Notre pôle aérien dispose d'une trésorerie de 250 millions d'euros dans laquelle nous ne comptons pas puiser pendant cette période, car les dépenses vont être à peu près compensées par le résultat enregistré du 1er janvier au 15 mars 2020", précise-t-il.
D'un montant non communiqué, les résultats du début de l'année vont couvrir, selon le président du groupe, "un volume de dépenses net relativement limité", en raison de la part réduite des coûts fixes dans la structure de coûts des deux compagnies aériennes, qui a fait la part belle à la sous-traitance. La prise en charge par l'Etat du chômage partiel et le report des cotisations sociales contribuent par ailleurs à alléger considérablement les charges du groupe. Enfin, des discussions sont en bonne voie avec les sociétés de leasing pour "différer les loyers des appareils en location (60% de la flotte).
"Ce n'est pas la fin du monde"
Pas de panique donc au sein du groupe Dubreuil pour qui cette crise "n'est pas la fin du monde". Le versement de la participation des salariés est maintenu et les quatre livraisons d'A350 prévues d'ici à fin 2021 ne sont pas remises en cause, même si Jean-Paul Dubreuil s'attend à ce qu'elles soient reportées en raison des difficultés de production d'Airbus.
Résultat, le groupe Dubreuil prévoit d'aborder la reprise avec des comptes à l'équilibre et une trésorerie identique à celle d'aujourd'hui. Et se projette déjà dans cette phase, sans demander d'aides d'Etat.
"Nous n'allons pas nous lamenter. L'Etat a fait son devoir sur la partie charges salariales. Il faut que les entreprises prennent la main et ne se laissent pas aller à la sinistrose. On ne veut pas attendre la manne étatique du sauveur", fait valoir Jean-Paul Dubreuil.
"Une crise se traduit par un rebond, et nous voulons être prêts pour cette phase. Nous allons travailler sur la reconquête de nos marchés à l'orée de l'été ", ajoute-t-il.
Reprise des opérations prévue début juin
Les différents plans de marche sont déjà arrêtés. Le groupe table sur la fin de la crise sanitaire fin mai et "travaille sur des scénarios de redémarrage des opérations à partir de début juin", précise Marc Rochet.
Le redémarrage ne sera pas uniforme sur tout le réseau du groupe. Le calendrier de reprise des vols dépendra du profil de clientèle des routes. Les liaisons vers Fort-de-France, Pointe-à-Pitre, Cayenne, la Réunion, le coeur du réseau d'Air Caraïbes devraient être les premières à reprendre, dès juin. Celles vers l'Amérique du Nord de French Bee, San Francisco et New York (dont l'ouverture n'est pas pour l'heure remise en cause même si, en cas de maintien du projet, elle n'aura pas lieu le 10 juin comme prévu), au courant de l'été. Enfin, les destinations touristiques comme Cuba ou la République dominicaine portées par les tour-opérateurs devraient, selon Marc Rochet "redémarrer plus tard", en raison des grandes difficultés rencontrées par les voyagistes. Quant à Papeete, c'est la grande incertitude. "Nous ne savons pas encore où la placer dans ce dispositif. C'est une route complexe qui a été la plus durement touchée", admet Marc Rochet.
Les autres scenarios élaborés ne remettent pas en cause ce schéma mais prennent en compte un décalage du redémarrage de deux à trois semaines. D'ici à la fin de l'année, Jean-Paul Dubreuil espère avoir remis en service la totalité de sa flotte de gros-porteurs. Bénéficiaire chaque année, le groupe compte le rester en 2020 malgré la crise. Jean-Paul Dubreuil table en effet sur un résultat "un peu positif" cette année.
"Aider Air France n'est pas très logique sur le plan concurrentiel"
Enfin, interrogés sur les aides que prévoient l'Etat à Air France-KLM (dont il est actionnaire à 14,3%), Jean-Paul Dubreuil et Marc Rochet n'ont pas fait dans la langue de bois sur un tel projet.
"Ce n'est pas très logique sur le plan concurrentiel. Pourquoi une compagnie plutôt qu'une autre bénéficierait de la manne de l'Etat qui leur permet d'avoir une position beaucoup plus laxiste que la nôtre car elle entretient l'idée que l'Etat viendra toujours à son secours ? Nous sommes assez déçus de tout cela", déclare Jean-Paul Dubreuil.
Pour Marc Rochet, "il n'y a pas de raison fondamentale" (au-delà de ce qui est fait pendant la crise comme l'aide sur les charges sociales...), à des aides d'Etat. "Il n'est pas question non plus que ces aides d'Etat servent à prolonger des compagnies qui n'étaient pas suffisamment performantes. Le gouvernement vient de nationaliser Alitalia. Est-ce une bonne décision? Je ne pense pas".
Pour rappel, IATA a appelé les Etats à soutenir leurs compagnies aériennes. En France, Corsair a demandé des aides d'Etat pour toutes les compagnies aériennes.
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