Ni oui, ni non : la vente des six avions de transport tactique A400M aux Émirats Arabes Unis (EAU) est toujours en stand-by dans l'attente de la décision de Berlin de permettre l'exportation de cet appareil vers un pays du Moyen Orient en guerre au Yémen. Berlin s'est en revanche expressément opposée à la vente d'avions de combat Typhoon (BAE Systems, Airbus et Leonardo) à l'Arabie Saoudite. Mais c'est aussi une vieille tactique de l'administration allemande que de laisser traîner longuement certains dossiers pour ne pas avoir à répondre officiellement. Mais cela laisse encore un espoir à Airbus. Au sein du constructeur européen, on ne désespère pas d'ailleurs de convaincre la coalition au pouvoir en Allemagne (SPD, Verts, FPD) de lui accorder un feu vert pour une vente aux EAU. Compte tenu de l'évolution positive du conflit yéménite, le constructeur se dit « optimiste quant à l'obtention d'une autorisation pour l'exportation de l'A400M vers les EAU ».
Toutefois, la position de l'Allemagne dans les programmes de défense européens inquiète fortement Airbus créé il y a 25 ans pour justement porter ces programmes en coopération. D'autant que Berlin prépare pour l'automne une nouvelle loi sur le contrôle du commerce des armes que la coalition souhaite transposer au niveau européen. Ce qui donne des sueurs froides aux industriels européens et surtout à de nombreux états, dont la France. Il n'est guère étonnant que les incertitudes et la position de l'Allemagne sur cette question « demeurent préoccupantes », selon Airbus. « Nous devons vivre avec le fait que le gouvernement allemand, après une discussion intense, a accepté de ne pas soutenir les exportations d'Eurofighter vers l'Arabie saoudite », a d'ailleurs précisé Airbus.
« Nous espérons que les discussions au sein du gouvernement et de ses alliés se poursuivront alors que la situation au Yémen s'améliore et que l'Arabie saoudite a contribué à cette amélioration », a souligné Airbus.
L'A400M, un programme en mode survie
Depuis le début du programme, l'A400M, qui a généré provisions sur provisions, a pourri la vie à Airbus et à ses présidents. Et ce n'est pas terminé. Car faute d'export, le programme pourrait rapidement s'arrêter. En interne, Airbus commence d'ailleurs très sérieusement à l'évoquer. Ce qui est à la fois légitime et logique compte tenu des commandes qui restent à livrer. Ainsi, sur 178 commandes engrangées par Airbus depuis le début du programme (dont 53 pour l'Allemagne et 40 livrés), 118 A440M avaient été déjà livrés à fin mai. De son côté, la France, dont l'armée de l'air a reçu le premier exemplaire en 2013, envisage de réduire sa commande. La future loi de programmation militaire évoque un passage de 50 appareils à au moins 35 avions de transport (21 appareils déjà livrés).
Ce programme fait travailler plus de 10.000 personnes en Europe, dont 2.400 en France, et plus de 80 entreprises françaises, dont des PME. D'où l'importance de l'export à l'image de celles récentes en Indonésie (deux appareils) et au Kazakhstan (2) pour cet appareil aujourd'hui en mode survie. Des commandes à l'export pourraient pérenniser à court terme, voire à moyen terme, la production de l'A400M, Airbus ayant été contraint dès 2018 de réduire considérablement les cadences de livraisons de cet appareil (10 appareils livrés en 2022, 8 en 2021, 9 en 2020, 14 en 2019, 17 en 2018, 19 en 2017). Ce qui laisse à Airbus et aux pays partenaires six années de production environ (10 appareils par an) pour trouver une solution pour cet avion de transport militaire, qui est pourtant l'un des rares programmes de ce type à exister au niveau mondial. Tout à l'honneur de l'Europe à condition de le relancer sinon les armées européennes seront à nouveau dépendantes des Etats-Unis...
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