
Pas de bonus écologique, pas d'usine en France. C'est la menace qu'a évoqué le constructeur chinois BYD ou « Build your dreams » après les annonces gouvernementales de flécher le bonus électrique à destination des voitures produites en Europe. Le géant Chinois, deuxième producteur mondial de voitures électriques derrière Tesla, ne compte pas se laisser faire. Pour asseoir sa dominance sur le Vieux Continent, BYD prévoyait d'ouvrir une usine en Europe avec une annonce à la fin de l'année, selon nos informations.
Et la France est dans la liste du constructeur chinois comme l'avait évoqué en mai dernier la presse anglaise, aux côtés de l'Espagne, l'Allemagne, la Hongrie ou encore la Pologne. D'après Les Échos, le gouvernement français par la voix de Bruno Le Maire, avait entamé d'importantes discussions avec le groupe afin de faire venir BYD dans sa « Vallée de la batterie » dans les Hauts-de-France. Or, un tel projet est menacé par les modalités du bonus écologique prévu l'an prochain, dont ne profiteront pas les constructeurs chinois. Une distorsion de concurrence pour les acteurs chinois, par ailleurs agacés par les projets de Bruxelles d'augmenter les taxes à l'importation.
Plusieurs menaces se profilent
Alors que les « bannis » du bonus sont réunis ce vendredi par le gouvernement, BYD hausse le ton. « Plus le gouvernement nous menace, moins nous aurons envie d'implanter notre usine en France », confie une source interne. Un chantage pour faire pression sur le gouvernement, qui par la voix de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, avait clairement ciblé les constructeurs chinois : « Une voiture qui est fabriquée en Chine avec de l'électricité à partir du charbon ne pourra pas bénéficier du bonus écologique », avait-elle déclaré au début du mois sur TF1. La liste précise des modèles exclus devrait être connue le 15 décembre.
À ce « chantage à l'usine » s'ajoute une autre composante : les batteries fabriquées par BYD équipent plusieurs constructeurs comme Toyota ou Ford mais, plus récemment, certaines Peugeot comme la future 3008 produite à Sochaux, avant que ces dernières ne soient équipées des batteries de sa gigafactory de Douvrin. Or, selon certains observateurs, le groupe chinois pourrait également décider d'augmenter le prix de ses batteries afin de pénaliser ses concurrents. « Je ne vois pas pourquoi certains constructeurs européens équipés de batteries BYD auraient le droit au bonus, et pas nous ! », fait-on en effet valoir chez BYD.
Le match France-Espagne
La menace est d'autant plus forte que la France n'est pas seule sur les rangs. Et parmi les autres pays figurant dans la liste de BYD, l'Espagne présente de sérieux atouts. Et pour cause : le pays est devenu le nouvel eldorado de l'électrique en Europe, avec notamment la production de la Peugeot 208 électrique à Saragosse qu'aimerait d'ailleurs rapatrier en France Bruno Le Maire. Selon le cabinet Inovev, l'Espagne va devenir le plus gros producteur européen de voitures électriques en 2030, devant l'Allemagne et la France. Le pays a déjà remporté la production de nombreux best-sellers comme l'Opel e-Corsa, la Mercedes e-Vito et les futures Volkswagen ID.1 et ID.2.
« Au total, l'Espagne pourrait produire 1,5 million de véhicules électriques en 2030, soit la moitié de sa production automobile, contre 1,3 million pour l'Allemagne et 800 000 pour la France à la même date » , d'après Inovev.
Des chiffres annoncés bien en dessous des prévisions du gouvernement français, qui table sur 1 million de production de véhicules pour 2027. Tesla, qui cherche à construire une nouvelle usine après celle de Berlin, est également très convoité par la France et l'Espagne. Si Bruno Le Maire a déclaré avoir « bon espoir » pour qu'Elon Musk choisisse la France, les médias espagnols ont quant à eux annoncé des discussions dans la région de Valence.
BYD, le tout-puissant
En outre, le constructeur BYD n'est pas n'importe quel acteur sur le marché de l'automobile. Peu connu dans notre pays, le constructeur chinois envisage de produire trois millions de voitures en 2023, contre 1,86 million de voitures en 2022. L'atout principal du groupe : fabriquer la quasi-totalité de la voiture, de la batterie aux composants en passant par le moteur. Si BYD a fait une entrée timide en France, avec seulement 5 points de vente à son actif, le constructeur compte bien monter en puissance dans le pays, comme dans les 14 autres où il est présent en Europe.
Pour l'heure, cinq modèles sont vendus en Europe : Atto 3, Han, Tang, Dolphin et Seal. Essentiellement des routières compactes et des SUV compacts sur le segment C, le plus prisé du marché européen. Sauf qu'ici, le prix des voitures commence à 28.000 euros, soit 10.000 euros en dessous de ses concurrentes.
Enfin, BYD a également l'avantage d'être un groupe privé, qui, de fait, ne bénéficie pas de subventions de l'Etat chinois et ne serait donc pas visé par l'enquête de l'Union européennes lancée la semaine dernière. Néanmoins, il pourrait quant même subir les conséquences de cette enquête, notamment une hausse des droits de douane, au même titre que les autres constructeurs chinois. « Une autre injustice », selon BYD.
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