« Le logement est en train de devenir un frein majeur à la croissance » (Robin Rivaton, Stonal)

ENTRETIEN. Robin Rivaton, directeur général de Stonal, une plateforme d'intelligence artificielle pour les propriétaires et gestionnaires d'actifs immobiliers, avait publié en 2022 une note intitulée « Le logement, bombe sociale à venir ». Pour La Tribune, il analyse la crise actuelle que connaît le logement.
Philippe Mabille
Robin Rivaton, directeur général de Stonal.
Robin Rivaton, directeur général de Stonal. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Depuis deux ans, vous parlez de « bombe sociale » à venir concernant le logement. Pensez-vous que cette bombe a explosé ?

ROBIN RIVATON - Oui, la crise est bien là, mais il est difficile de dire si la bombe a explosé, car nous ne sommes pas tous égaux face au logement. Les propriétaires occupants qui ont déjà remboursé leur emprunt ne sont pas dans la même situation que les locataires du parc privé. En France, l'écart entre la part des revenus consacrée au logement par les propriétaires et celle consacrée par les locataires est le plus élevé de l'OCDE.

Qui sont les plus touchées par cette crise ?

Les primo-accédants qui souhaitent devenir propriétaires pour la première fois ou les nouveaux locataires, les étudiants quittant le domicile familial, les couples divorcés, les personnes devant déménager ou changer de région. Pour toutes ces personnes, le marché se bloque et la mobilité résidentielle diminue fortement.

Au cours des vingt dernières années, la France a construit de nombreux logements de bonne qualité. Cependant, cette augmentation du parc immobilier a masqué les problèmes sous-jacents. Le taux de propriétaires n'a pas évolué depuis 17 ans, malgré des taux d'intérêt historiquement bas. Aujourd'hui, nous sommes passés de 400.000 logements supplémentaires par an à 250.000, ce qui entraînera un déficit d'un million de logements d'ici la fin de la décennie. Au passage, cela met le secteur du BTP, dont la bonne santé a participé à la décrue du chômage, en grande difficulté.

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Pourquoi les pouvoirs publics ne prennent-ils pas de mesures à la hauteur des enjeux, alors que les alertes sont là ?

Le problème est que Bercy est convaincu depuis près de 15 ans que les prix de l'immobilier sont trop élevés, et que la solution pour les faire baisser est de réduire la demande. Cependant, cette approche n'a pas fonctionné et les prix du résidentiel ont augmenté dans tous les pays développés. De plus, une partie de l'administration estime que le logement n'a pas suffisamment contribué à la transition environnementale et a mis en place des règles de rattrapage strictes, telles que la ZAN et la réglementation sur la DPE. Ces deux approches ont contribué à la crise actuelle.

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N'y a-t-il pas une contradiction entre la volonté de réindustrialiser les territoires et l'absence de politique cohérente en matière de logement ?

Le logement est en train de devenir un frein majeur à la croissance économique du pays. Dans les années 2000, la dynamique des prix a entraîné une hausse des salaires qui a pesé sur la compétitivité. Aujourd'hui, le problème est encore plus grave : il n'y a pas assez de logements pour permettre aux gens de déménager lorsqu'ils trouvent un emploi dans une autre région, ce qui contribue au chômage structurel de 7 %. Pour attirer les gens, il faut les loger.

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Le choc d'offre annoncé par le gouvernement n'est pour l'instant que des mots. Quelles mesures concrètes devraient être prises pour débloquer la situation ?

Il est nécessaire de revenir en arrière sur certaines réglementations environnementales, telles que le ZAN et le DPE, qui vont peser sur le stock de logements. Il faut également inciter les communes à trouver un intérêt financier à la construction de nouveaux logements ou à l'accueil de nouvelles populations sur leur territoire. Aujourd'hui, les collectivités territoriales n'ont pas le droit de prendre une participation au capital des sociétés civiles de construction-vente, sauf pour les structures à durée déterminée. Il est nécessaire de modifier la loi pour permettre aux communes d'entrer au capital des SCI de construction-vente pour une durée indéterminée, afin qu'elles puissent acheter un terrain, le développer et le vendre. Cela leur permettrait de gagner de l'argent et d'aider à faire avancer des projets.

Le nouveau ministre, Guillaume Kasbarian, connaît bien le sujet. Avez-vous de l'espoir en lui ?

Oui, j'ai beaucoup d'espoir en lui. Il semble avoir compris que l'immobilisation du marché est le principal risque. Si le marché s'immobilise, c'est la catastrophe, en particulier en ce qui concerne l'accès à l'emploi et la mobilité éducative. Si les gens commencent à renoncer aux études parce qu'ils ne peuvent plus se loger, cela signifie renoncer à leur potentiel de talents.

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N'est-il pas temps de prendre des mesures plus radicales pour débloquer le marché ? Faut-il être plus libéral en matière de logement ?

Ce n'est pas la priorité. Bien que le rapport entre propriétaires et locataires ne soit pas parfaitement équilibré, il n'est pas non plus à des niveaux insupportables. En revanche, nous avons un problème avec la réglementation environnementale. Au nom d'un prétendu universalisme, nous nous sommes fixé des objectifs que nous ne pouvons pas nous permettre. Il est nécessaire de revenir en arrière, d'exonérer les petites surfaces du DPE et de décréter un moratoire pour le ZAN. Il faut également arrêter l'hémorragie dans la construction de logements neufs. Nous avons besoin de 400.000 nouveaux logements par an, qu'ils soient de la construction, de la rénovation, de la transformation de bureaux, et tout le monde s'accorde sur ce chiffre.

La baisse des taux aura-t-elle un impact ?

Cela stimulera la demande. Cependant, sans offre, cela fera augmenter les prix dès que les gens redeviendront solvables. Les personnes qui sont dans des logements à un prix décent n'en sortent plus, ce qui crée un cercle vicieux : offre faible, demande forte, prix bloqués et rareté des biens disponibles. Pour en sortir, il est nécessaire de faire bouger plusieurs leviers en même temps pour aligner les intérêts de toutes les parties prenantes. C'est la complexité de la situation.

Philippe Mabille

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Commentaires 15
à écrit le 16/03/2024 à 7:27
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Bonjour ce n'est pas le logement qui pose probleme on sais les faire et on a un parc existant . la vraie question c'est pourquoi on a des mediocres qui recitent un dogme aux manettes? toutes les contraintes empilées par ces gens là ont ...

à écrit le 15/03/2024 à 16:46
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Ce que Space X a fait pour le vol spatial il faudrait le faire pour la rénovation des immeubles au lieu de demander plus d'argent public, plus de terrains publics, plus d'artificialisation. Il faut des gains de productivité spectaculaires dans le se...

à écrit le 15/03/2024 à 12:39
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Encore un garçon de plus qui croît aux sirènes de l'immobilier pour générer facilement de la croissance. -"Prends connaissance des travaux ou lis un peu les ouvrages de l'économiste Robert James Shiller avant de pleurnicher!" Pour ta gouverne, si l'i...

le 27/03/2024 à 17:39
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Du calme. L'octroi de crédit immobilier en France a toujours respecté des règles strictes. On est loin d'une bulle. Au contraire on est dans une situation de rareté.

à écrit le 15/03/2024 à 11:53
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les entreprises demandent toujours plus d'assistanat. alors que la France est le pays développé qui en fait le plus pour le logement. 482 000 constructions en 2022, contre 295 000 en Allemagne ou 178 000 en Angleterre (Deloitte Property Index 2023). ...

à écrit le 15/03/2024 à 11:38
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C'est étrange comme les prix très élevés de l'immobilier sont largement soutenus par la puissance publique depuis une trentaine d'années par les dispositifs défiscalisants !!!. A croire que le but premier n'est pas de loger les gens mais de fournir ...

à écrit le 15/03/2024 à 11:07
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Il faut modifier la règlementation du DPE, commencer par laisser la possibilité de louer un logemernt quelque soit la note obtenue . Il faudrait avoir des loyers indexés sur la performance énergétique . Un propriétaire d'un logement passoire ne tou...

à écrit le 15/03/2024 à 11:04
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le lobby Immobilier / BTP demande toujours plus d'assistanat. alors que la France est le pays développé qui en fait le plus pour le logement. 482 000 constructions en 2022, contre 295 000 en Allemagne ou 178 000 en Angleterre (Deloitte Property Index...

à écrit le 15/03/2024 à 10:37
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Le clientélisme pro-boomer fait monter les prix en permettant la rétention du parc et en solvabilisant artificiellement la demande (ce qui est tout de suite répercuté sur les prix, surtout à la vente), d'où une bulle énorme...

à écrit le 15/03/2024 à 9:29
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Si la France avait une autre politique de développement des territoires, on n'en serait pas à vouloir construire toujours aux mêmes endroits.

le 15/03/2024 à 10:50
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Ça supposerait de multiplier les infrastructures non-rentables qu'il faudrait lourdement subventionner...

à écrit le 15/03/2024 à 8:38
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Créer de nouveaux logements est contraire à nos objectifs environnementaux. Des économies basées sur l’immobilier sont mortifères (et l’impact sur le PIB, un indicateur comme un autre, importe peu).

à écrit le 15/03/2024 à 8:31
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En effet et quand vous entendez en ce moment le secteur chouiner sans arrêt alors que les prix ont à peine baissé ben vous comprenez tout ce qu'il porte comme inertie ne pouvant qu'impacter les productifs et l'ensemble des citoyens français. Mais bon...

à écrit le 15/03/2024 à 8:24
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En France, c'est des centaines de milliers de gens qui viennent s'installer depuis l'étranger tous les ans, tous ces gens, il faut bien les loger, donc il ne faut pas s'étonner que les prix de l'immobilier augmentent

le 15/03/2024 à 8:33
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"En France, c'est des centaines de milliers de gens qui viennent s'installer depuis l'étranger tous les ans," Tu as eu cette information où ? Sur minute ? Si ce que tu dis est vrai, mais c'est faux, ça veut donc dire qu'il y aurait beaucoup plus d'im...

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