Crise de l'immobilier : « Ma première recommandation aux investisseurs est de diversifier leurs portefeuilles » (Isabelle Scemama, Axa IM Alts)

ENTRETIEN - En amont du Marché international des professionnels de l'immobilier (Mipim) qui s'ouvre ce lundi à Cannes, la CEO d'Axa IM Alts, filiale de l'assureur Axa, numéro un européen des investissements alternatifs avec 183 milliards d'euros en 2023, livre, pour La Tribune, son analyse de la crise de l'immobilier. Isabelle Scemama recommande, notamment, aux investisseurs de diversifier leurs portefeuilles d'actifs.
Isabelle Scemama (photo) est à la tête d'Axa IM Real Assets depuis quatre ans.
Isabelle Scemama (photo) est à la tête d'Axa IM Real Assets depuis quatre ans. (Crédits : AXA IM)

LA TRIBUNE - En quoi l'année 2024 est-elle une année majeure pour l'avenir de l'industrie immobilière ?

ISABELLE SCEMAMA - On est sans doute à un point de retournement avec la baisse attendue des taux d'intérêts déjà amorcée aux États-Unis, qui est un bon signal pour le marché immobilier. Après une année 2023 où les levées de fonds et le volume de transaction ont enregistré de fortes baisses, on entre dans une période plus favorable aux actifs privés. Sur l'immobilier, c'est le moment de rechercher des points d'entrée tout en prenant garde aux facteurs de risque qui restent élevés : tensions politiques et géopolitiques, élections et déficit fiscal américains, risque de récession qui n'est complètement écarté.

Quel sera alors votre message auprès des plus grands investisseurs du monde au Marché professionnel de l'immobilier (Mipim) qui s'ouvre ce lundi à Cannes ?

C'est sans doute le moment pour considérer de rentrer dans la classe d'actifs et de profiter des ajustements de valeurs qui ont davantage été corrigés en Europe qu'aux États-Unis. Au-delà de saisir les points d'entrée, il faut se prémunir des risques de baisse. Ma première recommandation est donc de diversifier les portefeuilles. Donc pour des investisseurs dont le portefeuille est très concentré sur un pays ou une classe d'actif, c'est sans doute le bon moment pour bâtir cette diversification, en recherchant un équilibre entre les classes d'actif traditionnelles comme le bureau, le commerce, la logistique et le logement. Ainsi dans un marché chahuté, nos fonds ouverts ont enregistré en 2023 plus de souscriptions que de rachats, témoignant de la confiance des investisseurs sur les niveaux de valorisations, la qualité des actifs et la diversification du portefeuille.

Ma seconde recommandation est de chercher à protéger les revenus en sélectionnant des secteurs de croissance qui permettront de faire face à l'inflation. C'est pourquoi, nos décisions d'investissements se basent sur ce que nous appelons des « mégatendances » comme les évolutions démographiques, l'urbanisation, la digitalisation, le changement climatique...Cette approche nous pousse à transcender la vision traditionnelle par classe d'actifs. Ainsi nous avons des convictions fortes sur des secteurs comme les résidences étudiantes ou le secteur des Life Sciences, sur lequel nous avons levé 1.9 milliard d'euros dès 2021.

Quelle est votre réponse pour résorber la crise du logement ?

Avec un portefeuille d'environ 28 milliards d'euros sur le logement et 85.000 appartements gérés dans 14 pays, nous sommes un acteur majeur du logement en couvrant toute la gamme : logement social, intermédiaire, libre et étudiant. La crise du logement n'est pas seulement un problème français. La plupart des capitales font face à une crise du logement. Le logement intermédiaire est une réponse intéressante. Nous avons fait un investissement important dans le secteur, en montant un partenariat avec le groupe Action Logement portant sur 12.000 logements intermédiaires en Île-de-France. Et nous sommes fiers d'être les premiers à lancer la construction de logements intermédiaires en Australie selon le modèle semblable à ce que nous avons bâti en France.

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Quels sont les fondamentaux sur lesquels il ne faut pas dériver ?

Je n'ai pas la prétention d'avoir la solution pour résorber la crise du logement en France, mais la première des choses est de garantir aux investisseurs institutionnels internationaux des environnements stables en matière fiscale et réglementaire. Par ailleurs, la densification est une vraie piste, qui a le bénéfice de limiter l'artificialisation des sols et de réduire l'étalement des infrastructures nécessaires au fonctionnement de la ville.

Comptez-vous poursuivre votre stratégie de développement après l'acquisition en novembre 2023 d'un portefeuille logistique de 190.000 m² en France ?

La logistique représente 30% de notre portefeuille Core. L'arrivée du e-commerce avait créé une demande très forte qui commence à ralentir dans les pays comme le Royaume-Uni ou la Corée où il représente 30% du total. Dans les autres pays, la demande reste en croissance et partout les logisticiens et les industriels prennent le relais, cherchant à relocaliser certains sites de production et garantir la chaîne d'approvisionnement. Ainsi, nos investissements en Allemagne bénéficient par exemple de l'implantation d'une usine qui permet à tout un écosystème de se développer. Mais la diversification des portefeuilles prend du temps. C'est pourquoi on en revient aux « megatendances », le e-commerce en étant, qui nous permettent d'identifier les secteurs qui traverseront les cycles.

En quoi repose votre stratégie sur les énergies renouvelables ?

Sur les 183 milliards d'euros d'actifs sous gestion d'AXA IM Alts en 2023, plus de 4 milliards d'euros le sont dans les infrastructures, notamment dans les énergies renouvelables ou le transport décarboné. Mais l'infrastructure n'est qu'un des axes de notre approche en matière de décarbonation. Sur l'immobilier, nous avons une stratégie de décarbonation que nous appliquons à l'ensemble de notre portefeuille, avec une trajectoire de décarbonation définie actif par actif qui optimise à la fois, l'intensité énergétique, les émissions de carbone et le retour sur investissement. Et nous nous attaquons aussi à la séquestration du carbone, avec nos 85.000 hectares de forêts et notre stratégie sur le capital naturel. Nous réduisons le carbone avec l'immobilier, remplaçons le carbone avec les renouvelables et séquestrons le carbone avec le capital naturel. C'est une approche 360 !

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Pourquoi vous êtes-vous lancés l'an dernier dans le secteur du cinéma à Bry-sur-Marne (Val-de-Marne) et au Royaume-Uni en vous offrant les studios de la BBC ?

Nous comptons poursuivre notre développement sur plusieurs secteurs comme celui des studios de cinéma, qui offre des perspectives de croissance très intéressantes, alimentées notamment par une croissance rapide de la demande en matière de contenus originaux des diffuseurs et plateformes digitales.

Concernant l'immeuble Triangle que vous supportez comme partenaire financier aux côtés du groupe Unibail-Rodamco-Westfield (URW), la livraison est-elle toujours maintenue à 2026 ?

Oui. Globalement, nous continuons de nous développer dans le bureau. Les actifs de qualité présentant d'excellentes certifications environnementales et localisés dans des centres urbains établis continuent de très bien performer en matière locative, car il y a un manque d'offre. L'immeuble Triangle, dont la livraison est prévue fin 2026, confirme cette conviction.

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Commentaires 3
à écrit le 13/03/2024 à 16:14
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Filière trop opaque et imprévisible. Même les prévisionnistes avertis ont été totalement ridiculisés.

à écrit le 11/03/2024 à 9:33
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faire de l'immobilier pas trtop rentable via portefeuille ou les frais a gogo tombnent de tous les cotes, ca laisse reveur et on sait qui gagne de l'argent, et diversifier dans la pierre en dur, faut avoir de tres tres gros moyens

à écrit le 11/03/2024 à 8:52
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"On est sans doute à un point de retournement" une "crise" immobilière au final qui n'aura qu'à peine effleuré les prix Mais qu'est-ce qu'on s'ennuie dans leur économie... .Le néolibéralisme n'est qu'un nihilisme.

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