Casino s'enfonce au premier semestre et s'inquiète quant à sa pérennité

Le distributeur français qui a creusé sa perte nette à 2,23 milliards d'euros au premier semestre 2023 a alerté sur l'incertitude concernant sa capacité à poursuivre son exploitation. Alors que la date butoir pour trouver un accord de principe avec ses principaux créanciers intervient ce jeudi, ce qui validerait alors le plan de reprise du duo formé par Daniel Kretinsky et Marc Ladreit de Lacharrière, le groupe a suspendu le cours de son action à la Bourse de paris.
Casino a creusé sa perte nette à 2,23 milliards d'euros au premier semestre 2023, du fait notamment de dépréciations.
Casino a creusé sa perte nette à 2,23 milliards d'euros au premier semestre 2023, du fait notamment de dépréciations. (Crédits : Eric Gaillard)

Les difficultés s'enchaînent pour Casino... Sans surprise. Le distributeur a creusé sa perte nette à 2,23 milliards d'euros au premier semestre 2023, contre une perte de 259 millions d'euros un an plus tôt.

6 milliards de dette nette

Dans le détail, les ventes du groupe ont baissé sur le premier semestre 2023, de 11,45 milliards d'euros en 2022 (chiffre retraité après la cession de l'enseigne brésilienne Assai) à 10,96 milliards d'euros (-4,2%), dans un contexte de forte inflation alimentaire qui gonfle les chiffres d'affaires des supermarchés. Casino met notamment cette baisse du chiffre d'affaires sur le compte de baisses de prix de l'ordre de 10% dans ses supermarchés et hypermarchés français, décidées après une année 2022 où le groupe avait gardé un positionnement de prix plus élevé que la concurrence. « Les tendances sur les supermarchés historiques continuent à s'améliorer sur le trafic clients désormais positif et sur les volumes », assure-t-il, mais l'inflexion est « sensiblement moins marquée » sur les hypermarchés. La perte nette est le fait « principalement » de « pertes opérationnelles de Casino France » d'une part et, d'autre part, des dépréciations « des impôts différés actifs en France » et du « goodwill [bonne volonté, ndlr] et des marques ». Sa dette nette à la fin du semestre s'est très légèrement creusée, annoncée à 6 milliards d'euros contre 5,97 à mi-2022, chiffre retraité suite à la déconsolidation de l'enseigne brésilienne Assai.

De quoi mettre en question la pérennité du groupe français qui compte 200.000 salariés dont un quart en France. « Compte tenu des étapes juridiques restant à franchir pour mettre en œuvre la restructuration financière, la situation présente à date une incertitude quant à la capacité du groupe à poursuivre son exploitation », a, en effet, indiqué Casino dans un communiqué ce jeudi.

Lire aussiCasino : la marche forcée de Daniel Kretinsky

Le cours de l'action suspendu

Le cours de l'action du distributeur a été suspendu à la Bourse de Paris ce même jour « à la demande de la société » et « dans l'attente de la publication d'un communiqué de presse », selon une notice d'Euronext. La suspension de cotation, qui peut durer de quelques heures à plusieurs jours, est une procédure qui peut être mise en place lorsqu'une entreprise est sur le point de communiquer une annonce importante.

D'autant que Casino s'était fixé ce jeudi 27 juillet une date butoir pour trouver un accord de principe avec ses principaux créanciers et ce, dans le cadre d'une procédure de conciliation sur sa dette ouverte fin mai et qui peut durer jusqu'à cinq mois. Un accord validerait alors le plan de reprise des milliardaires Daniel Kretinsky et Marc Ladreit de Lacharrière, adossés au fonds d'investissement britannique Attestor. L'offre, à laquelle Casino a donné son feu vert le 18 juillet dernier, prévoit notamment l'apport de 1,2 milliard d'euros d'argent frais ainsi qu'une forte restructuration de la dette - toutefois un peu moindre qu'attendu au départ. Les candidats à la reprise comptent céder les activités du groupe en Amérique latine - notamment au Brésil - pour lesquelles travaillent les trois-quarts des salariés du groupe. C'est maintenant aux créanciers du groupe de donner leur aval à la proposition. Lors d'un point presse téléphonique jeudi matin, le directeur financier de Casino, David Lubek, s'est dit « confiant » quant à la possibilité de trouver un accord d'ici à la fin de la journée. « Il y a un intérêt commun » à le faire, a-t-il estimé.

Enfin, si un accord de principe est bel et bien entériné, Casino prévoit ensuite de soumettre le plan à l'approbation de ses actionnaires actuels - dont le poids sera considérablement réduit, à commencer par l'actuel PDG Jean-Charles Naouri - « au plus tard » le 30 septembre, pour une restructuration de sa dette attendue d'ici la fin de l'année.

Retrait du trio Niel, Pigasse, Zouari

L'offre du duo d'hommes d'affaires est désormais la seule après le retrait de celle du trio formé par Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Moez-Alexandre Zouari le 16 juillet dernier. La holding par laquelle les trois hommes comptaient reprendre Casino a, en effet, estimé que le distributeur « a visiblement déjà choisi son repreneur ».  En cause, un manque allégué de coopération et de transparence sur sa situation financière, notamment sur « les besoins de liquidité » et les résultats attendus d'ici à la fin de l'année, mais aussi la trahison imputée à l'un des créanciers avec lequel le trio avait construit son tour de table. Elle accuse également le fonds d'investissement Attestor d'avoir contribué à l'offre concurrente « tout en continuant à participer » à ses propres réunions.

Le 26 juin, le groupe d'origine stéphanoise avait, en effet, assuré qu'un rapport indépendant n'anticipait « pas de problème de liquidité » d'ici la fin de l'exercice 2023, à condition que les frais financiers et échéances de dette soient gelés à l'issue de la période de conciliation. Des « prévisions dépend(ant) principalement de l'activité des enseignes dans les mois à venir », précisait le groupe, qui affirme ce jeudi que les conclusions de ce cabinet indépendant ont été confirmées le 25 juillet.

Inquiétude des syndicats

De lourdes incertitudes pèsent donc sur la situation du distributeur et sur l'avenir de ses salariés. De son côté, Daniel Kretinsky s'est engagé à « préserver le périmètre maximal possible » d'hypermarchés et supermarchés. Néanmoins, les syndicats ont fait part de leur inquiétude, à commencer par le premier syndicat du groupe, Force ouvrière, selon qui les repreneurs prévoient de « passer un grand nombre de magasins en franchise », modèle dans lequel la majorité des coûts relèvent du gérant. La situation de Casino « augure de nouvelles transformations dont les salariés pourraient être une nouvelle fois la variable d'ajustement », a aussi alerté la CFDT Services, pour qui le passage de magasins en franchise serait autant de « restructurations qui ne disent pas leur nom ». Elle espère « une réelle implication des pouvoirs publics ».

Devant l'Assemblée nationale, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire avait déclaré le 11 juillet que l'Etat serait vigilant sur « l'avenir des 50.000 salariés du groupe » en France et sur le maintien du siège historique du groupe à Saint-Etienne. Les salariés « n'ont pas à payer pour les erreurs qui ont pu être commises par la direction », avait-il dit. Les candidats à la reprise de Casino ont, en effet, indiqué vouloir maintenir le siège à Saint-Etienne et en faire « le centre d'innovation » du groupe.

(Avec AFP)

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Commentaires 5
à écrit le 27/07/2023 à 21:56
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Les magasins sont de plus mal entretenus. Je me souviens lors d'un litige dans un des magasins du Var demander à voir le chef de rayon pas de bol!! il était en réunion. Autres magasins dans le06 refus d'une responsable d'appliquer le prix affiche qui...

à écrit le 27/07/2023 à 14:07
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La prochaine étape sera le retrait de la bourse avec ou sans offre de rachat pour les petits porteurs à un prix symbolique ( du déjà vu avec Natixis ) après quoi les financiers nettoieront le bilan pour lui redonner un peu de couleur ... et faire rem...

à écrit le 27/07/2023 à 12:57
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À 2,23 milliards de pertes, ça relève du tribunal de commerce, car cela signifie que les comptes étaient faux. De même Casino n´arrive plus à payer ses dettes financières, mais certains magasins (ex. : Hyper) doivent même creuser chaque jour le trou ...

à écrit le 27/07/2023 à 11:45
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peut être que les 3F ont bien fait de se retirer sans avoir toutes les données financières en cour .on va voir rapidement ou le soi disant sauveur va pousser ses pions en sachant que c est un panier de crabes .

à écrit le 27/07/2023 à 11:41
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Bein oui les enfants, lorsqu'on en devient à avoir les yeux plus gros que le ventre (dans une période où le coût du crédit a été dérisoire) et qu'on recherche à tous prix les outils de la financiarisation pour obtenir des profits faciles (tout en spé...

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