Restructuration d'Air France, compétitivité des aéroports, consolidation : le cocktail explosif qui menace la connectivité aérienne des régions

Avec la réduction de voilure de 40% d'Air France sur le réseau intérieur qui se profile d'ici à fin 2021, l'absence de mesures d'amélioration de la compétitivité des aéroports qui risquent de faire passer ces derniers derrière leurs voisins italiens ou espagnols dans le choix de réouverture de lignes, mais aussi le mouvement de consolidation attendu dans le transport aérien, la connectivité aérienne des aéroports français est fortement menacée. A Bordeaux et à Pau, des élus commencent à tirer la sonnette d'alarme. Et ce n'est qu'un début. Analyse.
Fabrice Gliszczynski
(Crédits : Philippe Garcia Aéroport Toulouse-Blagnac)

Article mis à jour à 16h15

Danger pour les régions françaises. Tous les ingrédients d'un cocktail explosif sont réunis pour réduire en poussière l'un des éléments déterminants de la structuration des territoires de l'Hexagone depuis des années, à savoir : l'accessibilité aérienne. Avec la baisse de voilure drastique que prépare Air France sur le réseau intérieur, le décalage croissant de compétitivité des aéroports français par rapport à leurs voisins italiens ou espagnols et la consolidation attendue du transport aérien européen au cours des prochains mois, la connectivité aérienne des aéroports régionaux est en effet menacée.

Dit autrement, les mutations structurelles de l'offre aérienne qui se dessine avec la crise économique post-Covid vont réduire drastiquement le nombre de liaisons aériennes au départ des aéroports régionaux. Avec, en toile de fond, des conséquences terribles sur l'attractivité économique des territoires qui en dépendent. L'enjeu n'est pas de savoir s'il sera toujours possible d'aller passer un week-end à Venise, mais de savoir si le lien avec la capitale, les autres régions françaises et les villes européennes sera maintenu pour les entreprises locales et les hommes politiques.

A Bordeaux et à Pau, les élus montent au créneau

Quelques élus locaux ont commencé à tirer la sonnette d'alarme. A Bordeaux, ils sont ainsi nombreux à s'inquiéter de l'arrêt annoncé de la Navette d'Air France, un service de vols quotidiens cadencés vers Paris-Orly, lequel, malgré la concurrence du TGV en 2 heures de trajet, résiste. L'an dernier, plus de 500.000 passagers par an avaient emprunté les 10 vols quotidiens de La Navette sur cette ligne. Essentiellement des voyageurs d'affaires travaillant notamment dans la filière aéronautique-défense-spatial, fortement implantée près de l'aéroport de Bordeaux.

Lire aussi : Bordeaux défend sa navette aérienne vers Orly

A Pau, François Bayrou est lui aussi monté au créneau en dénonçant le programme de reprise d'Air France entre Paris et Pau. Avec deux vols par semaine vers l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, il estime que cette offre raye Pau de la carte de France. S'il fait montre d'empressement à l'égard d'un programme qui ne fait que traduire la faiblesse de la demande après trois mois d'immobilisation forcée, François Bayrou a mis le doigt sur l'impact négatif pour les régions d'une perte de connectivité. Une brèche dans laquelle s'est engouffrée la compagnie ASL Airlines (ex Europe Airpost) qui va ouvrir à partir du 10 juin un vol quotidien aller-retour entre Pau et Roissy (sauf le week-end).

Contraintes environnementales

Ces protestations d'élus régionaux ne font que commencer. La perte de connectivité sera le lot d'un grand nombre de villes régionales françaises qui vont faire les frais de la restructuration du réseau du groupe Air France sur le réseau intérieur. Ce dernier prévoit de diminuer ses capacités de 40% d'ici à fin 2021 sur le réseau intérieur. De quoi contribuer à réduire ses émissions de CO2 d'ici à fin 2024 comme l'exige l'État, en contrepartie de son aide de 7 milliards d'euros.

Lire aussi : La France soutient Air France à hauteur de 7 milliards d'euros : "ce n'est pas un chèque en blanc", dit Le Maire

Comme Bordeaux ou Pau, un certain nombre de villes qui étaient reliées à la fois aux aéroports parisiens d'Orly et de Roissy-Charles de Gaulle ne le seront plus que vers ce dernier. La faute en partie aux exigences de l'Etat. Air France est en effet priée d'arrêter toutes les routes sur lesquelles il existe une alternative ferroviaire en moins de 2h30, à l'exception des vols vers les hubs pour prendre une correspondance. Les lignes entre Orly et Lyon, Bordeaux, et Nantes (qui étaient déjà condamnées avant la crise) sont concernées. Seuls les vols vers Roissy seront maintenus.

Réorganisation de HOP

La faute aussi à l'arrêt de l'activité de la filiale HOP à Orly qui condamne plusieurs lignes sur lesquelles il n'y a pourtant pas d'alternative ferroviaire en moins de 2h30 comme Clermont-Ferrand, Toulon, Brest, ou Pau.... qui resteront néanmoins connectées à Paris-CDG. Certaines villes pourraient toutefois rester reliées à Orly, mais sous la marque Transavia, la low-cost d'Air France.

Outre la desserte entre les régions et Paris, la desserte intra-régionale va aussi en prendre un coup. HOP va également arrêter toutes ses lignes transversales (région-région), sauf celles vers Lyon. A l'exception des vols Air France opérés en A319 sur quelques lignes comme Toulouse-Nice, Nice-Bordeaux, Marseille-Bordeaux, Nice-Lille, des villes régionales seront connectées entre elles par des vols HOP via Lyon.

Lire aussi : HOP: le PDG prépare les esprits à des choix douloureux et annonce des plans de départs

L'offre des low-cost n'apporte pas la même qualité de programme

Là aussi, Transavia est appelée à effectuer des vols sans escale sur des routes assurées jusque-là par HOP. Mais comme à Orly, toutes les lignes que "reprendra" Transavia ne remplaceront pas HOP. L'offre pour les passagers est complètement différente. Les deux modèles sont en effet à l'opposé. Celui de HOP prône un programme de qualité en termes d'horaires et de fréquences avec, chaque jour, au moins un vol le matin et un vol retour (si possible dans les deux sens) et un vol en milieu de journée. Ce genre d'offre est très apprécié des voyageurs professionnels mais aussi des hommes politiques. Mais il est coûteux. Il l'est d'autant plus qu'il nécessite des avions de faible capacité (70-100 sièges), dont les coûts au siège sont intrinsèquement plus élevés que ceux des avions de capacité plus élevée comme l'A319, l'A320 ou le B737. Les B737-800 de 189 sièges de Transavia ne permettront donc pas d'avoir le même programme qualitatif que HOP en termes d'horaires et de fréquences. La problématique est la même pour les autres compagnies à bas coûts, comme Volotea ou Easyjet, même si sur certaines grosses lignes au départ de leurs bases d'exploitation, ces compagnies ont réussi à monter en puissance.

La clientèle professionnelle souhaitant conserver ce confort devra donc passer par Lyon.

"Les gens veulent de la qualité mais ne veulent pas la payer", explique un observateur du transport régional français.

Décalage de compétitivité des aéroports

Au-delà de la restructuration d'Air France, une autre menace plane sur les aéroports régionaux : celle de ne pas retrouver le réseau de vols qu'ils avaient avant la crise. Ceci en raison du manque de compétitivité du transport aérien français. En effet, pour essayer de se refaire le plus rapidement possible, les compagnies aériennes vont se positionner sur les lignes sur lesquelles elles dégageront le plus de bénéfices. Ce faisant, elles choisiront les aéroports qui proposent les plus faibles coûts de touchée (qui incluent les taxes et les redevances aéroportuaires ndlr). Problème, le niveau de taxation qui pèse sur le transport aérien français constitue un sérieux handicap pour les aéroports tricolores. Le gouvernement a jusqu'ici refusé de supprimer certaines taxes ou de prendre à sa charge le financement de la sûreté, d'un montant d'un milliard d'euros en France. Pis, le modèle économique de ces charges régaliennes pourrait même conduire... à une augmentation des taxes.

Moins de compagnies, moins de concurrence, moins d'offre

La consolidation du transport aérien constitue une autre menace pour la connectivité aérienne des régions. Si une guerre tarifaire est attendue au moment de la reprise d'activité, probablement à partir de septembre, celle-ci fera des morts et débouchera sur une concentration du secteur, et donc moins de concurrence.

Or, prévient Thomas Juin, le président de l'UAF, la concurrence est cruciale pour la connectivité aérienne des aéroports.

"Une consolidation accélérée entraîne une baisse de l'offre et une augmentation du prix des billets d'avion qui contribueront à réduire la connectivité des aéroports", explique-t-il.

Les aéroports ont intérêt à ce qu'il y ait une grande concurrence entre les compagnies aériennes. C'est le développement des compagnies à bas coûts qui a entraîné le développement de la connectivité et du trafic. En France, en effet, 86% de la croissance du trafic aérien régional entre 2009 et  2019 a été tiré par les low-cost.

Lire aussi : Transport aérien : une sanglante guerre des prix se profile avant une consolidation du marché

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 34
à écrit le 07/06/2020 à 8:23
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Le dirigisme que veulent imposer nos écolo-idéologues remémore les pires moments de l'histoire soviétique. Ou est-allemande, puisque la RDA avait interdit les vols domestiques. Et si on laissait faire le marché? Après avoir toutefois remis les pend...

à écrit le 06/06/2020 à 11:13
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Il serait interessant de connaitre la rentabilité de la ligne Bordeaux/Paris, sachant qu un grand nombre de salariés d'AF habitent justement la region de Bordeaux et utlisent cette ligne comme si un parisien prenait le metro pour aller travailler . ...

le 08/06/2020 à 10:57
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Pris en charge par AF ? D’où tenez vous ce genre d’inepties ? Un aller retour vers la corse aussi cher qu’un aller retour vers New York ? Chacun est libre de vérifier facilement qu’évidemment ce n’est pas les cas...

à écrit le 05/06/2020 à 6:36
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Il était temps d’en finir avec les petit aéroport qui coutent une fortune aux contribuables. Il n’y a plus d’argent publique donc arrêtons les gaspillages! Nous avons des lignes en doublons (avion+train), pouvons nous encore nous payer ce luxe dans...

le 05/06/2020 à 17:27
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Bonjour, Tout est dit, enfin quelqu'un qui parle juste !

à écrit le 04/06/2020 à 22:32
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En France, on aime faire du vent, on aime hurler de douleur avant d'avoir reçu un coup. Dans le cas précis de cet article, notre exécutif doit être pragmatique. Confier cette étude de logistique a un organisme privé ( pour ne pas être pollué par l...

à écrit le 04/06/2020 à 21:57
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Tant que nos dirigeants politiques seront des fonctionnaires l’économie souffrira

le 08/06/2020 à 12:56
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Vous avez raison, seuls les hommes ( ou femmes ) ayant fait leurs preuves dans le privé devraient pouvoir nous diriger. Alors, vous préférez qui, Trump ou Berlusconi?

à écrit le 04/06/2020 à 20:20
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la plupart des aéroports de province étaient déjà en peine d'atteindre un équilibre financier avant les crises. Les modèles basés sur un développement exponentiel du trafic se sont révélés inexacts et avec la crise écologique, totalement dépassés. ...

le 04/06/2020 à 22:58
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Crise écologique ? Surtout crise de la bêtise...la vapeur d eau est bien plus un gaz a effet de Serre que le CO2... Mais on ne arrête pas de respirer...

le 05/06/2020 à 21:11
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@Jeano: l'eau liquide a une tension de vapeur (selon la température), les fleuves, les marais, la mer ça en fait des quantités de vapeur d''eau, même si y avait aucun humain pour respirer. Et heureusement qu'il en condense (cycle de l'eau). Vous con...

à écrit le 04/06/2020 à 18:41
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Il est normal que les vols intérieurs en perte soient supprimés surtout quand il y a le train comme alternative. Air France pour ne pas disparaître doit gagner de l'argent et doit absolument fermer ces lignes ou augmenter massivement les recettes en ...

à écrit le 04/06/2020 à 18:13
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Les régions non pas besoin d'avion long cours, de simple aéronef a hélice moins bruyant sont suffisant!

à écrit le 04/06/2020 à 17:11
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Une liaison Bordeaux Paris...passe encore ! Mais PAU... Paris ! Ne serait ce que pour éviter que Bayrou se déplace (pour ne rien dire), la justification de la suppression de cette ligne serait suffisante.

à écrit le 04/06/2020 à 15:49
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Pour sauver le soldat AF, il a fallut injecter 7 mds dt 3 pouvant ne pas être remboursable . Cad des subventions déguisées payées par nous, contribuables pour soutenir ses lignes intérieures déficitaires??? Les cies low cost rivales, Ryanair en tê...

à écrit le 04/06/2020 à 15:43
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Il vaut mieux un bon expert que 100 experts. C’est valable pour le transport comme pour les ministères...

à écrit le 04/06/2020 à 15:31
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voila, nous y sommes, quand Paris cherche à tous prix a garder ses habitants en cassant la connectivité de la province... Après 9 milliards à Air France pour payer des cadres et du PNC à des taux plus que discutables, vient l'heure de l'humiliation d...

le 04/06/2020 à 17:13
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C'est une décision politique, qui a imposé à Air France de réduire voir supprimer les vols qui sont en concurrence avec la SNCF sur des trajets à moins de 2h30 en train... Bordeaux est à moins de 2h30 en train de Paris... de gare à gare... Mais b...

le 05/06/2020 à 9:41
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Pour les trajets train à moins de 2h30 de gare à gare, je crois que seul AF est contrainte de les supprimer, sauf pour les liaisons avec les hubs qui vont être assurés par HOP.. Dc, la concurrence n'est pas concernée. Tant mieux, car 2H30 de déplac...

à écrit le 04/06/2020 à 15:17
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L'aérien intérieur n'a aucun sens pour un pays comme la France. Trop petite distance, TGV, bon réseau routier. Avec le télétravail, les vidéos conférences, on se rend compte que c'est inutile de se déplacer autant. On peut suivre un projet sans êtr...

le 04/06/2020 à 16:31
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Je dois voyager régulièrement à l'international pour mon boulot. J'habite la province et n'envisage pas d'habiter un Paris cher et pollué. Vous me proposez donc 5 heures de voiture plutot que une heure d'avion pour rejoindre CDG ? Je ne parle pas ...

le 04/06/2020 à 16:46
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Aucun sens ? Le train sur les transversales n'existe pas.

le 04/06/2020 à 18:02
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Justement, vous parlez des usines qui font partie d'un vaste et complexe réseau connecté ds la chaîne de valeur de la ss traitance mondiale et peuvent être visitées in situ et non par visio conférence par des dirigeants, des politiques, des clients, ...

à écrit le 04/06/2020 à 14:23
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Pour voler à bas coût, il fallait que Air France achète des ATR pour les lignes intérieures. Une occasion ratée pour conserver des lignes et la connectivité des villes de Province méprisées par Paris.

à écrit le 04/06/2020 à 13:55
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Ça valait vraiment le coup de saboter le train pour favoriser le transport aérien, bientôt nous n'aurons donc ni l'un ni l'autre. Encore un exploit de notre prodigieuse oligarchie.

le 04/06/2020 à 14:19
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Personne n'a saboté le train, il s'est saboté tout seul avec trente ans de grèves, de jmenfoutisme, de service de mauvaise qualité, d'irrespect envers les clients, de retards, d'incapacité à se remettre en question… L'avion s'est développé face à un ...

le 04/06/2020 à 15:53
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@ multipseudos: Les 3/4 de nos voies ferrées ont été démantelées depuis 1956, il y a un gros dossier dans un gros journal dont je n'ai pas le droit de diffuser les liens exposant les preuves irréfutables de la compromission des politiciens frança...

le 04/06/2020 à 22:42
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En début d'année, AF n'a pas fait grève, mais le train ...

le 05/06/2020 à 16:17
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@ multipseudos: Tu es lourd. Apprends à lire et lâche moi. Signalé Et si je peux pas faire virer ce trollage, de grâce vous virez mon commentaire de base sinon ça va vite me gonfler, merci.

à écrit le 04/06/2020 à 13:43
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Il est triste de constater que la politique des transports se fasse depuis les nantis de Paris qui ont le choix de prendre le train car situés non loin des antiques gares parisiennes (voir les impressionnistes). Si on inversait la fréquence des tr...

à écrit le 04/06/2020 à 13:39
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France = pays de bisounours, où au nom de pseudo-écologie, d'égalitarisme, de bien-pensance exacerbée, on refuse tout ce qui fait fonctionner un pays au 21è siècle, et où la mobilité aérienne comme terrestre est une nécessité. Donc retour à la dilige...

à écrit le 04/06/2020 à 13:16
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comme pour la fermeture de Fessenheim on ferme de lignes intérieur pour faire plaisir a des idiots et a leur caprice et si il y a des pertes de revenues et même de emplois perdu ils s'en moque de la France et des Français eu sont en place pou...

le 04/06/2020 à 18:33
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Les ecolos ? des rêveurs déconnectés des réalités du monde actuel et qui sont en train de devenir les fossoyeurs de l'économie française.Pauvre France.

le 05/06/2020 à 22:03
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" fermeture de Fessenheim ...... pour faire plaisir a des idiots" Je suggere que vous lisiez Secret Fallout par l'eminent Dr Ernest Sternglass pour comprendre comment le nucleaire a empoisonne la sante et l'intelligence de la population occidental d...

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