Ruralité : faire ses courses dans une grande surface est vécue comme « une perte de temps et d'argent » (étude)

Plus d'un tiers des habitants du monde rural affirme discuter avec un seul voisin chaque jour, voire aucun... C'est le principal enseignement du premier baromètre de la proximité rurale réalisé par OpinionWay pour la jeune pousse Api, spécialisée dans l'implantation de supérettes autonomes. En pleine colère des agriculteurs, cette initiative n'a rien à voir avec le « programme de reconquête du commerce rural » mais confirme le nouveau record atteint par l'inflation des prix de l'alimentaire en 2023. Explications.
César Armand
D'après le gouvernement, plus de 21.000 villages ne disposent d'aucun commerce, soit 62% des communes rurales contre 25% en 1981. (Photo d'illustration)
D'après le gouvernement, plus de 21.000 villages ne disposent d'aucun commerce, soit 62% des communes rurales contre 25% en 1981. (Photo d'illustration) (Crédits : iStock)

Près de cinq ans après la crise des « Gilets jaunes », un mouvement social européen est en train de prendre de court les autorités nationales : la colère des agriculteurs. Dans la soirée du 22 janvier, des porte-paroles ont certes été reçus à Matignon par le Premier ministre Gabriel Attal, mais la FNSEA a déjà indiqué qu'il n'y aurait « pas de levée des actions » menées en France sans « décisions concrètes » de l'exécutif.

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Et ce alors que les gouvernements successifs d'Emmanuel Macron tentent de résoudre les fractures territoriales, y compris dans les campagnes où vivent un tiers des Français, selon l'Insee. Après l'« Agenda rural » co-construit par les élus locaux et le Parlement lors du premier quinquennat, l'équipe d'Elisabeth Borne a lancé en juin 2023 « France Ruralités » : un plan de 2 milliards d'euros. Le premier programme doté de 6 millions d'euros, « Village d'Avenir », permet par exemple à 2.467 maires de pouvoir bénéficier d'un chef de projet en ingénierie.

Il n'empêche : le sentiment d'abandon reste toujours prégnant. Selon le premier baromètre de la proximité rurale, réalisé par OpinionWay pour la startup Api et publié ce 23 janvier, plus de la moitié (52%) des ruraux interrogés estiment que « faire des courses prend du temps ». Le supermarché, qui est souvent le seul moyen de s'alimenter, est perçu « une dépense de temps et d'argent » pour 48% des sondés. « Les files d'attente sont trop longues en caisse », jugent même 45% d'entre eux.

38% des ruraux affirment ne discuter qu'avec un voisin chaque jour, voire même aucun

Ces difficultés dans les campagnes françaises, la jeune pousse Api à l'origine de l'étude veut justement y répondre.

« Les gens ne se parlent plus. 38% des personnes interrogées affirment ne discuter qu'avec un seul voisin chaque jour, voire même aucun... », expliquent, à La Tribune, les co-fondateurs d'Api Julien Nau et Antoine Tetard.

La startup s'est spécialisée dans l'implantation de supérettes autonomes dans les communes entre 500 et 1.000 habitants. Née en novembre 2022, elle revendique aujourd'hui 40 magasins d'alimentation générale en Nouvelle-Aquitaine avant se déployer en Pays de la Loire et en Normandie.

« Ce qui nous intéresse, c'est le consommateur rural. C'est pourquoi nous vendons des produits de grande consommation qui ne se trouvent pas dans les épiceries de village comme les couches », rétorquent les startuppeurs. La jeune pousse est néanmoins associée à Carrefour pour pouvoir proposer 700 références dans chaque épicerie, dont la moitié en marque distributeur.

Une initiative qui n'a rien à voir avec le « programme de reconquête du commerce rural » du gouvernement

En l'absence de magasin alimentaire dans leur village, les ruraux sont donc contraints de prendre leur voiture. Les 1.007 Français vivant dans des communes de moins de 1.500 habitants, interrogés par OpinionWay pour Api, affirment passer, en moyenne 24 minutes, dans leur voiture pour se rendre dans une grande surface. Pis, ils roulent même 1.250 kilomètres par an.

Faute d'alternative locale, 75% de leur budget alimentaire total est en effet dépensé en grande surface ou en drive. Plus de la moitié du panel (55%) aimerait ainsi moins utiliser son véhicule personnel. Une très grande majorité essaie même de limiter ses dépenses alimentaires (88%) ou déclarent aider les magasins locaux de proximité (81%).

Une initiative privée qui n'a cependant rien à voir avec le « programme de reconquête du commerce rural » impulsé par les (ex ?) ministres du Commerce Olivia Grégoire et des Collectivités territoriales Dominique Faure. D'après elles, plus de 21.000 villages ne disposent d'aucun commerce, soit 62% des communes rurales contre 25% en 1981.

Pas plus tard qu'en décembre dernier, Olivia Grégoire a annoncé une troisième salve de subventions de 1,2 million d'euros pour 43 projets de création de commerce répartis dans 28 départements.

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L'inflation des prix alimentaires a atteint un nouveau record en 2023

D'autant qu'en 2023, l'inflation des prix alimentaires a atteint 11,9% a fait savoir à la presse, ce 23 janvier, l'association Familles Rurales qui publie chaque année un observatoire des prix des biens de consommation courante.

« De nombreux produits sains pour notre santé sont encore plus touchés par la hausse moyenne : +40,6% pour la carotte, +24,8% pour le maquereau, +23,2% pour le lait demi-écrémé, +21% pour l'huile d'olive ou encore +20,4% pour le riz », écrit, dans son communiqué cité par l'AFP, Familles Rurales.

Selon son étude, une famille de 2 adultes et 2 enfants doit désormais dépenser 539 euros pour un panier de base comprenant 5 fruits et légumes par jour ainsi que des produits céréaliers quotidiens. C'est plus de 10% qu'en 2022... Autrement dit, 10,8 millions de personnes, soit 16% de la population, n'ont « pas les moyens de s'alimenter comme elles le devraient pour être en bonne santé »...

César Armand

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Commentaires 6
à écrit le 24/01/2024 à 10:22
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Et que veulent-ils faire ? Rester au lit ? Loin des autres, surtout ? Et ne pas se confronter au monde réel ? Pour mieux s'enfoncer dans leur caverne ? Le confinement et le télétravail ont fait des ravages, et ça continue...

à écrit le 24/01/2024 à 9:40
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Et c'est franchement triste mais totalement dans la droite ligne de l'UERSS empire prévu pour durer mille ans d'assimiler systématiquement et uniquement le monde rural avec ses agriculteurs qui ont la langue pendue devant le cours de la bourse. Caric...

à écrit le 24/01/2024 à 8:47
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4 ans de banlieue parisienne, je n'ai jamais croisé mes voisins de pallier...

à écrit le 24/01/2024 à 1:39
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Livraison a domicile. Plus de temps perdu. A terme grosses economies et pas de stress.

à écrit le 23/01/2024 à 19:36
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Ce n'est certainement pas en allant chez API que les ruraux rencontreront du monde , il n'y a pas de personnel par contre de nombreux petits villages de quelques centaines d'habitants créent des marchés hebdomadaires avec producteurs et revendeurs qu...

à écrit le 23/01/2024 à 19:16
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La solution c'est le Drive. On peut maîtriser ses dépenses et en 5/10mn on récupère ses courses.

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