Moins de CO2 et plus de béton bas-carbone, le Grand Paris Express veut se verdir

La Société du Grand Paris, qui construit le super-métro francilien de demain, vient de dévoiler sa nouvelle stratégie environnementale. Au menu : 25% d'émissions de gaz à effet de serre en moins, le pari du béton bas-carbone et du béton fibré, le développement de l'économie circulaire... Le nouveau président du directoire Jean-François Monteils précise les modalités d'évaluation d'une telle feuille de route, alors que des voix s'élèvent pour protester contre la potentielle destruction d'hectares de terres agricoles induite par ce projet.
César Armand
Le chantier de la gare de Saint-Denis Pleyel au carrefour des futures lignes 14,15,16,17 du Grand Paris Express.
Le chantier de la gare de Saint-Denis Pleyel au carrefour des futures lignes 14,15,16,17 du Grand Paris Express. (Crédits : CA / La Tribune)

La Société du Grand Paris, qui porte le chantier urbain de la décennie - 200 kilomètres de nouvelles lignes de métro et 68 gares d'ici à 2030 - veut incarner l'excellence écologique. L'établissement public d'Etat qui construit le Grand Paris Express vient en effet de sa présenter sa nouvelle stratégie pour consolider son bilan environnemental.

« Nous voulons aller au-delà du discours et montrer ce que l'on fait. Nous avons un socle remarquable dans ce domaine », a déclaré, sur le site de la future gare de Saint-Denis-Pleyel, le nouveau président du directoire de la Société du Grand Paris. « C'est dans notre ADN et c'est le moment de passer la vitesse supérieure », a poursuivi Jean-François Monteils, nommé en mars 2021.

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Le chantier de la gare de Saint-Denis-Pleyel vu d'en haut

25% de gaz à effet de serre en moins

Le fabricant du super-métro espère réduire de 25% ses émissions de gaz à effet de serre liées à la construction du Grand Paris Express, mais sans préciser la base de départ ni l'année d'échéance. D'après ses calculs, la réalisation des lignes 15, 16, 17 et 18 d'ici à 2030 vont générer 4,4 millions de tonnes équivalent CO2. Pour inverser la tendance, des critères environnementaux seront insérés dans les appels d'offre tout comme la tonne de carbone évitée par les lauréats sera valorisée par des « éléments financiarisés ».

Ce n'est qu'à horizon 2050, soit vingt ans après la livraison du projet dans son intégralité, que la mise en service permettra de réduire les émissions d'au moins 14,2 millions de tonnes équivalent CO2. 36 % viendront de la baisse de l'usage de la voiture et 64% liés aux économies de CO2 des futurs projets immobiliers dans les quartiers de gare. Sans attendre vingt-neuf ans, la moitié des émissions de gaz à effet de serre actuelles du chantier est déjà imputée au béton.

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Une "toupie" sur le chantier de la gare de Saint-Denis-Pleyel

Le pari du béton bas-carbone et du béton fibré

Il ne contient que 12% de ciment - contre 88% de granulats et de sable - mais ce ciment est responsable de 98% des émissions de gaz à effet de serre du béton. Aussi, de la même façon que le syndicat français de l'industrie cimentière s'est engagé, en mai 2021, à réduire de 25% ses émissions de gaz à effet de serre dans les dix ans et de 81% d'ici à 2050, la Société du Grand Paris mise désormais à 100% sur le béton bas-carbone.

Ce dernier, considéré comme 40% moins émissif que le béton traditionnel, fait l'objet d'une clause de performance environnementale qui impose son utilisation dans les marchés de conception-réalisation des tronçons Est et Ouest de la ligne 15 ainsi que tous les marchés incluant son usage. Cette clause fera l'objet d'un suivi, assure encore l'établissement public d'Etat.

Sauf que le béton bas-carbone n'est pas sans controverse. Dans ce béton, le ciment est substitué par des laitiers, des déchets de fonderie et d'aciérie. « Pour une tonne de laitier, c'est 17 kilos de CO2 qui sont émis ; pour une tonne de ciment, c'est 300 kg. », a répliqué Pascal Hamet, directeur du projet ligne 16 lot 1 pour Eiffage. « L'acier a déjà pris en compte les émissions de gaz à effet de serre. La planète serait perdante s'il n'était pas réutilisé », a-t-il poursuivi.

Parallèlement, la Société du Grand Paris mise sur le béton fibré. Les armatures d'acier y sont remplacées par des fibres métalliques. Cela permet de consommer moins d'acier, dont les coûts explosent dans le contexte actuel de manque de matériaux de construction, et de réduire l'empreinte carbone. « 10.000 tonnes équivalent CO2 sont économisées en moyenne pour 10 km de tunnel par rapport au béton armé », fait-on savoir du côté de l'établissement public.

Autre piste à l'étude : l'utilisation des déblais de chantier pour produire des composants du béton bas-carbone qui pourraient permettre d'éviter « jusqu'à 80.000 tonnes équivalent CO2 », dit-on encore. « On expérimente les déblais argileux pour le béton ultra bas-carbone », a appuyé son directeur de la stratégie et de l'innovation John Tanguy. D'autant que le prix des matériaux de construction poursuit sa hausse. « Cela ne fera pas exploser le coût du projet », a balayé le président du directoire, Jean-François Monteils.

Une prime à l'innovation et une ligne d'amorçage

Dans ce registre, le maître d'ouvrage a mis en place en 2020 un dispositif incitatif baptisé « Reverse Carbon Initiative », une prime à l'innovation. Les entreprises sont encouragées financièrement à proposer des solutions permettant d'utiliser moins de béton ou plus de béton bas-carbone, ainsi qu'à trouver de nouveaux matériaux. L'objectif demeure le même : « éviter l'émission de jusqu'à 100.000 tonnes équivalent CO2 ».

Plus généralement, l'établissement public d'Etat s'apprête à allouer un budget spécifique qui permettra de financer des projets et des expérimentations ayant, là encore, vocation à diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Cette « ligne d'amorçage budgétaire pour encourager l'innovation » doit encore être examinée au conseil de surveillance du 24 novembre prochain portant sur le budget de 2022.

L'effort budgétaire interviendra au lendemain du relèvement du coût global du projet. Après avoir été évalué à 35,6 milliards d'euros en 2018, il a été réévalué à 36,1 milliards d'euros (+1,40%) le 7 octobre dernier. Pourtant, il y a trois ans et demi, lors de sa nomination à la présidence du directoire, Thierry Dallard avait notamment la mission de réaliser 10% d'économies.

Son successeur Jean-François Monteils estime qu'il est toutefois possible de concilier économies et écologie. « Nous sommes en mesure de montrer qu'il n'y a pas d'opposition entre les finances et l'environnement. Le bilan financier de ces techniques nouvelles est positif », a embrayé le nouveau dirigeant.

Développer l'économie circulaire

La Société du Grand Paris entend également développer l'économie circulaire. L'entreprise, qui a toujours estimé à 45 millions le nombre de tonnes de déblais et promis d'en revaloriser 70%, a rehaussé ses objectifs. Le but consistera à atteindre entre 75% et 85% sur les marchés de conception-réalisation qui permettront de réaliser les tronçons Est et Ouest de la ligne 15. De la même manière que pour l'ensemble des lots de conception-réalisation, 40% des matériaux issus de terres excavées devront être réutilisées dans les matériaux de rechargement des tunnels et 20% dans les remblais.

Sachant qu'à ce jour, 18 millions de tonnes ont déjà été extraites, dont 48% principalement valorisées pour réaménager des carrières et 41% envoyées sur le site de Villeneuve-sous-Martin en Seine-et-Marne pour en faire un aménagement paysager. Un parc va sortir de terre à Chelles (Seine-et-Marne). Des déblais pourraient même être transformés en mobilier urbain à Bagneux (Hauts-de-Seine). « Nous sommes à l'affût de tout dispositif innovant », a souligné Jean-François Monteils, président du directoire.

Que ce soit pour les déblais ou l'acheminement des tunneliers depuis l'usine allemande d'Herrenknecht, le camion reste toutefois le moyen de locomotion prédominant. Même si 6 millions de tonnes de déblais ont déjà été évacuées par barges et voies ferrées, « il n'y a pas toujours la proximité avec la voie d'eau, et la SNCF donne toujours la priorité à la circulation du transport de voyageurs », a justifié le patron de la Société du Grand Paris, Jean-François Monteils. Maître d'oeuvre à Saint-Denis-Pleyel, Eiffage a, lui, un partenariat avec Volvo pour 30 camions roulant au gaz naturel de ville (GNV) avant de passer à l'hydrogène.

Cette énergie ne rejette que de l'eau dans l'atmosphère. Cela tombe bien : l'établissement public d'Etat affirme aussi qu'il limite les impacts du projet sur les territoires et les milieux naturels. Au lendemain de « Marches des terres » qui alertent, notamment, sur l'urbanisation du plateau de Saclay liée à la construction de la ligne 18, la société a communiqué son bilan à date en matière de biodiversité. 100% des chantiers ont reçu des autorisations environnementales, 40 audits environnementaux ont été menés en 2020, 20 mesures de compensation écologique et forestière entreprises, 42 hectares restaurés en Ile-de-France.

Limitation des consommations d'énergie dans le train et dans les gares

L'opérateur se fait par ailleurs le chantre de la ville durable. L'atelier parisien d'urbanisme (Apur) a fait les calculs : les rayons de 800 mètres - dix-quinze minutes à pied -  autour des 68 gares ont une superficie de 140 km² - 1,4 fois la superficie de Paris intramuros. Soit un potentiel de construction de 32 millions de mètres carrés à ériger ou à reconvertir sans étaler dans cette zone davantage l'artificialisation des terres.

La Société du Grand Paris assurera l'aménagement autour des gares de même qu'elle est partenaire du troisième concours « Inventons la métropole du Grand Paris » pour justement réfléchir à l'urbanisme de ces quartiers de gare. Reste que les projets devront sortir de terre...

La transition écologique ne serait rien enfin sans la performance énergétique du réseau. Lors de sa phase d'exploitation, le Grand Paris Express s'appuiera sur « les technologies les plus avancées » pour limiter les consommations d'énergie, y compris dans les gares. « Nous allons intégrer cela dès la conception pour aller le plus loin possible », a estimé Jean-François Monteils. Et avec de l'électricité verte ? « Je suis prudent », a-t-il répondu, avant de compléter : « Nous allons renforcer notre conseil scientifique pour analyser ce qu'on produira ».

Vers un dispositif d'évaluation in itinere ?

Réduction des émissions de gaz à effet de serre, renforcement de l'utilisation du béton bas-carbone, accélération de la réutilisation des déblais... Sur le papier, les intentions sont ambitieuses. Concrètement, cette nouvelle stratégie fera-t-elle l'objet d'un audit écologique ?

« Je ne sais pas encore, étant au stade de la réflexion », confie le président du directoire de la Société du Grand Paris à La Tribune. « Nous sommes en train de recruter un directeur des études économiques et environnementales : Dominique Bureau, un scientifique du développement durable et des politiques publiques. Il nous aidera  », sur le site de l'entonnement des lignes 16 et 17 à La Courneuve.

« Je pense à un dispositif d'évaluation in itinere, c'est-à-dire chemin faisant, en interne et en externe car je ne suis pas sûr qu'un dispositif de certification soit optimal. Je n'ai pas juste envie de coller des étiquettes », conclut Jean-François Monteils.

Il sait de quoi il parle. A sa sortie de l'ENA en 1993, il choisit la Cour des Comptes, organe d'évaluation des politiques publiques de référence.

Entonnement

La perspective des grues sur le site de l'entonnement des lignes 16  et 17 à La Courneuve

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 21/10/2021 à 10:14
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Bref! Pourquoi un "grand" Paris, alors que personne ne rêve d'y vivre? Ce qui sera toujours le cas une fois les travaux finis!

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