BONNES FEUILLES. « Wall Street en Feu » 26/28

ÉPISODE 26/28. La Tribune vous offre 28 épisodes d'un thriller financier hautement addictif. Si vous avez aimé La Firme de John Grisham, alors vous succomberez au premier roman de Thomas Veillet, ex-trader de la banque UBS devenu journaliste financier : « Après avoir vécu l'horreur des combats en Afghanistan, Tom Kelcey pose son paquetage à New York. Bien résolu à se défaire des stigmates de la guerre, il entame une prometteuse carrière de trader à Wall Street, dans une prestigieuse salle des marchés. Son sens de l'observation lui permet de détecter des anomalies et de réaliser des profits colossaux ; sans le savoir il vient de déranger de puissants intérêts ».
(Crédits : Talent Editions)

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Trois minutes plus tard, Lamar cherchait du regard un gros SUV noir. À cinquante mètres sur sa gauche, un bonhomme trapu, avec des cheveux filasse qui avaient dû être noirs autrefois, accoudé à un Dodge Durango SRT8, lui fit signe de la main. Lamar pensa machinalement que la police new-yorkaise était montée en gamme niveau voitures. Il s'approcha lentement du véhicule. Il se demanda l'espace d'un bref instant s'il devait serrer la main à Dickinson. Sans aucun protocole, ce dernier ouvrit la portière arrière et lui désigna le siège :

- Merci de vous être rendu disponible aussi rapidement, Lamar. Le trader, contrarié, nota dans un coin de son esprit qu'il n'y avait déjà plus de « monsieur Loggins » qui tenait. Il s'installa dans le véhicule en même temps que Dickinson le contournait pour prendre place de l'autre côté.

- Vous ne m'avez pas vraiment laissé le choix. Je suis un bon citoyen, après tout. Je me dispose à rendre service à la police de ma ville, glissa-t-il d'un ton grinçant.

- Bien, bien... Je suis content de voir que vous êtes prêt à collaborer.

- Collaborer à quoi, au juste ?

- Nous comptons sur vous pour mettre la main sur vos collègues au plus vite. Vous savez qu'ils ont tout intérêt à se rendre ?

- J'imagine. Surtout que ça vous faciliterait le travail. Mais qu'attendez-vous de moi ?

- Que vous commenciez par nous dire où ils sont, répondit sèchement le flic.

Lamar eut un mouvement de recul.

- Inspecteur, je n'en ai aucune idée... Peut-être serait-il plus raisonnable que nous attendions d'être au poste pour que j'appelle mon avocat.

- Vous pensez avoir besoin d'un avocat, monsieur Lamar ?

- Je ne sais pas où sont Tom Kelcey et Bill Callahan. Rien d'autre à vous dire ! Je ne sais pas ce que vous attendez de moi, mais il me semble que la présence de mon avocat ne serait pas un luxe, vu le ton de votre voix.

Sur cet échange aigre-doux, le chauffeur du SUV démarra dans un crissement de pneus. La confusion... Lamar qui part en arrière contre l'appuie-tête. L'inspecteur Dickinson qui lui plante son flingue dans les côtes et change de ton :

- Écoute-moi, connard ! On sait parfaitement que tu as parlé à ton pote au téléphone hier. Nous avons le numéro d'une cabine dans le Vermont qui t'a appelé. L'appel a duré moins de quinze secondes. Ensuite, tu t'es levé et tu as quitté le bureau. Ton relevé de carte de crédit me dit que tu as acheté des téléphones jetables chez l'Indien en face de ton bureau. Et ne me prends pas pour un con, je sors de chez lui. Il m'a tout confirmé ! Tu vas donc me balancer ce que tu sais ou on va retrouver ton corps au fond de la rivière... On dira que tu t'es fait agresser dans une ruelle en sortant de chez une pute de luxe spécialisée dans les gars de Wall Street comme toi !

Lamar esquissa des gestes de dénégation mais Dickinson le frappa au visage avec son arme. Le véhicule, toute sirène hurlante, accéléra. Le trader, sonné, se plia en deux contre le siège du conducteur. Il haleta quelques secondes, puis passa sa main sur son front par réflexe. Il saignait abondamment de l'arcade droite.

Ces gars étaient peut-être bien des flics, mais en ce moment ils ne travaillaient pas pour la ville de New York. Des ripoux, Lamar en aurait mis sa main pleine de sang à couper.

Alors que Dickinson continuait à vociférer à côté de lui, Lamar tenta de se concentrer sur la conduite à tenir. S'il ne sortait pas de ce véhicule rapidement, il ferait grossir les statistiques des Blacks abattus par la police « par erreur ». Une seule solution : faire stopper la Dodge. Comme il était assis derrière le conducteur, il devait saisir sa chance mais il n'aurait droit qu'à une tentative. Point positif, le chauffeur s'était dispensé de ceinture de sécurité.

L'ancien défenseur des Fighting Irish de Notre Dame qui avait presque fini en NFL prit son élan en s'appuyant contre le dossier de la banquette arrière. Moins d'une seconde pour ce geste désespéré qui surprit Dickinson. Il balança un immense coup d'épaule contre le siège conducteur. Sous le choc, son occupant écrasa la pédale de frein et se fracassa les poumons sur le volant. La tête suivit dans un second temps contre le pare-brise, faisant exploser son nez. Il perdit le contrôle de la voiture qui alla empaler un taxi new-yorkais déchargeant une dame et son bichon havanais au bord de Houston Street.

Dickinson fit valdinguer son flingue en même temps qu'il s'encastrait entre les deux sièges avant. Lamar lui écrasa la main au sol avec le pied et remonta son genou droit en pleine face, avec toute la force disponible. Le flic ripou eut juste le temps de penser que ce Loggins était étonnement agile pour un type de cent vingt kilos. Puis le genou en titane de Lamar s'écrasa sur sa mâchoire, faisant exploser deux dents de devant. De douleur, Dickinson perdit connaissance.

À cet instant précis, Lamar Loggins se demanda s'il n'aurait pas mieux fait de réclamer l'assistance d'un avocat avant de monter dans la voiture. Le débat intérieur fut bref. Il s'éjecta de la Dodge alors que le chauffeur du taxi vociférait contre le collègue de Dickinson dans une langue incompréhensible.

Le genou en vrac, Lamar trottina péniblement sur cinquante mètres, s'engouffra dans la première rue à droite et partit en direction de Bowery et d'Astor Place. Là, il pourrait attraper un métro et quitter Manhattan. Sans être un expert en traque policière, il savait que son passé agité ne jouerait pas en sa faveur. Mieux valait prendre ses distances. Il se dissimula à l'abri d'un porche. Il fouilla la poche de sa veste pour récupérer un de ses portables jetables. Il composa le numéro de Tom tout en se demandant si c'était une bonne idée, mais il n'avait pas le choix.

Tom était en train d'acheter des fringues dans un centre commercial de Bennington. Il allait bien falloir se changer de temps en temps. Devant une vendeuse volubile, il saisit l'appareil et répondit à Lamar :

- Je te rappelle dans deux secondes !

- NON ! Pas le temps

Tom s'éloigna de la jeune femme en lui faisant signe de patienter. Une fois à bonne distance, il donna le feu vert à Lamar :

- Vas-y, je t'écoute.

- Je viens de me faire pratiquement kidnapper par deux flics new-yorkais qui avaient visiblement oublié avoir prêté serment.

- Et tu vas bien ?

- Disons que je vais mieux que leur nez et leur mâchoire respectives. Ça fait longtemps que je ne m'étais plus battu, mais ça fait du bien ! Par contre, là, tout de suite, retourner au boulot me paraît compromis. Tu me diras, mon boss et mon collègue ne sont pas là, je n'ai donc pas vraiment de raison d'y être.

Tom sourit en pensant à son collègue qui avait écumé un temps les tapis de MMA. Il avait dû se faire un immense plaisir à massacrer deux flics ripoux.

- OK, mon ami, tu es où et tu vas où ?

- J'arrive à Astor Place, je vais prendre le métro pour me tirer de Manhattan. J'ai des potes à White Plains, je pense pouvoir me planquer un ou deux jours, mais la question est de savoir si les flics vont me coller un avis de recherche sur le dos ou pas. Si leur mission était officielle, ils n'auront pas le choix. Mais je parierais que leur hiérarchie n'était pas au courant de mon interrogatoire.

Tom réfléchissait à une solution de repli pour Lamar et lui dit :

- Va chez tes amis, disparais des écrans radar pendant les prochaines heures et je m'occupe du reste.

- Bien compris. Je vais faire comme ça. Par contre, je peux te poser une question ?

- Oui, bien sûr...

- Tu n'es pas passé du côté obscur de la Force, on est bien d'accord ?

Tom éclata de rire, bien qu'il puisse comprendre les doutes de son ami.

- Oui, Lamar. Je suis avec les gentils. Je n'ai rien à me reprocher.

- Non, parce que tu sais, un gentil Black qui se met avec un méchant Blanc, ce n'est jamais bon pour sa carrière à Wall Street !

- Prends ce métro au plus vite, monte à White Plains, je te contacte dès que possible

Tom paya son stock de fringues et sortit du magasin. Il retrouva Vanessa qui avait aussi fait des emplettes, avec un volume de sacs similaire au sien. Au moment où ils allaient traverser pour retrouver le Raptor, une voiture de police s'approcha dangereusement d'eux. Les deux agents à l'affût observaient le parking dans tous les sens. L'un d'eux fixa la jeune femme d'une façon appuyée. Après tout, Tom et Vanessa représentaient le couple idéal de consommateurs américains. Le véhicule passa son chemin à la recherche de suspects dignes de ce nom.

- Relax, lieutenant, ils voulaient juste me payer un verre. Il y a pas mal d'hommes qui fantasment sur les femmes pilotes.

- Ce n'est pourtant pas écrit sur ton visage que tu pilotes des hélicos !

- Oui, mais ça se sent, c'est une question d'attitude.

- Je vois..., fit-il en souriant à son humour. En parlant de pilotage, je crois que je vais avoir besoin de tes services.

Vanessa observa Tom d'un air interrogatif. Ce dernier lui expliqua brièvement la situation de Lamar et ce qu'il avait en tête.

- On ne s'ennuie jamais avec toi, lieutenant. Tu as pensé à écrire un bouquin sur votre vie ?

A suivre...

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